mardi 8 mars 2011

Deux raisons d'être méfiant à propos d'une possible intervention en Libye

Les indiscrétions diplomatiques et les bruits de bottes se multiplient autour de cette possible zone d'interdiction aérienne au-dessus d'une partie de la Libye. Les positions varient entre un interventionnisme mesuré et un non-interventionnisme pragmatique. Chaque dirigeant cochant ou non une check-list de facteurs et de pré-requis le conduisant à sa prudente décision.

D'ordre politique, la première méfiance est, semble-t-il, dictée par des antécédents récents (chacun devinera lesquels : Afghanistan, Irak, etc.) qui forcent à réfléchir en amont aux buts poursuivis lors d'une intervention. En gros, définir cet effet final recherché (et s'assurer de son atteinte) qui nous fuit depuis plusieurs années.

D'ordre militaire, la deuxième méfiance est au sujet des doctrines d'emploi. Alors que chacun se prête aux jeux des scénarios possibles d'intervention avec des analyses centrées sur les moyens mis en oeuvre (chasseurs, avions de surveillance, etc.), il ne faut pas balayer d'un revers de la main les antécédents peu glorieux de stratégies centrées sur l'emploi de l'arme aérienne.


De la Bosnie à Israel en passant par l'Irak ou le Kosovo, les avatars de la doctrine de l'Air Power (et ses multiples déclinaisons les plus récentes analysées dans l'ouvrage de Joseph Henrotin) n'ont pas forcément conduits à de clairs succès stratégiques. Si leurs fondements ne sont pas mauvais en soit, méfiance sur leurs conditions d'emploi et leur interprétation par certains courants d'influence.

Ainsi donc, si nous intervenons : que faisons nous? Puis comment le faisons nous? La vision a minima qui semble se préparer (et qui doit recevoir "l'aval" des insurgés qui n'attendent pas forcément de "libérateurs") semble donc répondre à cette définition de buts limités pour être surs de les atteindre. Mais est-ce possible de s'en contenter?

NB : les jours qui viennent ne me permettront pas de fouiller plus en avant mes propos et m'obligeront à rédiger de brèves notes, comme toujours ouvertes à la discussion.

7 commentaires:

silenzio a dit…

Et d'abord, Kadafi est un dictateur, oui et après? Si on devait bombarder tous les pays qui ne sont pas dirigés d'une façon démocratique, nous passerions toutes nos petites économies dans ces conflits. De quel droit allons nous choisir qui abattre? Nos démocraties sont sans doute plus libérales mais pas sur quelles soient plus libres.

Christophe Richard a dit…

Bonjour,
La prudence est de mise dans cette affaire, c'est évident...
Une intervention nous mettrait dans les conditions d'avoir à conduire un "combat couplé" (COMPOUND WARFARE) avec les insurgés, or toute la question est le niveau de coordination qu'il serait possible de mettre en place avec eux.

F. de St V. a dit…

@Christophe Richard :

Tout à fait pour la coordination recherchée (merci je ne connaissais pas cette notion de compound warfare).

Cf. dans cet ordre d'idée l'affaire de la "mission diplomatique" des SAS (signe visible du lead pris par la Grande-Bretagne accompagnée il semble de la France).

David a dit…

Il y a une très pertinente réflexion sur le sujet publiée aujourd'hui chez Stratfor. Analyse qui a le mérite d'être pragmatique:
http://www.stratfor.com/analysis/20110308-how-libyan-no-fly-zone-could-backfire

F. de St V. a dit…

@David : merci pour la référence qui est une bonne synthèse de nombreuses conditions préalables.

Sachant en plus, que la position des Etats-Unis (quoique acquise si on croit les dernières indiscrétions de Gates), ne semble pas être comme dans d'autres situations le coeur du sujet / la référence.

Est-ce le signe d'un possible rééquilibrage de l'autorité politique dans la conduite des affaires internationales? Une sage prudence des Américains suite à d'autres précédents? Un peu des deux sans doute...

JH a dit…

Juste un avis vite fait : tout dépend de ce qu'on fait de cette NFZ. S'il s'agit de l'imposer (au besoin en envoyant quelques Su-22 au tapis) pour dropper massivement de l'aide humanitaire au-dessus des zones tenues par les insurgés, clairement, Airpower can do it. Et en prime, l'avantage politico-diplomatique serait net.

Maintenant, s'il s'agit d'éliminer chaque blindé libyen hostile, ce sera clairement plus complexe. Mais nos pilotes d'entraînent depuis des dizaines d'années contre les menaces auxquelles ils feraient face : il y a du SA-2, -6, -3, -5... Et après ? Nos appareils, nos entraînements, ont été conçus pour ça.

Ceci dit, évacuons aussi cette idée qu'une NFZ aurait un impact décisif. Au-delà du fait que plus rien à la guerre n'est décisif, ce ne sera pas le cas parce que les Etats européens ne mettront pas un pied au sol.

Au final, le problème des négos actuelles, c'est qu'on ne sait pas ce que l'on cherche comme objectif. Et sans objectif, on n'est pas prêt de l'atteindre...

F. de St V. a dit…

@JH : en effet, je ne me fais pas trop de soucis pour le domaine de la supériorité aérienne, de l'attaque au sol, etc.

Sans être dans le secret des dieux, les planifications d'objectifs doivent être déjà bouclées depuis longtemps et donc à sortir des cartons ou en cours d'ajustement avec quelques satellites qui tournoient au-dessus de la Libye.

Et, je suis bien d'accord pour ta conclusion. Ou nous savons réellement ce que nous voulons et nous sommes prêts à défendre notre choix, ou alors nous ne savons pas ou pas bien et nous nous gardons d'agir.