mercredi 18 février 2009

Ajustons donc notre vision…


Pour poursuivre (et terminer) le compte-rendu de la conférence à l’IFRI, le deuxième axe pertinent portait sur le Hamas.

Quoique difficilement comparable, l’objet d’étude que représente Israël et son armée, est plus familier à nous Occidentaux que la compréhension d’un acteur irrégulier, quasi-étatique comme le Hamas. Ainsi au cours du conflit, plusieurs éditorialistes ont appelé à « un ajustement de notre vison déformée du Hamas ». C’est dans cette perspective que Jean-François LEGRAIN a brillamment présenté le Hamas en revenant sur quelques fausses lapalissades. Chercheur à la Maison de l’Orient et de la Méditerranée de Lyon, il est spécialiste des élites palestiniennes. Sur sa page personnel, on pourra trouver de nombreuses interventions consultables en ligne.

La première inexactitude est l’opposition faite entre la nature laïque de l’OLP (dont le Fatah est membre) et la nature islamique du Hamas (qui pourrait à nouveau en devenir membre). Or les organisations partagent une vision commune de l’Islam comme religion officielle ayant une place au sein des institutions politiques par la charia, une des sources de la législation. Le terme de laïc est non utilisé et même prohibé par les organisations. S’il y a une opposition à faire entre l’OLP et le Hamas, elle pourrait se faire entre nationalistes et islamistes.

La deuxième erreur serait de faire du Hamas, le bras armé de l’Iran. Or l’Iran est chiite et le Hamas se réclame du courant sunnite. Il est vrai que par « realpolitik », ils pourraient oublier ces différences. Mais le Hamas n’est pas un mouvement groupusculaire si manipulable. On peut rappeler que le Hamas trouve son origine en 1987 dans la branche gazaouite des Frères musulmans d’origine égyptienne. Le refus de ces derniers de donner de l’importance au sentiment anti-israélien est la cause de la scission (ndlr : encore aujourd’hui, le soutien affiché des Frères musulmans à leurs « frères palestiniens » est timide).

Alors comment définir le Hamas ? Pour l’intervenant, c’est « un mouvement de sociabilisation religieuse ». Le but recherché est la réislamisation de la société en passant par des activités politiques et s’il le faut un volet militaire. Le Jihad n’est déclaré que s’il apporte des bénéfices à la communauté religieuse (ndlr : la résistance militaire active peut être nécessaire mais sous la forme d’une manifestation de résilience aux agressions plus que dans une posture offensive). De son origine, le Hamas a conservé la nécessité de la charité et une vision restreinte de la politique étrangère. AU contraire de l’OLP et du Fatah qui sont de véritables organisations de libération nationale avec une vision mondiale.

Comme socle de futures discussions, l’ancienne position du Hamas est pérenne. De facto, le Hamas se contente de la coexistence de la Palestine selon les frontières de 1967 avec pour Israël, la fin des colonies et le retrait de Jérusalem Ouest. Mais de jure, le Hamas refuse un état non islamique sur une terre islamique. Et alors on rentre au cœur de problématiques complexes même si il existe peu de réticences entre les acteurs pour discuter. Si l’Egypte a souvent servi d’intermédiaire, la Turquie pourrait être une alternative pour relancer la résolution sur de nouvelles bases. Encore que la Turquie devra trancher entre un penchant européen (hier très prégnant, aujourd’hui en sommeil) et un penchant asiatique dont on aperçoit quelques balbutiements.

Les autres interventions présentaient les proches perspectives. Elles se sont trouvées majoritairement invalidées ces derniers jours car, à mon sens beaucoup, trop idéalistes et positives. Sans prendre au premier degré les actuelles gesticulations diplomatiques (tenter de faire monter les enchères est au cœur des processus de négociations), il est notable de remarquer que rien de définitif n’a émergé : les raids se succèdent aux roquettes et inversement, la trêve est un rêve pieux, les échanges de prisonniers sont au point mort en attendant de fixer un ratio entre le nombre de palestiniens et Gilad Shalit, la levée du blocus et la réouverture des points de passage ne sont même plus abordées, la mise en place d’un « gouvernement politico-technocratique » pour préparer les élections palestiniennes semble une aberration… Si l’espoir était permis, il y a encore une semaine, le désaccord inter-palestinien et les fermes positions des protagonistes ne présagent rien de bon.

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