dimanche 15 avril 2012

Interférence du politique dans le militaire : une vision afghane à Kaboul (+ MAJ 1 et 2)

Lors de l'opération de contre-terrorisme menée à Toulouse, certains observateurs ont remarqué l'importante interférence politique qui aurait pu jouer un rôle dans le déroulement des événements (en particulier dans la définition des objectifs et des moyens pour y parvenir ainsi que dans le timing du lancement de l'assaut).

En effet, cela a pu se faire via le président de la République tenu au courant quasiment en temps réel (en particulier grâce à des moyens de communication qui permettent aujourd'hui de plus en plus d'assurer un micro-management sur le terrain) ou par la présence d'un ministre de l'Intérieur au plus prêt des hommes du RAID.


ANSF can do, "Afghan first", et autres mantras : la transition est en marche (à Kaboul depuis quelques années d'ailleurs...)

Plaignons-nous, car en Afghanistan, les hommes politiques font bien plus et prennent les armes pour mener eux-mêmes l'assaut contre les éléments "terroristes" conduisant les attaques multiples qui se déroulent actuellement dans la capitale afghane et dans différentes localités des environs lors du lancement de cette offensive du printemps.

Offensive plus impressionnante par la coordination entre les différents éléments ou la foudroyance des actions dans des zones considérées comme sécurisées (zone verte de Kaboul pour la majorité), que par les pertes et des destructions mineures, pour le moment, qu'elle produit.

Ainsi, le membre du Parlement afghan, Muhammad Naeem Hamidzai Lali, un député pashtoun de la région de Kandahar, est monté sur le toit du Parlement avec quelques collègues pour faire le coup de feu aux côtés des gardes de sécurité de ce bâtiment officiel.

La biographie de ce député explique bien des choses. En effet, avant d'être élu en 2010, c'est un ancien commandant de l'Afghan Border Police (ABP) de Spin Boldak (région bien connue de quelques discrets Français souvent barbus...) et a ensuite intégré l'Afghan Counter-Narcotics Police of Afghanistan.

Un portrait, et une expérience, à rapprocher de celui du gouverneur de la province de Parwan (Nord de Kaboul), qui en août 2011, a saisi l'AK-47 de son garde du corps pour abattre lui-même un insurgé qui avait pénétré dans son bureau lors d'une attaque.

Cet épisode, peu significatif, s'inscrit plus globalement dans l'environnement informationnel (façonné par l'ISAF qui multiplie les communiqués et les interviews) qui vise à montrer que les forces de sécurité afghanes assurent elles-mêmes la gestion de ces événements, avec une participation mineure de militaires occidentaux.


Haka effectué par des SAS néo-zélandais lors de la cérémonie de transfert de responsabilité aux forces spéciales norvégiennes du mentoring de la CRU

Par rapport aux dernières attaque du 13 septembre 2011, moins de conseillers occidentaux semblent présents sur le terrain. A part, peut-être, des forces spéciales norvégiennes qui encadrent la Crisis response unit (CRU ou unité d'intervention) afghane en remplacement des forces spéciales néo-zélandaises rapatriées depuis le 31 mars 2012 et quelques hélicoptères (a priori américains en hippodrome dans le ciel).

Les Afghans ont le lead et l'ISAF n'assure uniquement qu'un soutien ponctuel, au niveau commandement ou pour la défense de certaine bases comme la base de Warehouse (qui abrite la logistique française et qui a été attaquée), où des militaires français sont stationnés et où, jusqu'il y a peu, des personnels félinisés du 1er RI du BG Picardie assuraient des missions de protection.

Affaire à suivre...

MAJ 1 : un contact me faisait remarquer que le 15 avril 1992, il y a 20 ans en somme, la capitale Kaboul était prise et le président Nadjibullah était obligé de se réfugier dans les bâtiments de l'ONU : une date anniversaire symbolique pour lancer une offensive ?


Forces spéciales afghanes de la CRU à l'oeuvre


Membres des unités norvégiennes Forsvarets Spesialkommando/Hærens Jegerkommando hier à Kaboul

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour
l'interférence que vous évoquez a aussi touché les forces déployées à l'extérieur dès que les systèmes de communication satellitaires ont rendu le temps réel possible. Et ce même en pleine opération, où des "sous-fifres" agissant au nom de Dieu le père (quelque soit son orientation politique!) ne cessent d'importuner les acteurs de terrain par leurs question idiotes, déplacées et mal venues.
Cordialement

Anonyme a dit…

Quelques précisions, quelques parlementaires sont effectivement montés sur le toit du parlement mais ce sont leurs gardes du corps qui ont engagés les TB/HQN qui tenaient le bâtiment en construction situé face au parlement (source services de sécurité du parlement).
Si effectivement le gros des troupes a été fourni par ANSF il n'en est pas moins certain que la direction de l’opération reste sous très forte influence occidentale.
Calendrier la chute du régime de Najib est une date mais il faut plutôt prendre en ligne de compte la chute de bastion TB dans le Nuristan dans les districts de Kamdesh et Bargi Matal. Dans cette zone frontalière ou, suivant le retrait des unités sous commandement OTAN les TB ont remis en place un régime type pré Karzai, une large operation combiné ANSF/OTAN a permis de reprendre les DAC et chasser (enfin temporairement) les TB. Ceci consiste en Afghanistan et pour les différents mouvements insurrectionnels un revers très important. Car une des routes d’infiltration majeure PAK/ AFG est temporairement fermée, la population qui vit sous "régime" Taleb depuis le retrait des forces de sécurité constate que le TB n’est pas invincible, le concept TB très similaire aux PRT de faire rayonner son autorité depuis des bases régionales s’avèrent (comme pour les PRT) être un échec.
Ce qui importe ici, à la lumière des évènements de dimanche passé, est de comprendre que les insurgés ne sont pas en mesure de vaincre tant que l’OTAN est en place ils conservent pourtant un pouvoir de nuisance plus qu’important et rende les efforts de reconstruction et de développement très difficile.
De plus, l’échéance de 2014 approche, avec le retrait de l’OTAN le volume de troupes va réduire de façon drastique, la qualité de l’ANA même si elle est à des années-lumière de l’ANP n’en est pas pour autant fort discutable notamment en ce qui concerne son commandement. Le taux de rétention de ses engagés volontaires (ne parlons même pas des désertions pendant le période de récolte du pavot) est bas pour ne pas dire très bas. Le budget actuel de la défense Afghane ne pourra pas être couvert par le 4,1 milliards de $ promis au maire de Kaboul (mes excuses le président Karzai) et l’on parle déjà de la réduction des forces.
Enfin le départ de l’OTAN va laisser un vide que vont s’empresser de remplir ceux que l’on a un peu trop vite oubliés, les seigneurs de guerres locaux (finis les rente mensuelles réglées via les contrats de sécurité ou les milices locales armées) et les grands seigneur de la drogue (qui sont bien souvent aussi des seigneurs de guerre et pour bon nombre de respectable membre du parlement ou des autorités Afghane)

F. de St V. a dit…

@Anonyme (le second) :

lien vers une vidéo montrant le dit parlementaire tirant à la PKM (belle mise en scène...) depuis le toit d'une annexe du Parlement : http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=0xzXQU4dmSE

Je suis plus que d'accord avec votre analyse, ISAF, USA et consorts ne maitrisent plus la dynamique interne de l'Afghanistan depuis bien longtemps en ne pesant pas ou peu sur la direction. Le jeu des acteurs ne se fait plus par rapport à leur présence mais bien par rapport à l'après 2014 (comme dit dans un précédent billet), cf. la "colère" de surface de Karzai vis à vis aux raids de nuit qui répond à de l'affichage politique plus qu'à une défense de sa souveraineté.

D'ailleurs pour cela, les rumeurs insistantes indiquant que les élections présidentielles pourraient être avancées d'un an sont intéressantes. Affaire à suivre

Anonyme a dit…

L'après 2014 revient ici de plus en plus souvent dans les conversations à tous niveau.
Chaque organisation échafaude ses hypothèses mais ce qui revient est l’incapacité de l’actuel régime de sécuriser son territoire et ses frontières par lui-même. Bien entendu les chancelleries ne l’admettront jamais officiellement car le calendrier de retrait n’est pas conditionné par l’accomplissement de la mission (si tant est qu’il y en ait encore une aujourd’hui) mais le respect d’étapes dans les agendas politique nationaux.
Le scénario qui reviens le plus en plus souvent si l’en croit le citoyen lambda, un régime « Karzai » qui se maintient 12 à 24 mois puis une guerre civile puis le retour du sauveurs de Kandahar.
Ce qui m’inquiète dans tous cela c’est d’une part une possible "victoire" des fondamentalistes et donc pourquoi nous sommes nous battus ici depuis 2001. Mais surtout quid du Pakistan ou le régime pour l’instant préfère négocier des accords locaux tels que la vallée de de Kuram devenu un sanctuaire du réseau Haqqani) plutôt que de combattre le terrorisme sur son propre sol. L’interaction permanente des forces de sécurité pakistanaise et de la nébuleuse terroriste dans un état qui possède l’arme nucléaire me donne des sueurs froides.
Donc pour ma part je ne suis pas loin d’approuver le pronostic du kabouli de base et une chose est certaines je ne serais plus ici après le retrait.