mercredi 11 avril 2012

Guide du bon usage des médias sociaux : où est l'audace ? (+ MAJ 1 et 2)

Au moins 2 ans après l'US Army (il est possible de trouver une 1ère version d'un "handbook"début 2010), la DICOD, responsable de la communication du ministère de la Défense, publie (enfin) un "Guide du bon usage des médias sociaux" (téléchargement ici).

Pour ne pas passer à côté des opportunités que peuvent représenter ces outils, qui ne sont pas en eux-mêmes mauvais (seul un usage inapproprié est dangereux), espérons presque qu'une seconde version (ou au moins une version remaniée) soit publiée au plus vite...

Les médias sociaux représentent des risques...

Jean-Marc Tanguy (Le Mamouth) l'a déjà relevé, les conseils de "bon sens" (la chose au monde la moins bien partagée...) donnés sont dans bien des cas mal appliqués par la DICOD, les SIRPAet autres entités de communication des forces armées et du ministère. Combien de visages nonfloutés de membres d'unités des forces spéciales sur le site www.defense.gouv.fr ?





Mais, passons. La série de conseils est présentée de manière ultra-didactique, compréhensible par le plus grand nombre et illustrée d'exemples sous une forme claire qui gagnerait à être généralisée à d'autres publications du ministère de la Défense. Un guide concis, qui permet de comprendre les enjeux de la sécurité pour les utilisateurs, les proches, etc.

Ainsi, il met fin aux notes de service, consignes ou autres prises par chacune des autorités des armées (Terre, Air, Mer), qui pendant longtemps d'ailleurs étaient disponibles librement sur Internet... Ce guide est donc bien une base pratique pour des séances de sensibilisation à toute la chaîne hiérarchique (un peu comme le vecteur britannique présenté par Abou Djaffar).

... mais ce ne sont pas uniquement des risques !

Au final, les outils que sont ces médias sociaux sont présentés de manière ultra-négative, dans un esprit visant presque à culpabiliser l'utilisateur, ou au moins à dresser une longue liste de préalables indispensables à leur usage. Si cette logique a des mérites en première approche, elle ne peut être la seule utilisable aujourd'hui.

En effet, sans parler des opportunités que représentent ces outils pour des utilisations à des fins de renseignement (des militaires français en ont fait un usage important, innovant et discret durant les opérations en Libye pour suivre et coordonner les opérations...) ou lors de soutien à des guerres "irrégulières" (cf. étude de cas ici), ils gagnerait à rentrer dans une certaine logique plus officielle (moins grise) d'appui aux opérations.

Que cela soit pour la communication officielle, le renforcement du lien armée-nation, l'animation du débat stratégique, un soutien aux familles des personnels en opérations, etc. la vision ultra-centralisatrice développée (avec une autorisation, à contre-coeur, d'initiatives autres en fin de guide) ne peut être la seule proposée.

Prémices d'une logique plus décentralisée

En plus de pages interarmées (comme celle, très vivante consacrée aux opérations), certaines unités, en particulier de l'armée de Terre (16è BC, 1er RCP, 110è RI, 27è BIM, etc.), ont investi l'espace offert par ces médias sociaux comme lien entre la base arrière et les personnels en opérations, comme espace de formation de communauté locale de soutien, etc.

Ouverts avant les projections (la diffusion de leur existence, l'inscription d'abonnés, etc. ne se font pas du jour au lendemain), pages Facebook, comptes Twitter, chaînes Youtube et autres continuent à vivre au retour des OPEX. Utilisant rarement les fonctionnalités les plus avancées et les plus contraignantes techniquement, ils sont d'un usage sans doute peu chronophage.

Surtout, ils répondent à des attentes car les pages, comptes et autres connaissent un succès certain auprès d'un public allant des familles aux anciens des unités en passant par les simples citoyens. Cette décentralisation maîtrisée, ou contrairement à ce qui est indiqué dans le guide, "les chefs militaires" ne sont pas les seuls à s'exprimer, semble donner satisfaction.



Du "non-officiel" qui dépote - le BG Raptor en Afghanistan

De l'audace que diable !

Coïncidence du calendrier, la même semaine, le CICDE (centre interarmées en charge, en partie, de l'élaboration de la doctrine) publiait un concept intitulé "L'influence en appui aux engagements opérationnels" : bataille des perceptions, différentes audiences cibles, synergie des modes d'action et autres concepts sont alors présentée.

Comment alors ne pas faire le lien avec les outils présentés par ce guide de bon usage de la DICOD pour démultiplier la transmission de messages ? Comme possibilité de toucher les opinions publiques. Comme moyens d'engager le dialogue et d'entrer en communication directement. De bâtir sa réputation (l'armée de Terre le fait pour son recrutement).

Un peu dans la logique du Corps des Marines (très en pointe dans le domaine : cf ici), et commele rappelle le camarade David Millian (avec qui nous vous préparons une surprise à ce sujet), dépassons donc une logique 1.0 pour rentrer dans celle de l'engagement 2.0 en misant, entre autres, sur le dynamisme des militaires eux-mêmes qui mériterait d'être soutenu.

PS : demandée par la DAS (il me semble), une étude est en cours sur ces questions menée par le cabinet Spintank et le centre de recherches IFRI / Ultima Ratio. J'espère qu'une fois les résultats présentés, les recommandations se transformeront rapidement en actions afin de démultiplier encore plus les quelques efforts prometteurs de changement déjà visibles.

MAJ 2 : en plus de ce guide (dont l'idée aurait été émise en novembre 2011, il n'est jamais trop tard après l'effet "révolution verte" en Iran, mésaventures israéliennes d'un raid dévoilé sur Facebook en 2010, etc.), une vidéo est maintenant disponible. Ce guide a fait l'objet d'un article (pages 34-35) dans la revue Armées d'aujourd'hui.

Nous y apprenons qu'un document supplémentaire "pourrait", "prochainement", voir le jour pour présenter les recommandations aux unités lors de l'ouverture de comptes sur ces médias sociaux. Alors même que ces outils sont déjà employés par plusieurs unités comme nous l'avons indiqué... Passer de subir à accompagner en somme.

Une actualisation devrait se faire "au gré des évolutions de ces médias sociaux": gageons qu'elle se fasse réellement à un rythme décent. Par comparaison (qui n'est pas raison, tant le nombre d'utilisateurs français sur ces derniers médias ne sont pas légion...), l'US Army sort à chaque nouvel outil un guide pratique explicatif : ici Tumblir, ici Pinterest, ici Google+.

Enfin, pour finir sur une note plus humoristique, hier, le compte Twitter de la Marine Nationale a créé le buzz : rassurez-vous un good-buzz plus qu'un bad-buzz.


Sans doute suite à plusieurs messages reçus sur Twitter, le "community manager" a cru bon de rappeler un petit détail...

Le tweet a aussitôt été repris et commenté par des centaines d'utilisateurs, le compte Twitter de la Marine Nationale a en 24h gagné plus de 150 nouveaux abonnés : good-buzz je vous dis !

1 commentaire:

Jp_Meursault a dit…

Bonjour. Depuis toujours les armées françaises communiquent le dos au mur! Depuis longtemps j'ai souvent dit à des chefs qu'il fallait accepter les risques et libérer la parole. Au lieu de centraliser toujours plus à partir d'éléments de langage!! Le vide autorise tous les pisse-vinaigre à broder pour remplir, rarement dans le meilleur sens...
Que la dicod accepte déjà d'en parler, au moins ça crée le débat...