Au-delà du groupe aérien embarqué (GAé), des appareils de patrouille ou de surveillance maritime et des hélicoptères embarqués ou à terre, les drones aériens arrivent de plus en plus dans le quotidien des Marins de la Marine nationale, formant une nouvelle composante en devenir, comme l’a notamment rappelé une récente présentation réalisée par le Centre d'études stratégiques de la Marine (CESM).
Si ces systèmes sont encore relativement peu nombreux à ce jour au sein des différentes forces de la Marine nationale, ils devraient connaître un réel accroissement dans les mois à venir, dans le cadre des efforts de l’ambition inscrite dans le Plan stratégique Mercator : "chaque navire devra être en mesure, d'ici 2030, de mettre en œuvre un drone aérien". Actuellement, il y a 3 systèmes à 2 vecteurs aériens S-100 de Camcopter pour les Porte-hélicoptères amphibies (PHA), quelques drones ALIACA (modéle DVF 2000 de Survey Copter), en phase d’essais, pour une cible de 11 systèmes à 2 vecteurs livrés à partir de 2022, 3 systèmes DRAACO (Puma AE d’AeroVironment) pour les commandos marine (bientôt rejoints par 4 autres systèmes livrés en 2022), des micro drones ANAFI US de Parrot en attente de livraison dans les prochaines semaines (pour une cible d'une trentaine de systèmes), une dizaine de systèmes de nano-drones Black Hornet 3 (de Flir Systems) également pour les commandos marine, et (environ) 200 micro drones au dernier recensement (issus du commerce, "off the shelf"), très disparates dans les modéles, acquis pour différents usages, et en phase de rationalisation.
Du côté du S-100, la mise en service opérationnelle est bien attendue pour 2022 (pour rappel les premières études sur ce système datent de 2009), autorisant l’emploi depuis les 3 PHA de la Marine. La mise en œuvre de ce vecteur de 200 kg est réalisée par l’aéronautique navale, avec 3 opérateurs et 2 maintenanciers qui forment l’équipage dédié (il s’agit bien de leur fonction principale et unique). Avec ce programme aux riches enseignements (en termes d’intégration, de formation, de maintenance…), il s’agit de rattraper le retard pris par rapport aux autres armées, en ouvrant les domaines de surveillance maritime, d’identification (notamment par la détection automatique de cibles mouvantes) et de tenue de contact (grâce aux plus de 5h d’endurance), en participant à la consolidation de la situation tactique, via les 54 nq d’élongation, et donc la possibilité d’aller bien au-delà des capteurs optiques du bâtiment d’accueil (avec une boule optronique, peut-être demain complétée par d’autres capteurs, notamment radars).
Pour le programme SMDM (système de mini drones de la Marine), il s’agit de cibler les bâtiments de 2nd rang (bâtiments auxiliaires, patrouilleurs…), avec une intégration plus légère que les S-100 et une mise en œuvre depuis des bâtiments sans plateforme hélicoptère. Toujours avec l’objectif de lever un doute (grâce aux 27 nq d’élongation et 3h d’endurance) sur un contact localisé par d’autres moyens (notamment radars), avec une boule optronique et un récepteur AIS. L’exploitant est pour le coup la Force d’Action Navale (FAN), donc pas par des opérateurs spécialisés, avec une mise en œuvre directement par l’équipage du bord. D’où le besoin d’une récupération automatique et par filet (une solution considérée comme mature techniquement), pour réduire les enjeux de formation de personnels dédiés. Le tout avec une maintenance facilitée (l’opérateur assurant la maintenance courante, de niveau NTI1, à bord). Le contrat a été notifié, et les essais sont en cours. Une 1ère capacité étant attendue sur PHM (patrouilleurs de haute-mer) en 2022.
Pour le Puma AE du programme DRAACO, il s’agit d’une urgence opérationnelle. S’il y avait bien un programme interarmées SMDR (système de mini-drones de reconnaissance) pour des forces spéciales et conventionnelles (notamment de l’armée de Terre, mais pas seulement), le besoin spécifiquement naval n’était pas couvert. En effet, une mise en œuvre via une catapulte n’était pas envisageable sur les embarcations rapides des commandos-marine, à l’espace réduit. De même pour une réception via un filet. Il fallait donc à la fois un lancement à la main (le vecteur pesant 7 kg), ainsi qu’une forte résistance à l’environnement marin (le drone étant étanche, et pouvant donc se poser à proximité de l’embarcation, avant récupération). Avec sa facilité de mise en œuvre, son élongation de 10 nq et son endurance autour de 2h30, il donnerait satisfaction, après avoir été employé du Levant au Sahel, en passant par les opérations de lutte contre les narco trafics. Ils équipent, au-delà du commando Kieffer, les autres unités du Commandement des Opérations Spéciales. Pour de l’appui aérien au contact, en maritime, en côtier et en terrestre.
Crédits : Marine Nationale.
Le drone ANAFI USA SE de Parrot répond lui à un besoin interarmées. Avec un marché notifié depuis début 2021, et des livraisons, rapidement effectuées, en approche (à partir de novembre 2021, pour une cible d'une trentaine de systèmes pour la Marine nationale). Avec une masse de moins de 500 gr, une endurance plus réduite (de l’ordre de 30 minutes) pour une élongation de 2,5 km, il répond à un emploi transverse et très large : pompiers, équipes de protection de site, équipes de visite… Soit un fort besoin, à combler rapidement, et pour des exploitants multiples. Un segment généralement couvert par des drones pas forcément développés nativement pour une mise en œuvre depuis des plateformes navales, mobiles donc, avec beaucoup de masses métalliques, qui peuvent impacter les liaisons et les capacités du drone à se situer, où il a fallu donc bien vérifier leur compatibilité à ses contraintes.
Enfin, dernier programme, le DROP (drone opérationnel de poche) avec le Black Hornet 3, autre programme interarmées, uniquement en dotation, pour la Marine nationale, dans chacun des groupes de commandos marine. Un produit léger jugé comme très abouti, très spécifique, transportable à dos d’homme (32 gr pour le vecteur), et "quasi indétectable".
Pour tous ces systèmes, ils existent des enjeux transverses, notamment d’intégration navale et fonctionnelle, car les bâtiments sont à ce jour pas développés pour cette intégration. Il y a donc de fortes questions d’encombrement (que l’ajout d’armement ne devrait que plus complexifier d’ailleurs), de placement d’antennes, d’assignation de fréquences, d’échanges d’informations classifiées, etc. Au-delà de la maritimisation des systèmes (face à l’environnement salin et humide particulier). Et de la prise en compte des capacités de lutte anti drones adverses, via systèmes sol-air, ou de brouillage. Ces systèmes étant considérés comme y étant encore particulièrement sensibles, pour la liaison de données, qui est amenée à être de plus en plus durcie, et pour la liaison GPS, avec des solutions encore à venir pour le renforcement de cette liaison ou pour la capacité à évoluer sans liaison GPS, notamment dans les zones où le GPS est dénié.
Sans oublier des enjeux RH et de formation, avec au final, une observation d'une non réduction de l’empreinte RH (hier espérée) car leur emploi a nécessité la création d’une composante en soit. Composante qui par contre permet d’alléger la charge pesant sur l’aviation navale habitée, dont le potentiel humain et machine est aujourd’hui très employée. Encore aujourd’hui, des questions de formation sont particulièrement prégnantes, avec un travail en cours de montée en puissance, pour permettre une internalisation complète à terme. Aujourd’hui, elle se décompose, en gros, en 3 grandes phases : au sein de l’école des drones de la Marine pour la formation à la théorie (sur les micro-drones), par les industriels pour la pratique des qualifications de type (dont le suivi et l’entretien est une sacrée charge…), puis avec un retour au sein de la Marine pour la formation tactique.
Si 100% des programmes actuels sont pour des drones de renseignement, à moyen terme, il est évidemment prévu une extension de leur emploi : guerre électronique, éventuels ravitailleurs (sans besoin exprimé à ce jour), armement (avec "des options" en ce sens prévues sur le SDAM - système de drone aérien marine), etc. L’étude SDAM étant encore en phase de levée de risques, le démonstrateur devant réaliser un posé automatique sur une frégate à la mer en 2022 (pour des livraisons attendues en 2029). Et demain des drones potentiellement mis en œuvre depuis des sous-marins, avec d’ores et déjà des besoins qui commencent à s’exprimer pour des micro-drones pendant les phases de navigation à immersion (depuis le kiosque) pour faciliter la manœuvre notamment. Pour des drones plus complexes à changement de milieu, des 1ères études sont lancées, avec des questions sur leur récupération, sur leur éventuel caractère consommable, etc. Autant de champs à ouvrir, avec des systèmes ayant des degrés d’autonomie variables (pour demain les essaims de drones ou les munitions télé opérées), et éventuellement à couvrir.
MAJ 1 :
En parlant des études lancées par la Marine Nationale sur les drones aériens depuis les sous-marins (notamment avec changement de milieux), présentation par Naval Group lors des récents Naval Innovation Days
Avec, entre autres, les capacités de Diodon Drone, qui encapsule un drone HP30 étanche et gonflable
NB : Les propos rapportés ci-dessus n’engagent que l’auteur de ce blog, qui est le seul responsable en cas de mauvaise retranscription des propos et pensées des intervenants et des éléments d’analyse ou d’information ajoutés en supplément.
9 commentaires:
Ce qui se passe sous la surface est aussi important pour le devenir de la marine nationale:
https://www.meta-defense.fr/2021/10/12/comment-le-nouveau-drone-sous-marin-de-naval-group-va-redefinir-le-combat-naval/
Pour la mer Noire, on oublie...
https://www.air-cosmos.com/article/ukraine-la-navet-de-losce-24816
Les drones sous-marins ont le vent en poupe en ce moment:
https://www.journaldugeek.com/2021/12/27/manta-ray-la-darpa-devoile-un-drone-militaire-digne-de-la-science-fiction/
Il y en aura aussi pour les commandos marines:
https://www.rfi.fr/fr/podcasts/lignes-de-d%C3%A9fense/20220123-des-micro-drones-pour-les-commandos-marine
Le prochain drone aérien de la marine nationale est à l'essai:
https://www.laprovence.com/article/edition-marseille/6870759/.html
Je comprends que les amiraux soient réticents, mais il ne faut pas faire la même erreur que l'armée de l'air.
https://www.ifri.org/fr/publications/briefings-de-lifri/dronisation-navale-une-opportunite-marine-nationale-de-2030
Il y a des comptes à suivre pour les passionnés, comme pour les curieux de passage:
https://twitter.com/FauteuilColbert/status/1570383769252802561
Le Reaper n'aimait pas le sel, il y avait une fenêtre pour le Patroller.
General Atomics n'a pas traîné en chemin:
https://www.meretmarine.com/fr/defense/general-atomics-propose-les-versions-maritimes-du-mq-9b-a-la-marine-francaise
C'est plus compliqué que cela en à l'air...
L’appontage d’un hélicoptère sur un navire doit pouvoir se faire dans toutes les conditions rencontrées en opérations, avec des limites définies par le « SHOL » (pour « Ship – Helicopter Operating Limits »). Le SHOL c’est en gros une courbe polaire qui définit l’enveloppe limite des conditions d’appontage en fonction d’un ensemble de paramètres : force du vent, état de la mer, visibilité, niveau des turbulences générées par les superstructures du navire, fumées des chaudières, température externe et niveau des précipitations, angle d’approche de l’hélico par rapport au cap du navire, etc etc.
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En clair, tant qu’on reste en deçà des limites du SHOL, on peut apponter.
Au-delà, on risque ça : http://lemarin.ouest-france.fr/secteurs-activites/defense/35324-crash-dun-helicoptere-sur-une-fregate-italienne
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Pour le moment les drones sont capables d’apponter par beau temps, par mer à état modéré, avec un ingénieur sur le pont d’envol qui télécommande en visuel, ou un programmeur devant console sur passerelle aéro qui modifie l’algorithme en plein vol.
Mais à ce jour aucun drone n’a pour l’instant réussi à le faire dans toutes les conditions opérationnelles prévues par le SHOL d’un hélico « piloté ».
C’est ce à quoi fait allusion l’Amiral Vaujour.
Les essais de la Marine nationale visent justement à valider l’appontage automatique dans des conditions équivalentes à ce que rencontrerait un pilote d’hélico en opérations.
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A titre d’illustration sur le SHOL, dans cette vidéo qui date d’il y a 12 ans (et oui les drones n’ont pas beaucoup progressé depuis…), le pilote anglais du Lynx est bien dans le SHOL sauf sur le paramètre roulis, il est en léger décalage pour le roulis de son hélico par rapport au roulis du navire. Il « pose » adroitement, en saisissant l’opportunité d’un instant de roulis moindre.
http://www.youtube.com/watch?v=bC2XIGMI2kM&t=5s
Bilbon, admiratif.
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