samedi 21 février 2009

L’armée française en OPINT

Un article était en préparation sur les opérations intérieures (qui s’opposent aux OPEX de l’extérieur). Mais Yves CADIOU sur le blog de François Duran m’a devancé en apportant en plus son expérience d’homme de terrain. Je me contenterais seulement d’ajouter quelques remarques.

Dès 1790, le comte de Guibert (« le stratège des Lumières ») prônait la réunion « des forces du dedans et du dehors ». Cette mission de soutien aux pouvoirs publics est pérenne et elle le restera tant que l’armée disposera en quasi-exclusivité d’aptitudes utiles. En effet, elle a des moyens adaptés pour rétablir les infrastructures ou les réseaux de communications, des savoirs-faire, des capacités de planification, de commandement et de conduite au sein des État-major. Certaines unités sont plus aptes à répondre aux besoins comme le Génie, l’ALAT ou les moyens de lutte NRBC. Une autonomie structurelle, une disponibilité des effectifs, un sens partagé de l’intérêt commun et une organisation disciplinée en fait un acteur efficace. Mais ces interventions nécessitent souvent une faible technicité: des mains, des muscles et de la volonté.

Ces missions récurrentes ne sont pas sans avoir des conséquences négatives. Aujourd’hui, signe de difficultés, le discours des organismes militaires de recrutement est : « oui nous dégraissons drastiquement, mais cela ne veut pas dire que nous ne recrutons pas. Venez à nous et rester chez nous… ». La fidélisation des contrats et la qualité du recrutement sont des problématiques contemporaines. Si on met cela en parallèle avec les conséquences de l’opération de nettoyage des plages (une quarantaine de départs), ce n’est pas très rassurant. Le quotidien exaltant n’était pas à la mesure de l’exigence d’entrainement du métier.

Dans le LBDSN, le fameux contrat de 10 000 hommes est prévu à l’horizon 2020 dans le cas de possibles crises majeures décrites p. 14 : « elles résultent aussi bien de phénomènes globaux, tels les atteintes à la biosphère ou les risques pandémiques, que des menaces directes que font peser sur la France les réseaux terroristes, les conséquences à terme de la prolifération balistique autour du continent européen et les attaques visant les systèmes d’information et de communication ». Un de mes premiers billets portait sur le jonglage arithmétique pour dégager ces effectifs. Ainsi dans le cadre de cette vision catastrophique, l’armée aurait pour priorité de sécuriser les points vitaux du territoire, les flux et les réseaux ainsi que protéger la population face aux troubles engendrées par la crise.

Enfin, si le fameux lien « Armée-Nation » en ressort généralement grandi, ce n’est souvent pas le seul. Avec pessimisme, je ne peux m’empêcher que l’envoi de militaires lors des ces situations est un fameux bouclier pour le gouvernement. En cas de crise, la population traumatisée veut tout et tout de suite. Elle s’en prend en priorité aux politiques. Envoyer l’armée est, à mon sens, un bon moyen de se protéger des critiques en montrant que l’on prend le problème « à bras le corps ». Les JT du 20H répercuteront ces initiatives et les sondages ne descendront pas. Mais s’il faut « répondre vite, puis dans le temps répondre bien », les forces doivent se désengager progressivement pour permettre le retour de la primauté d’agents de l’État.

En conclusion, je ne peux m’empêcher de raconter l’anecdote suivante. Le 19 novembre 2008, le général IRASTORZA, actuel CEMAT, clôturait un colloque intitulé Urgence sur le territoire, civils et militaires, s’unir pour secourir. Il a fait part de son expérience comme capitaine commandant d’une compagnie du 8ème RPIMa de Castres. En 1980, le sud-ouest subit une épidémie de peste porcine. Les services vétérinaires préconisent l’abattage systématique des bêtes contaminées. C’est ainsi que la compagnie du capitaine IRASTORZA a enterré plus de 1 000 porcs préalablement tués au MAS 49 par les Gendarmes mobiles. Passionnant… ! Quelques mois avant, il était au Tchad pour l’opération Tacaud qu’Yves Cadiou connait bien.

Droits : Ministère de la défense, Tempête Klaus.

6 commentaires:

SD a dit…

Juste un commentaire sur les 10000 hommes en cas de catastrophe naturelle ou de pandémie à l'échelle nationale. Cela représente une compagnie proterre renforcée par département... Cela ne me parait pas excessif par rapports aux problèmes sécuritaires dans ces scénarios.

F. de St V. a dit…

En effet le ratio homme/km² n'est pas énorme. Mais comme le souligne justement Yves Cadiou, un ensemble important de corps plus dédies à ces possibles missions sont à disposition: les réservistes de la Gendarmerie, la Sécurité Civile,etc.

Et pour les unités Proterre, je conseille en supplément l'article écrit par un connaisseur: http://officier-de-reserve.blogspot.com/2009/02/les-uir-proterre-un-concept-revoir.html

Anonyme a dit…

La gendarmerie, plus nombreuse en effectif que l'AdT ne peut elle pas remplir ce rôle ?

SD a dit…

Le problème des forces de Gendarmerie, des pompiers voire de la sécurité civile (etc.) c'est que leurs effectifs sont déjà "consommés" par leurs missions permanentes et les nombreuses interventions de début de crise. En cas de catastrophe majeure à l'échelle nationale, ces forces seraient également touchées à la même hauteur que le reste de la population.
Sauf à prévoir un processus de mobilisation générale en cas de crise majeure, la seule réserve qui subsisterait serait l'aide européenne ou internationale...

F. de St V. a dit…

La Gendarmerie aurait sans aucun doute besoin de renforts. Et comme le dit justement SD, un elle subirait des pertes comme les autres et deux elle aurait déjà des tâches traditionnelles qui seront juste démultipliées: lutte contre le vol, actes d'incivilité...

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je viens de mettre en ligne un résumé approfondi de la Théorie de René Girard qui apporte des réponses majeures et inédites aux mécanismes universels de la violence humaine individuelle et collective depuis l’aube des Temps et qui, plus que jamais, est d’actualité dans le monde d’aujourd’hui où les « rivalités mimétiques » s’exacerbent de plus en plus.
Cette Théorie majeure, reconnue aujourd’hui comme étant aussi fondamentale pour la connaissance de l’Humanité que la « Théorie de l’origine des espèces » de Darwin, permettra à tous de comprendre les « ressorts secrets » des « mécanismes cachés » qui nous gouvernent « …depuis la fondation du monde… »
Cordialement
Pascal