mardi 8 février 2011

Quand grâce au partage de l'information, tout le monde croit tout savoir (+MAJ1)

L'émergence de la théorie du Network-Centric Warfare par son père, l'amiral Cebrowski, a conduit à la répétition d'antiennes présentant la clé du succès : "l'information est une arme", "celui qui gagnera est celui qui partagera le plus vite l'information", etc. Slogans d'actualité et posant pourtant toujours certains problèmes.

Quand un Lieut-Co américain donne son avis

Ayant commis (quel vilain terme, cela donne l'impression d'être un criminel) quelques articles sur la manière de faire la guerre à l'américaine, à l'otanienne ou à la française, l'article mis en ligne sur le Small Wars Journal intitulé "The Negative Effects of the COMISAF “Stand-Up Broadcast” via Adobe Connect" m'a interpellé.

L'avis de ce lieutenant-colonel de l'US Army, bien que n'engageant que lui, semble ne pas avoir plu, puisque l'article a été retiré hier soir (je m'avance peut être sur la raison). En tout cas, il tranchait avec les autres contributions qui sont généralement, pas tout le temps, des auto-congratulations.

Le partage de l'information ? Oui, mais jusqu'au bon niveau.

Au sein de l'ISAF a été mis en place un système de communications qui permet à 500 personnes de suivre en direct le briefing quotidien sur les événements des dernières 24h rassemblant le COMISAF (le général Petraeus), son staff et généralement les différents commandants de régions ou des grands états-majors (IJC, NTM-A, etc.).

Pour l'auteur, les défauts d'une telle pratique seraient plus néfastes que les avantages à tirer d'un large partage. Le principal serait de faire croire à des subalternes qu'ils ont compris l'intention du chef en visionnant ces réunions. Ils pourraient se passer (ou contredire) la déclinaison de la mission transmise par les échelons intermédiaires.

At the highest level the use of this technology has had the effect of cutting out the appropriate and necessary filtering and interpretation function of the subordinate commanders and their staffs.
These actions arise because so many Field Grade officers mistake COMISAF’s habit of thinking out-loud and exploring ideas verbally, as well as his off-hand comments, for items that he wants immediately explored and/or developed by his staff.
Du micro-management à la co-direction par tous ?

Reprenant l'exemple historique du maréchal de France Louis-Alexandre Berthier, chef d'état-major particulier et oreille attentive de Napoléon, l'auteur développe le processus intellectuel de réception - interprétation - développement - partage. Il démontre aussi son importance tout au long de la chaîne de commandement.

Car si le risque du micro-management par les échelons supérieurs a souvent été stigmatisé par les critiques des technologies de l'information, l'inverse semble apparement possible. Le bas de la chaîne de commandement pénètre dans le domaine réservé du haut et interfère par son action la réflexion en cours ou supplante la planification.

En prônant la limitation drastique du nombre de participants, l'auteur espère résoudre par le vide les problémes rencontrés. Appliquée ou non, cette mesure ne doit pas empêcher la mise en place d'une véritable éducation technologique, car si ces outils sont des aides précieuses pour le commandement, ils peuvent aussi mettre à mal la cohérence de telles chaines.

NB : pas forcément en rapport, quoique, je signale la petite pépite stimulante rédigée par Olivier Kempf : "L'indiscipline, force des armées". A lire, ainsi que les commentaires.

MAJ1 : le document cité est aujourd'hui seulement disponible sur les sites d'archives (et donc un peu difficile à trouver). Il est néanmoins possible de le récupérer en m'envoyant un mail.

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