lundi 21 mai 2012

L'armée de l'Air malienne : un mirage ? (2/2) (+MAJ)


Avions de combat SF.260 

Dons gracieux de la Libye lors du cinquantenaire de l’indépendance du Mali en 2010 (information relevée par l’AFP en octobre 2010), le Mali dispose de deux appareils Aermacchi SF.260W Warrior. À l’origine avion-école, d’autres versions ont été développées dont la version d’appui-feu au sol Warrior avec deux points d’emport sous les ailes. Ces deux appareils sont issus d’un contrat passé par l’État libyen dans les années 70 pour 240 exemplaires. 

Ces appareils ne seraient pas en état de vol et nécessiteraient à la fois une révision technique ainsi que de nouvelles ressources en carburant spécifique. Aucune information n'est disponible sur leur utilisation. Notons néanmoins que Jeune Afrique indique que des appareils similaires, mais Mauritaniens, ont servi à attaquer un convoi en septembre 2010 aux alentours de Tombouctou (en territoire malien).

Plus globalement, ces appareils légers sont dépassés par des modèles du type Tucano ou Super Tucano d’Embraer, AT-6 d’Hawker-Beechcraft (ou même des modèles du fabriquant suisse Pilatus). Pour rappel, des voisins du Mali, la Mauritanie et le Burkina Faso ont commandés des appareils Super-Tucano au mois de mars. 

Appareils de transport 

Un vénérable Basler BT-67 (TZ 391) serait encore en état de vol (en particulier suite à une révision technique menée à partir de fin 2006 aux États-Unis). Bâti sur la structure du Douglas DC-3 renforcée et remotorisée avec des moteurs Pratt & Whitney Canada, cet appareil peut transporter (selon les variations de température) une quarantaine de passagers ou environ 6 tonnes de matériels. Avec son important rayon d’action (plus de 3000 kilomètres), il est capable de ravitailler toutes les villes du Mali équipées de pistes. Livré dans les années 90 par les États-Unis, un autre appareil (immatriculé TZ 390) est dans un état de vol incertain (visible sur Google Earth à l’aéroport de Bamako). 

En mai 2009, des membres du 6th SOS (Special Operations Squadron) ont assuré des formations auprès de pilotes maliens (le communiqué emploie le terme de C-47T, autre nom du BT-67). Le 6th SOS est une unité atypique dédiée à la formation, l’entraînement et l’assistance de forces aériennes étrangères. Créée en 1944 pour le théâtre Chine-Birmanie-Inde, dissoute après la guerre du Vietnam et réactivée en 1994, cette unité entretient des savoir-faire particuliers. Ses membres doivent justifier des compétences linguistiques particulières ainsi que des qualifications au pilotage et à l’entretien sur des appareils qui ne sont pas en dotation dans les unités conventionnelles ou américaines, mais encore dans différentes forces aériennes dans le monde : hélicoptère UH-1N Huey, Mi-8 ou Mi-17, avions Beech King Air 350 ou Twin Otter, différentes versions de C-130, etc. 


Largage réalisé depuis le BT-67 le 13 février 2012 (crédits : Africom)

En février 2012, l’appareil a participé à un exercice organisé par le 19th SFG pour le ravitaillement par voie aérienne à Mopti. Le 19th SFG (Special forces Group) est une des deux entités de l’United States Army Special Forces issues de la Garde nationale. Une de ses spécialités est d’apporter aux autorités civiles et militaires des compétences en cas de catastrophes naturelles ou humanitaires. 

Deux Antonov An-26, Curl selon la dénomination OTAN, et immatriculés TZ-359 et TZ-399, ont été photographiés en 2008. Quid depuis ? Ils pourraient avoir été récupérés par des sociétés civiles (en particulier, minières) ou seraient hors d’usage. Capables de transporter 40 passagers ou 5,5 tonnes de fret et dotés d’une rampe de chargement, ces appareils pouvaient apporter une réelle plus-value logistique. 


Un An-26 (camouflage vert) visible en 2008 sur l'aéroport de Bamako

L’armée de l’Air malienne disposerait aussi de deux BN-2 (ou Britten-Norman Islander), avion de transport bimoteur (9 passagers ou 3 tonnes) pouvant utiliser des pistes non préparées. Un appareil utile dans les vastes étendues maliennes où les villes de Gao, Mopti, Tessalit, Yelimané et Tombouctou disposent de pistes plus ou moins aménagées. Avec 1.4000 km de rayon d’action, il est en mesure de brouetter son chargement à plus de 600 km de la capitale. Néanmoins, aucun renseignement n’est disponible sur la récente utilisation de ces appareils datant, tout de même, des années 70. 

Face à la faiblesse des capacités logistiques maliennes, (au moins) un appareil militaire américain avait assuré le ravitaillement de la garnison de Tessalit, à quelques kilomètres de la frontière avec l’Algérie en février 2012. Des opérations qui pourraient se renouveler. 

À noter qu’un des pilotes en mesure de piloter le BT-67, le colonel-major Souleymane Bamba, a été nommé le 16 mai 2012 chef d’état-major de l’armée de l’Air par le conseil des ministres. Cette nomination contraint sans doute la possibilité qu’il vole à nouveau aux commandes de l’appareil. Quoique… 

Enfin, lors du salon du Bourget en juin 2011, une LOI (Letter of Interest) a été signé entre GECI Aviation et le chef d’état-major de l’armée de l’Air malienne pour 3 exemplaires du F-406, turbopropulseur léger utilisé pour la surveillance ou le transport de fret (1,5 tonnes) et de personnes (12). Ce type d’appareil équipe, par exemple, les Douanes française.

Appareils d’observation

La Direction de la Coopération Militaire et de Défense (aujourd’hui, DCSD ou Direction de la Coopération de Sécurité et de Défense) mène un programme au Mali pour l’utilisation d’avions ultra-légers d’observation de type Tétras. Ces appareils sont produits par l’entreprise française Humbert-Aviation et ont un rayon d’action de plus de 500 km. Le Mali disposerait de 6 exemplaires (huit avaient été livrés d’origine en 2003). Certains pourraient s'être crashés en 2007 (si nous croyons cet article, mais l'auteur parle de "hélicoptère Tétras" et non d'avion de type Tétras). Ils ont apparemment été utilisé quelques jours après l'opération conjointe entre le Mali et la Mauritanie lors de l'attaque sur la forêt de Wagadou à l'été 2011 (cf. Jeune Afrique).

Appareil léger, le Tétras ne peut emporter de charge utile (à part de faibles charges, cf. image prise lors de l'exercice en février 2012) et n'est pas protégé. Il est néanmoins utile pour éclairer la progression de troupes au sol, guider des appuis ou assurer des liaisons. Le 17 mars 2011 est sortie la première promotion de 11 pilotes formés au Mali au Brevet élémentaire de pilote ULM. Ils étaient jusqu’à présent formés au sein du PANVR (pôle aéronautique national à vocation régionale) de Garoua au Cameroun, centre de formation qui dispense aussi des enseignements pour les pilotes, les moniteurs, les observateurs, les techniciens, etc. En 2008, 39 stagiaires maliens avaient été accueillis depuis la création de l'école. Certains stagiaires pouvant rejoindre Salon de Provence pour des formations.


Lors du précédent salon du Bourget (et selon le quotidien Le Parisien), un contrat aurait été passé pour l’acquistion de plusieurs exemplaires du LH-10 Ellipse, appareil biplace léger construit par LH Aviation. Deux exemplaires équipent déjà les forces armées du Bénin. Doté d’une autonomie de 1.500 km, cet appareil, une fois livré, aidera à la surveillance des vastes étendues maliennes.


Le LH-10 aux couleurs des forces armées du Bénin (crédits : AéroBuzz)

Avions-école L-29 

6 appareils L-29 Delfin (dénommé Maya par l’OTAN) ont été livrés entre 1982 et 1984 à l’Ecole de Pilotage de Bamako. Ce biplace tandem de conception tchécoslovaque était l’appareil école standard des forces du Pacte de Varsovie (hors la Pologne). Via des points d’emport, il peut recevoir des réservoirs supplémentaires, des pods de roquettes ou des mitrailleuses. Aucun appareil ne semble être en état de vol. Ils étaient des appareils pratiques pour la transition des pilotes entre des appareils légers de formation initiale et des appareils combats plus rapides et plus complexes. Aucune photographie n’est disponible. 

Conclusion  

Sous perfusion soviétique à l’indépendance puis bénéficiant de l’aide d’autres pays (dont la France et les États-Unis), l’armée de l’Air malienne n’a jamais acquis une totale autonomie pour être pleinement opérationnelle. Sans parler l'aide pilotes étrangers pour des appareils spécifiques, en particulier les hélicoptères.

Relevons que la tâche est complexe du fait des conditions géographiques (manque d’infrastructures à part les bases 101 de Bamako, 102 de Sévaré près de Mopti ou celle secondaire de Gao, étirement entre les villes) ou climatiques (chaleur réduisant les capacités d’emport des appareils, vents de sable). Des difficultés structurelles viennent de plus s’y ajouter : manque de personnels formés (en particulier, pilotes et mécaniciens, ce qui ne se fait pas en quelques mois), vétusté des matériels (les appareils Tétras sont les plus récents), poids des habitudes (recrutement par cooptation comme cela se fait généralement dans l'armée malienne, négligences dans l’entretien), etc. 

Autant d’observations qui conduisent à douter des capacités réelles de l’armée de l’Air malienne en cas d’opérations futures dans le Nord-Mali. Ainsi, il ne devrait pas être possible de compter sur elle à court terme, ni même à moyen terme, à part ponctuellement pour certaines capacités. En conséquence, que cela soit pour l'observation, le transport ou l'appui, d'autres armées de l'Air devront prêter main-forte aux forces armées du Mali.

MAJ 1 : je n'ai pas inclus dans ce panorama les avions de ligne (sans doute de type Boeing, moins sûrement Airbus) que le gouvernement malien posséderait. Peu d'informations sont disponibles, beaucoup de suppositions et clairement, des relations complexes entre les compagnies aériennes locales (voir même libyennes) et le gouvernement. Il pourrait s'agir en quelque sorte d'une flotte présidentielle qui pourrait être d'une grande utilité pour transporter des forces armées.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Aussi intéressant que la première partie.

Frédéric a dit…

A notez qu'une vidéo montre au moins un Mi-24 capturé par les rebelles au Nord Mali parmi une dizaine de blindés de l'armée malienne.