lundi 9 octobre 2023

Innovation et Naval Group - Ne pas mollir sur la démarche exploratoire pour prendre la vague des systèmes dronisés et autonomes

Naval Group a récemment pu présenter quelques-uns de ses efforts d’innovation sur le segment des drones et des systèmes autonomes lors des Naval Innovation Days 2023. Adoptant sur ce segment une logique plus incrémentale que de rupture, et misant beaucoup sur la conduite actuelle de nombreuses expérimentations, ces efforts doivent permettre à Naval Group de devenir le leader européen des drones et systèmes autonomes navals de défense à l’horizon de son actuel Plan stratégique (qui court jusqu’en 2031). Une direction de type Produits et Services dédiée, appelée Drones, Systèmes autonomes et Armes sous-marins, doit aider à structurer cette ambition (d’un niveau relativement élevé à ce jour). Un centre d’expertise en cours de montée en puissance dans le Sud de La France offrira les outils au service de cette ambition : capacités de prototypage rapide, capacités d'ouverture sur les partenaires extérieures, mise à disposition de zones d’essais…
 

Pour mener son effort, Naval Group peut s’appuyer sur plusieurs projets de recherche, comme le PEA (Programme d’étude amont) Espadon lancé en 2010 avec la Direction Générale de l’Armement (DGA) pour un démonstrateur de drone de surface (dont le démonstrateur Sterenn Du, actuellement à Lorient, a été repris par Naval Group il y a quelques mois pour poursuivre les expérimentations). C’est aussi le cas de la longue expérience acquise sur les briques d’autonomie des torpilles, comme celles intégrées sur la torpille F21. Pour poursuivre encore plus ces expérimentations, Naval Group dispose d’une large gamme de démonstrateurs multi-milieux (sous-marins, de surface et aériens) : le Démonstrateur de drone océanique (DDO type XL UUV) développé sur fonds propres, un démonstrateur au format torpille, les UAV tactiques (comme le VSR 700 dont il devrait être très prochainement question quand à ces essais d'intégration sur des frégates), les drones de surface (anciennement basés sur des bateaux pneumatiques dronisés, demain de plus en plus avec des carènes pensées pour), etc. De quoi répondre par ces efforts à quelques questions sur les formats préférentiels des drones pour chaque type de missions, les apports de la spécialisation ou des drones multi-missions, les contraintes et opportunités de la mise en œuvre de l’armement, les avantages et les inconvénients de la mise en œuvre depuis les airs (récemment un drone de surface, non développé par Naval Group pour le coup, a été largué depuis un hélicoptère NH-90 de la Marine nationale pour expérimentation), depuis la terre, depuis un navire porte-drones ou un navire non-dédié, etc.

Tout cette batellerie de démonstrateurs technologiques doit permettre de poursuivre, via des cycles de montée en maturité les plus courts possibles, les efforts selon 3 axes (pour reprendre la typologie présentée par un responsable de l’innovation du groupe naval) : 
  • l’intégration physique des drones aux flottes, selon les états de mer, selon des navires déjà en service ou entrant en service, dans l’encombrement des œuvres mortes, etc.
  • l'intégration informationnelle pour les liaisons de données montantes/descendantes (parfois nominales, parfois perturbés, parfois absentes, etc,
  • et l’intégration décisionnelle sur les aspects d’autonomie et d’approche collaborative, dans le cadre d'essaims homogènes ou hétérogènes.
 
L’ambition calendaire de l’intégration des systèmes majeurs au sein des forces est à ce jour relativement raisonnable puisqu’il est indiqué, par une responsable du segment, un délai visé pour la fin de la décennie actuelle pour les systèmes les plus imposants. Avec une intégration autour des deux fonctions présentées comme les plus mures que sont la guerre des mines et la maitrise des fonds marins, quand les demandes pour la partie surveillance côtière / portuaire, bien que nombreuses, font face actuellement à des verrous, notamment réglementaires, à lever, surtout dans des espaces voyant fortement cohabiter amis/ennemis/neutres, civils et militaires. Dans le même temps, l’accélération des évolutions sur le segment à l'échelle mondiale est plus qu’observable au cours des 18 derniers mois, comme cela est reconnu par la responsable. Avec une accélération des cas d’emploi et des propositions industrielles en termes de traversées de longue endurance, de coordination entre plateformes habités/non-habitées, de développement de l’armement embarqué, etc. Cette vague qui monte, Naval Group compte bien accompagner, comme l’illustre deux innovations présentées ces jours-ci.

Autonomie décisionnelle contrôlée (ADC)
 
Les systèmes envisagés sur ce segment sont pleinement autonomes ou télé-opérés, en passant par une sorte d’état intermédiaire qui est l’autonomie décisionnelle contrôlée (ADC). L’enjeu de cette couche logicielle est d’obtenir une liaison drones / opérateurs fiable et inviolable, permettant de maintenir la confiance de l’opérateur sur le fait que le drone respecte bien le cadre de la doctrine dans la conduite de sa mission. Pour le déroulé de celle-ci, des objectifs dits de « haut niveau » (et non uniquement des points de passage et des routes), en déterminant des intentions (« je veux réaliser une mission de renseignement sur tel objectif », « je veux m’assurer de l’absence de menaces dans telle zone », etc.), sont ainsi déterminés. Avec l’ajout de contraintes (zones interdites, ne pas faire surface, ne pas dépasser telle profondeur, prendre tant de temps…). Il s’agit donc de créer une enveloppe pour rendre robuste le déroulé de la mission.
 
En parallèle, et dans le cadre d’une éventuelle rupture du lien (demandée pour la mission ou contrainte du fait des interférences extérieures), un jumeau numérique est intégré dans le système de mission pour répliquer le déroulé de la mission et ainsi anticiper, en cas de reprise de lien, comment cela s’est déroulé, où le drone peut se trouver, etc. Cela permet un recalage des paramètres de la mission plus facile, ainsi qu’une anticipation de la mission pour la « préjouer » (et proposer à l’opérateur les solutions préférentielles à valider). Un recalage peut se faire également en cours de mission, via des algorithmes d’intelligence artificielle, pour adapter le déroulé de la mission aux aléas et perceptions extérieures permises par l’établissement de la situation tactique réalisé : 
  • par les différents capteurs embarqués (caméras dans les différents champs, sonars, radars, capteurs d’émissions électromagnétiques, capteurs de courants marins, etc.),
  • ou via les échanges de capteurs d’autres systèmes, dans le cadre de l'approche collaborative.
L’ADC a déjà été déployée depuis 2021 sur les démonstrateurs lors d’essais à la mer (en plus de la partie simulation). D’ici fin 2023, tous les démonstrateurs de Naval Group en seront équipés. La taille de ces démonstrateurs, relativement imposantes, ne contraint pas outre mesure les volumes de charge d’utile embarqués, car, à ne pas oublier, tout software « on-edege » repose sur une partie hardware (processeurs, disques durs, etc.), à intégrer dans des systèmes déjà relativement optimisés en termes d’espace pour la partie motorisation, pour les batteries, pour les systèmes de communication, etc. L’interfaçage de l’ADC est standardisé permettant d’y intégrer les partenaires, de l’installer sur des drones non Naval group, d’y intégrer de plus en plus d’assets différents et nombreux pour aller vers les flottes de drones hétérogènes. A terme, l’idée est bien de ne pas augmenter la charge des opérateurs tout en étant en mesure de réaliser plus grâce à cette supervision logicielle embarquée garantissant un respect des objectifs et des règles de comportement. La montée en maturité se poursuit. 
 
Boites de drones
 
Ce software s’ajoute aux efforts d’intégration physique des drones dans les différentes plateformes. Avec deux efforts de R&D particuliers : l’ISR drone box et la Drone swarn box. La première est le développement d’un système stabilisé pour le décollage et la récupération de drones à la mer, en étant mobile, pour prendre en compte jusqu'à 15° de gite (ici présenté avec un drone de Diodon Drone Technology). Système d’autant plus nécessaire sur des petits drones ne pouvant pas embarquer des systèmes complexes de stabilisation, comme peuvent le faire les plus gros.
 


Naval Group a également réalisé les premiers essais en mer de lancement d'essaims de drones lancés depuis leur drone expérimental Sterenn Du, avec des 'drones swarm box' (en lien avec Parrot et ses drones Anafi US et Icarus Swarms, spécialiste des essaims, pour embarquement d'une dizaine de drones par boites - avec trappes de sortie visibles a l'arrière du démonstrateur naval). Des boîtes développées en moins de 6 mois, en interne via le lab' Naval Group. Ces boites permettant de réduire l’agression du milieu maritime (sel, vent...), tout en étant facilement interchangeables (et en étant capables de mixer les types de drones embarqués). D’autres essais sont prévus prochainement en l’intégrant sur d’autres plateformes. Ces boites permettent donc d’intégrer un maximum de drones aériens différents sur le plus de plateformes possibles, avec une boîte tout-en-un, peu encombrante.

Il s’agit donc à se jour d’anticiper, de préparer et de co-diriger, pour être eau plus haut niveau de l’état de l’art industriel, avec une feuille de route très incrémentale, et la recherche d'effets cliquets. Selon un responsable, « il ne faut pas que cela soit Naval Group qui soit attendu par les marines clients ». Sous-entendu : que Naval Group soit à la pointe sur ce segment en ayant levé les actuels limites, notamment technologiques, et ainsi l’intégration de ces systèmes n’en sera que facilitée dans des formats de flottes mixant de plus en plus de manière collaborative systèmes autonomes ou non. Pour la Marine nationale, par exemple, l’idée est bien d’étendre la force navale, via ces appendices (notamment pour les drones dits « organiques », opérées par et depuis un navire-porte-drones, dédiée ou non) et non de modifier le format de la flotte (en termes de navires), format 2030 auquel la Marine tient. D’autres Marines commencent à avoir des approches différentes, via l’analyse fonctionnelle, avec des logiques envisagées de substitution de plateformes habitées par des plateformes non habitées.
 

En tout cas, les démarches exploratoires se poursuivent. Par exemple, lors de la 2nde phase de l’exercice Orion, en début d’année 2023, et dans le cadre de la démarche Perseus associant la Marine, la DGA et des industriels (notamment dans le cadre de grands exercices représentatifs d’un contexte opérationnel réaliste), des démonstrations ont eu lieu. Le D2I, démonstrateur de type torpille, piloté sous ADC, a réalisé une mission de reconnaissance du spectre électromagnétique, en étant équipé d'un capteur de guerre électronique de la société Serpikom. Une mission permis après 6 mois de préparation entre les différentes équipes de Naval Group impliquées et la Marine nationale. Ainsi, la boite à outils des possibles prend forme, grâce au triple statut de Naval Group, à la fois architecte naval, systèmier et intégrateur (voir également équipementier), permettant une vision plus complète des contraintes et des opportunités de tels systèmes.
 
Crédits : Naval Group et Mars Attaque.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

L'éternelle lutte entre la cuirasse et l'épée, version drone et européenne:
https://securiteinterieurefr.blogspot.com/2023/10/leurope-veut-disposer-dun-centre.html

Camille.

Anonyme a dit…

Au fond des mers, il y aura du neuf dans quelques années:
https://www.opex360.com/2023/12/31/la-marine-nationale-envisage-de-se-doter-dun-batiment-porteur-pour-ses-futurs-drones-et-robots-sous-marins/

Camille.

Anonyme a dit…

L'insouciance est le privilège des pays en paix, l'évolution des technologies permet de comprendre chez les autres que la guerre sera plus dangereuse que des OPEX africaines aujourd'hui révolues:
https://lefauteuildecolbert.blogspot.com/2023/09/lattaque-de-la-base-navale-de-sebatopol.html

Camille.