mercredi 29 avril 2009

Du balancement d'une armée


Pour illustrer mon avant-dernier billet, je prendrais un exemple que j’avais étudié durant mon Master 1: L’adaptation de l’armée française à la contre-guérilla de 1954 à 1956 en Algérie.


Pour replacer dans le temps long, l’armée de Terre française connaît alors des combats de manière ininterrompue depuis une quinzaine d’années. Il faut rappeler que les forces armées subissent la défaite de juin 1940 et éclate ensuite dans la Résistance intérieure ou extérieure, dans les colonies, en France occupée et dans la vie civile. Quelques noyaux épars se reforment selon un nouveau modèle très conventionnel jusqu’au combats de la Libération. Dans la foulée, débarque le corps expéditionnaire en Indochine et suivront les combats de contre-guérilla de la guerre d’Indochine et 9 ans après celle en Algérie. Enfin, une partie des forces ne connaîtront ni la jungle ni le djebel mais plutôt les mornes plaines et les forêts de l’Est.


Les « Plans de Défense du Territoire », mis à jour de manière irrégulière, mettent en exergue en 1954 (et comme la priorité n°1) la prédominance de la menace soviétique qui se manifesterait par le déboulement de chars à travers la stressante « trouée de Fulda ». L’armée française devait résister au mieux en attendant les renforts américains et britanniques. Pas encore du Guy Brossolet de 1979. En 1954, l’armée française doit user sur le théâtre européen du feu et du choc pour briser l’élan soviétique dans un système de coalition.


Parallèlement, le « Plan de Défense de l’Afrique du Nord de 1948 » prend en compte « l’hypothèse d'un conflit entre l'URSS et les Puissances Occidentales ». Cela prendrait la forme d’attaques de troupes aéroportées et de bombardements sur les ports reliés à la Métropole. La riposte à mettre en place est de défendre en priorité les grandes agglomérations africaines engerbées dans des zones de résistance : deux principales, deux secondaires et vingt et une autres. Mais ni la situation dans le département algérien (la France mais à 1000 km de la capitale) ni même la guerre d’Indochine finissante (à l’autre bout du globe) ne préoccupaient autant les militaires que ce possible conflit.


Dans son « Rapport sur le moral des officiers en Algérie », le général Lardin (commandant la 21ème Division d’intervention algérienne composée de maigres unités hétéroclites) se lamentait en janvier 1954 du fait que « Les officiers d'infanterie n'ont plus le temps de se cultiver, de réfléchir et de se préparer à une guerre européenne ». Les tâches de gestion des bases-arrières vidées face à la demande de renforts pour l’Indochine autant que les opérations contre ce qui est appelé « le phénomène fellagha » (des coupeurs de routes agissant le long de la frontière algéro-tunisienne) monopolisaient l’attention des officiers.


Dans le scénario de l’exercice annuel montée par l’Etat-major de la 10ème Région Militaire (pour l’armée de Terre, division territoriale correspondant à l’Algérie), il est fait mention d’une séquence se déroulant en ambiance nucléaire : « J’ai fait intervenir par convention de manœuvre que la bombe de 20 kilotonnes serait livrée par avion à l’altitude de 600 mètres ou percutante au sol, sur préavis de 6 heures » énonce le général Cailles dans son rapport intitulé « Enseignements tirés des manœuvres algéro-tunisiennes 1954 au sujet de la guerre atomique ». Cette représentation théâtrale se déroule sept mois avant la « Toussaint rouge », le début de l’insurrection du FLN. Et l’exercice est situé en plein cœur d’un massif montagneux de l’Oranais, futur foyer de rébellion.


Durant presque six mois, ce type de manœuvre avec des moyens blindés et lourds, les passages bas d’avions et la présence de milliers d’hommes sera l’archétype pratiqué du bouclage/ratissage pour ne jamais accrocher des bandes d’une dizaine d’hommes. Les généraux, « les vieux africains », tentent d’intimider la population (comme le général Duval lors des soulèvements de Sétif et Guelma en 1946 avec la répression et les défilés lors des soulèvements tribaux).


Au même moment, des micro-solutions apparaissent du fait de quelques hommes de pensée et d’action. Le 18ème RIPC (infanterie parachutiste de choc) du colonel Ducournau dit « la Foudre » remporte quelque succès : mi-novembre, la bande d’un célèbre bandit qui a rejoint la rébellion perd 23 tués et 18 prisonniers. Son unité est divisée en deux bataillons légers de type « Blizzard » à 3 compagnies de 100. Plutôt que de s’incruster dans des grandes manœuvres prévisibles, il nomadise durant 3 jours sur le terrain. S’il s’emporte contre « les salonnards de l’état-major » (le problème de commandement), il ne néglige par la formation de ses bérets bleus : 2 jours obligatoires par semaine. « Les classes » des appelés, formation reçue en Métropole, ne suffisent pas : quelques séances de tirs, de l’ordre serré en chantant, des revues de paquetage, etc. Le tir de nuit, l’endurance physique ou la manœuvre sont appris en corps en Algérie.


Ensuite soit par mimétisme au contact de troupes aguerries (une « minorité hyper-active » du célèbre tryptique : parachutistes, coloniaux et légionnaires), par déduction de certains face à l’échec et au « prix du sang » ou suite aux directives d’autorités supérieures, les modèles efficaces se propageront à d’autres unités : des batteries d’artilleurs donneront d’excellents résultats comme fantassins après une mise à niveau ou des appelés du Train pris en main par des officiers de retour d’Indochine en feront de même. Pourtant, il ne sera plus question pour ces troupes d’être capable de mener deux types de conflits à la fois. Ainsi, le colonel Jost du I/8ème régiment d’Artillerie se plaindra de ne pouvoir organiser les écoles de feu annuelles de l’ensemble de ces pièces.


Finalement, c’est en un peu plus de deux ans qu’une « majorité suffisante » des 380.000 hommes s’adaptera par l’envie ou la contrainte face à l’inertie. Entre temps, pour préparer l’expédition sur Suez, des troupes en pointe dans la réversibilité (10ème Division parachutiste et 7ème Division mécanisée rapide) s’entraîneront intensivement en vue d’un conflit conventionnel face à l’Egypte à partir du mois d’août jusqu’à fin octobre pour se mettre ou remettre à niveau pour le saut en parachute, le débarquement, le service de nouveaux matériels motorisés, etc.

samedi 25 avril 2009

Une « approche régionale » à élargir plus loin que ce que l’on pense


Réflexions personnelles et compte rendu de la conférence du 22 avril à l’IFRI : « Afghanistan-Pakistan : zones de tous les dangers ? », en particulier l’intervention d’Olivier Louis, responsable du programme de recherches Inde et Asie du Sud.

Dans la nouvelle stratégie Obama concernant l’Afghanistan et le Pakistan, l’une des recommendations est le développement d’une approche régionale par le renforcement des relations bilatérales A-Stan/Pak et même trilatérales USA/A-Stan/Pak. Ce serait une des clefs pour parvenir à l’objectif (toujours n°1) qui est de neutraliser (et non plus détruire : nuance de taille) les réseaux terroristes de la zone. Sous l’égide de la Commission des Affaires étrangères du Sénat, dirigée par le John Kerry, épaulé par l’envoyé spécial Richard Holbrooke, ce volet est en cours d’élaboration, plus qu’en cours de réalisation dans les faits. En effet, les obstacles sont nombreux et les ramifications des interactions entre les acteurs mènent loin.

Le Pakistan qui penche vers un "état failli" est au cœur de l’actualité. Depuis un dernier état des lieux, les mouvements extrémistes pachtouns élargissent leur emprise territoriale et populaire : les barbiers et les disquaires ferment sous la terreur de plus en plus prêt de la capitale; le président Zardari négocie en position de faiblesse dans la vallée de Swat (mollah Fazlullah), dans le district de Buner ou dans les FATA du Nord-est; les milices armées tribales du Cachemire, « les Laskars » sur lesquelles Islamabad s’appuie, sont instables et incontrôlables (comparables aux Sons of Irak?), etc.

Il faut parler de l’armée et de l’Inter-Services Intelligence (ISI) qui, après avoir joués de concert un double jeu de lutte contre et de soutien avec ces mouvements (et même un triple jeu en affaiblissant le pouvoir civil), ne savent plus très bien où aller. Le général Kayani, le CEMA à la tête d’une armée de 800.000 hommes (« à forte imprégnation islamique » selon l'intervenant) et d’une centaine d’ogives, peut faire la pluie et le beau temps : il impose le montant du budget de la Défense, un coup de téléphone de sa part suffit à faire oublier la proposition du Premier Ministre Gilani de placer l’ISI sous le contrôle du Ministère de l’Intérieur, etc. Et aujourd'hui, le futur repose en partie sur les choix, les décisions et les actions de ces militaires.

Les taliban en font à leur guise, forts de leurs capacités, ne souhaitant pas forcément renverser un gouvernement dont ils ne souhaitent pas avoir la charge (et les contraintes). Les cellules cancéreuses (un peu comme le Hezbollah ou même certains groupes palestiniens) sont présentes dans l’organisme pakistanais mais seraient bien embêter si toute façade d’un gouvernement central venait à disparaitre. Cela d’ailleurs met à mal l’idée, que j’avais avancé, d’une translation entre l’Afghanistan et le Pakistan comme « rogue state ».

Toute diplomatie avec le Pakistan doit se plonger dans les relations indo-pakistanaises cristallisées autour du cas du Cachemire. Washington souhaiterait apaiser les relations entre les deux ennemis héréditaires (au moins trois guerres dans le passé). Par effet de vase communicant, si la tension se relâche à la frontière Est, Islamabad pourrait envoyer plus de troupes à l’Ouest face aux insurgés.

Or, certains signaux ne sont pas au vert : les mouvements terroristes cachemiris ont tissé des liens avec les mouvements pachtouns; Islamabad doit faire face à une hostilité généralisée et virulente de son opinion vis-à-vis de l’Inde; les déclarations fracassantes au lendemain des attentats de Bombay ont mis à mal le processus de "dialogue global" de janvier 2004; les propos de dirigeants indiens actuellement en temps d’élections durcissant leurs positions (dans la lutte électorale, il ne faut pas paraitre faible et même en rajouter), etc.

Le Pakistan voit d’un mauvais œil le presque milliard de dollars dépensé par New Delhi dans la reconstruction (surtout les routes) de l’Afghanistan. Le rapprochement de l’Inde et l'Afghanistan semble acquis aujourd’hui : visite du président afghan à New Delhi, « union sacrée » après la tuerie du 7 juillet 2008 frappant l’ambassade indienne en Afghanistan, etc.

Le Pakistan sera contraint de faire des concessions car l’aide américaine (les prêts du FMI et ceux votés par le Sénat) devient conditionnelle en fonction des actes : « le bâton et la carotte ». La diplomatie américaine se devra d’équilibrer la situation en faisant aussi pression sur New Delhi pour permettre des discussions entre les deux frères ennemis. Toucher à l’Inde, c’est aussi rentrer, dans une certaine mesure, dans un autre jeu subtil dans les rapports Inde/Chine/USA : effet d’entrainement oblige. Les USA, « responsables de tous les maux du Pakistan » selon les Pakistanais (en particulier de la recrudescence du terrorisme) devront être discret mais pressant : conciliable?

Quelques signes optimistes existent. Le 06 janvier 2009, le Lieutenant General Pasha, chef de l’ISI, déclarait dans une interview : « We know full well that terror is our enemy, not India ». En plein cœur des enquêtes policières et des allégations de complicité de l'ISI avec les auteurs des attentats de Bombay, cela semble rassurant venant de l’ancien responsable des opérations dans les régions tribales frontalières de l’Afghanistan. Concernant la situation interne du Pakistan, il faut remarquer que la crise de février 2009 et la possible "longue marche" des avocats pour soutenir le président destitué (Chaudhry) de la Cour Sûpreme semble être oubliée. Les grands partis pakistanais (entre autres le Parti du Peuple Pakistanais de Zardari et la Ligue Musulmane du Pakistan) se sont entendus pour lutter contre la pénétration du militaire dans les affaires civiles. Enfin, la possible voie de coopération (la "politique des petits pas") entre l’Inde et le Pakistan pourrait se faire autour de l’intérêt commun des deux états face aux trafics de drogue : l’Afghanistan en bénéficierait aussi.

mardi 21 avril 2009

Peut on se préparer à un futur conflit conventionnel ou/et non-conventionnel ?

Dans le dernier numéro de DSI, le général (2S) Jean-Patrick Gaviard répond à cette question dans un article intitulé Mission de stabilisation et mission de guerre : quel choix ? L’élève, que je suis, s’incline incontestablement devant le maître. J’ai hésité à publier ce billet écrit durant les vacances. Sans aucun doute quelques répétitions mais des conclusions divergentes et des désaccords donc allons-y comme même ! C’est avec regret que je vois que lui aussi arrive à un constat récurrent (mal développé sur ce blog) : « un truc » cloche au niveau de la liaison entre politique et militaire.

Ensuite, quelle joie de voir un article fort bien écrit d’un stagiaire français du CID (« ex et sans doute future » Ecole de Guerre) : Le « caporal stratégique » est-il notre ennemi ? Ainsi, un très bon DSI quand on y ajoute les articles sur la dissuasion nucléaire.

Enfin, derrière les termes de « conventionnel », « haute-intensité » en opposition à « non-conventionnel », « basse intensité » se cachent à tort et à travers selon chacun (en premier moi) des situations idéalisés et modélisées, comprises ou non, intériorisées ou négligées, probables ou oubliées, etc. Et pourtant, la sémantique est d'importance!

Aujourd’hui, les problématiques engendrées par la contre-insurrection semblent irriguer une large part de la réflexion stratégique menée par les forces américaines et européennes. Pour faire face aux opérations contemporaines, ces armées nationales adaptent petit à petit leurs modes opératoires, matériels, entrainements, etc. Au mois d’août 2008, le conflit entre l’armée russe et géorgienne rappelle la permanence d’un conflit conventionnel, type d’affrontement que certains pensaient désuet. Sa brièveté (une dizaine de jours) ne permet pas une patiente adaptation semblable à celle permises par les longues phases de stabilisation post-intervention. Ainsi, il serait nécessaire de développer en priorité des compétences nécessaires à mener un conflit conventionnel qui doit servir de base s’il faut pour un conflit non-conventionnel. Pourtant, dans le cadre des missions qui leurs sont confiées, les mêmes armées doivent demeurer aptes à mener avec la même réussite un conflit conventionnel que non-conventionnel.

Une armée qui pendant des années aurait eu à faire face à des conflits non-conventionnels ne serait plus prête à mener un combat de haute-intensité. Ainsi en 2006, Tsahal aurait été affadie par plusieurs années d’opérations de basse intensité dans les « territoires occupées ». Ceci expliquerait, entre autres raisons, son incapacité à prendre des villages fortifiées et défendues par les unités du Hezbollah, à Bint Jbeil le 28 juillet par exemple. Par comparaison (qui n’est pas raison), cela serait le risque qu’encourt les armées préalablement citées lors de futurs affrontements conventionnels. Pour éviter ce risque, certains arriveraient presque à répondre par l’affirmative à la question suivante : faut-il perdre la guerre d’aujourd’hui pour être prêt à gagner celle de demain ?

Dans les opérations menées quotidiennement dans le cadre de la COIN afghane, il y a des combats de haute-intensité lors d’embuscades de plusieurs heures comme des tirs sporadiques répétitifs de basse-intensité, des attaques de FOB où une section de 35 Marines fait face à 200 insurgés pakistano-afghans, des opérations avec des chars lourds, hélicoptères et avions de chasse qui appuient des fantassins au sol, etc. En Géorgie, les SU-25 Frogfoot et les différents modèles de Hind, T-80 ou BMP remplacent les A-10 Thunderbolt, hélicoptères Apache, M1-Abrahams des rues de Bagdad ou Strykers. Malgré les mauvaises liaisons, les avions russes appuyaient les troupes au sol comme ce qui se fait quotidiennement sous d’autres latitudes. Les soldats épaulaient leurs AK-47, visaient, tiraient comme ailleurs avec des FAMAS, M-16 et autres fusils d’assaut. Cet été, il fallait discriminer avant de frapper les adversaires portant un treillis uni comme des tenues plus dépareillées. Les colonnes de civils fuyant les combats ont un sort aussi peu enviable que les réfugiés afghans quittant leurs maisons bombardées par erreur. Et la liste peut continuer : images des pillages des milices indépendantistes passant sur les télévisions qui avaient montrées les scandales sur le traitement des prisonniers irakiens, soldat russe tirant sur la voiture d'un ambassadeur européen comme un GI’s face à une voiture qui ne ralentit pas à son check-point. Le conflit russo-géorgien est bien ancré dans le 21ème siècle et il n’est pas celui d’hier : médias, technologie, population, « caporal stratégique », appui-feu air/sol de précision, etc. Cela donne d’ailleurs plus de poids à l’affirmation : cette forme d’affrontement peut se reproduire dans le futur.

Ainsi, plutôt que de savoir si une armée qui aurait été transformée en une équipe d’actions civilo-militaires (sachant seulement serrer les mains dans la rue avec le sourire) était encore capable de prendre et tenir une position ou culbuter une ligne de front et exploiter la percée, il faut surtout faire remarquer : il existe des invariants aux niveaux tactique comme opératif dans n’importe quel type de conflit probable d’aujourd’hui, de demain et peut être d’après demain. Ces derniers paraissent pour le moment plus nombreux et structurants que les particularismes. Ainsi, force est de constater que la doctrine de l’USMC « Every Marines is a rifleman » semble, par exemple, pertinente : pas de concession sur le socle commun de base puis ensuite appliquer un vernis en fonction des situations et des spécialités. Ce qui semble nécessaire n’est pas une distinction nette entre des compétences non-interdépendantes : cela permettra d’éviter le piège de « l’un sans l’autre » ou « mal d’un peu des deux ». La viscosité des structures ou la durée du développement des technologies sont certainement des freins à une possible réversibilité permanente (à développer comme une pragmatique nécessité). Est alors nécessaire une posture intellectuelle qui comprend les changements et réagit en actes.

Finalement que cela soit dans les formations de base, les scénarios d’exercice ou les réflexions, ce n’est pas uniquement un « contre-insurgé » qui est modelé. Les FORAD (FORce ADverse ou « ennemi générique pour l’entrainement et l’instruction des forces ») des centres d’entrainement sont encore régulièrement configurées avec des chars lourds, des pièces d’artillerie, etc. L’enfermement dans une voie d’unique de COIN est un danger à éviter mais certainement pas ENCORE une réalité : Action en Zone Urbaine (AZUR), défense sol-air (par des études sur la guerre des Malouines) ou opérations amphibies restent des priorités du commandement aux exécutants.

L’expérience engrangée aujourd’hui (dans toutes les fonctions : combat, commandement, etc.) par des armées endormies lors d’années de sommeil et de routine ne peut être que bénéfique pour le futur. Savoir de quoi le futur sera fait permet de s’y préparer. Mais voilà, nous n’en avons qu’une connaissance partielle et nous ne sommes pas à l’abri d’une surprise. Donc prenons en acte.

vendredi 10 avril 2009

Réflexions sur le quai de la gare

Le tenancier de ce blog part une dizaine de jours en vacances, peut être méritées, mais surement attendues. Dans mon trou pommé, je n’aurais aucune connexion Internet durant ce temps là, ni accès à la radio et qu’épisodiquement à la presse écrite. Quand il faut faire une pause, on se donne les moyens ! Donc pas de billets durant cette période. Plusieurs bouquins (ou pavés) très orientés géostratégie sont dans les bagages pour ne pas tout perdre et s’aérer la cervelle utilement.


Les camarades de l’Alliance géostratégique vous seront utiles, à vous chers lecteurs, pour avoir votre dose quotidienne de remue-méninges. Et pour finir, un petit bloc-notes d’idées en vrac à méditer :

  • Une définition de la puissance : « Faire, faire faire et empêcher de faire » avec la notion de « puissance accessible ».
  • Un scénario pour la politique US vis-à-vis d’Israël : élever la voix sur le nucléaire iranien ou la question israélo-palestinienne pour gronder Tel Aviv (forcer à des compromis) en arrêtant d’avaliser béatement les décisions du gouvernement israélien afin de ménager l’Iran (le spectre de l’intervention US en Iran semble s’éloigner). Car l’Iran a sa place dans le règlement du conflit afghan… Parallèlement et mécaniquement, le spectre de l’intervention israélienne (la nature à horreur du vide) en Iran ne semble pas complètement utopique.
  • La nécessaire place de la réflexion sur l’efficacité étatique (RGPP en France) avec la fin contrainte de l’Etat Providence pris à son propre piège de ne pas donner de limites à son champ d’action.


Ainsi, bonnes vacances à ceux qui en ont, saintes fêtes de Pâques et bon courage à ceux qui, comme moi, profitent de ces temps de changement de rythme pour rédiger leur mémoire de Master 2… Des vacances, oui, le grand n’importe quoi de la paresse, non !

mercredi 8 avril 2009

Kilcullen a dit


Que l’on ressasse que la situation au Pakistan (en particulier dans les zones tribales frontalières avec l’Afghanistan) est préoccupante, n’est pas nouveau. Par contre, que des spécialistes de renom parlent d’une implosion de l’état pakistanais, cela devient dramatique. Dans une interview donnée au Washington Post le 22 mars 2009, David Kilcullen prédit la possible désagrégation du Pakistan à court terme :

“The Pakistani military and police and intelligence service don't follow the civilian government; they are essentially a rogue state within a state. We're now reaching the point where within one to six months we could see the collapse of the Pakistani state, also because of the global financial crisis, which just exacerbates all these problems…”


Kilcullen n’est pas le premier venu en Relation Internationales, ni le dramaturge annonçant l’apocalypse, ni le spécialiste auto-proclamé de la réalité du terrain depuis le Pentagone, etc. Son parcours parle pour lui et donne d’ailleurs plus de poids à ses propos.


Moins connu que les deux autres, Kilcullen est l’un des trois David (avec Galula et Petraeus) qui impactent les récents débats stratégiques américains concernant une nouvelle approche de la contre-insurrection en Irak puis en Afghanistan. Colonel de réserve de l’armée australienne, détaché auprès des US Army, il est un des conseillers du général Petraeus. Après l’avoir épaulé en Irak, il l’a rejoint dans ses nouvelles attributions de commandant du CENTCOM (un des commandements stratégiques régionaux américains) et s’est attelé au dossier afghan.


Kilcullen est né en 1967 et débute une carrière opérationnelle dans l’armée de Terre australienne. IL étudie en 1993 la lutte contre le mouvement indonésien Dar-ul-Islam (qui enfantera ensuite du Jemaah Islamiyah. Analysant les écrits et discours émanant des mouvements transnationaux, il met en avant l’importance des problèmes psychologiques des individus, sociaux des entourages et économiques de leurs conditions pour l’émergence de nouveaux terroristes. Selon lui, le salafisme n’a qu’une place secondaire : une instrumentalisation. Lu aux États-Unis, malgré une thèse divergente de celle du gouvernement américain, il écrit la partie portant sur les « conflits irréguliers » de la Quadrennial Defense Review en 2005 où apparait déjà ses grands enseignements : protection de la population, engagement dans la durée, stratégie globale, développer des forces locales crédibles, etc. La même année, il fait paraitre ses 28 articles fondamentaux pour la COIN au niveau compagnie que tous les officiers partant en Irak doivent lire. Multipliant les missions de terrain, il est en parallèle nommé conseiller auprès du Haut-Commandement à Bagdad.


Cela fait donc quelques temps que la situation au Pakistan n’inspire pas confiance. Mais il est vrai que les mauvaises nouvelles semblent se multiplier pour atteindre « un point de non retour ». Des cessez-le-feu en forme de défaites de l’armée pakistanaise dans la vallée de la Swat sont sorties les allégations du soutien des services secrets pakistanais (ISI) aux rebelles afghans. Durant la résistance face aux Soviétiques, l’ISI était en charge de faire l’intermédiaire avec les USA pour distribuer les précieux missiles Stinger. N’en donnant vraiment que la moitié aux Afghans, ils les réservaient de plus à des mouvements qui aujourd’hui sont aux premières lignes de la rébellion afghane. Les taliban (comme la COIN devrait le faire) progressent en tâche d’huile au Pakistan (on parle de patrouilles taliban à Peshawar). Le décalage est frappant entre un gouvernement qui autorise les frappes américaines sur son territoire (cf. la base de drones Predator) mais qui pour faire bonne figure devant son opinion les condamne… Pourtant les efforts pour éviter que les taliban se soient seulement translatés de l’Afghanistan au Pakistan sont multi-directionnels comme avec les frais d’équipements envers l’armée pakistanaise.


La conclusion n'est pas aisée: est-ce trop tard? Le coup de baguette magique peut-il encore arriver? Faut-il vraiment traiter le problème afghan et pakistanais comme un tout avec le risque d'avoir deux bébés capricieux dans les bras?


P.S. : même si la présentation est plus accrocheuse que véridique, la conférence de l’IFRI (Institut Française des Relations Internationales) du 22 avril 2009 à 18H00 peut apporter des grilles de lecture intéressantes : AFGHANISTAN-PAKISTAN : zone de tous les dangers ? La notion « Af-Pak » (les situations en Afghanistan et au Pakistan sont interdépendantes et la guerre contre la rébellion aux milles visages se mène sur les deux territoires). Ainsi, Michael Yon (reporter de guerre indépendant) en parle sur son blog au moins depuis le 19 août 2008.