Traditionnellement préparées à faire la guerre avec tout ce que cela comporte, les armées doivent acquérir de nouvelles pratiques pour effecteur la mission qu'on leur confie. Les acteurs, les moyens, les buts ou le cadre d'action sont différents demandant un changement des modes d'opératoires à acquérir.
Les ordres donnés par les supérieurs sont généralement définis par rapport à une notion d'ennemi qui ici, est modifiée pour céder la place à une notion de foules menaçantes ou d'individus égarés qu'il faut remettre dans le droit chemin. Cette nouvelle posture doit s'ajouter à un changement de comportement qui s'est mis peu à peu en place. L'individualisation du maintien de l'ordre (avec une violence colérique d'homme à homme) a du se muer en une action coordonnée d'un groupe face à un autre groupes d'individus que l'on pourrait traduire là aussi par une bataille de volontés opposées. Inscrite dans un cadre législatif et judiciaire spécifique diffèrent du droit des conflits armées peu à peu mis en place, ce nouveau cadre d'emploi doit être comprit comme par exemple après la proclamation de l'Etat d' Urgence dans les Aurès en Mars 1955 et l'apparition non sans mal d'officiers de police judiciaire au sein des armées pour traquer ce que l'on appelle les hors la loi et qui aujourd'hui sont désignés comme les combattants de l' ALN. L'Algérie étant la France, les opérations effectuées par les armées étaient donc définies à l'époque comme du maintien de l'ordre face à des troubles de guérilla puis de terrorisme plus que comme des actes de guerre. Ayant déjà une notion de discipline pour les règles d'ouverture de feu ou les déplacements aux ordres, les armées n'ont eu qu'a acquérir les tactiques de dispersion et de refoulement des foules, but ultime du maintien de l'ordre ou connaître l'emploi des équipements avec une institutionnalisation du maintien de l'ordre après 1921 mettait fin aux empirismes des années précédentes ou rien comme protections (boucliers, casques, cuirasses...), armements (matraques, gaz, armes non létales et non mortelles causant une faible proportionnalité d'issues fatales) n'étaient prévus. De plus dans le cadre de cette culture spécifique, la coopération avec d'autres unités malgré un esprit de corps très développé chez les uns et les autres, est nécessaire pour selon une culture du résultat qui prime, atteindre de la meilleure des façons, avec le moins de pertes et de dégâts, le but de la mission. C'est pour briser cette distance et pour une meilleure efficacité, avec un changement d'esprit mutuel qu'a été signé en octobre 2000, une convention entre la Gendarmerie et l'armée de Terre pour la coopération des forces en OPEX dans l'esprit de l'interarmisation.
Cette coopération nécessaire met à mal l'autonomie toujours désirée par les militaires surtout quand le maintien de l'ordre par les armées garde certaines particularités. Ne voulant et ne pouvant pas perdre leurs acquis, il diffère du maintien de l'ordre effectué par les autres corps. La différence de vocabulaire quelque fois employé le montre bien entre le maintien de l'ordre plus policier et le contrôle de foules plus militaire montrant une préférence pour un but moins lointain et plus immédiat. Dès Clémenceau en 1884, les officiers généraux s'insurgeaient du rôle définit comme à contre emploi de prévention donné à l'armée et militaient pour un rôle exclusivement de répression. Mettre des soldats dans la rue s'étaient y mettre des fusils prêts à être utilisés pour selon l'expression du préfet Hausmann pensant ses grands boulevards dans des logiques aussi de sécurité « peigner les avenues à la mitrailleuse ». C'est une question de crédibilité. Alors même que la non utilisation d'armes à feu par les forces de l'ordre dans le maintien de l'ordre est peu à peu apparue mettant fin aux drames des décennies avant 1880 et à la furie de régiments à cheval comme les dragons spécialisés dans la charge contre les attroupements ou l'attaque de barricades. Les armées sont toujours par méfiance et par raison, attachées à pourvoir passer d'une opération de contrôle de foules à une véritable guerre urbaine avec les dangers des milieux clos s'y cela dégénère, guerre urbaine qu'il faut encore acclimater. C'est pouvoir passer d'une phase de basse intensité à très rapidement une phase de haute intensité. Cela pose aussi des cas de conscience entre un jour tuer un ennemi et le lendemain se retrouver face à des individus qu'il faut alors raisonner avec une proportionnalité de réponse par la violence, inscrite elle aussi dans l'ordonnance de 1907. La maîtrise de soi si nécessaire est une qualité que les militaires doivent développer pour rester neutre aux provocations des manifestants. Surtout depuis 1968 où la charge est de plus en plus rare face aux temps d'attente.
Toute la construction de ce patrimoine de pratiques mettant en place une violence institutionnelle a amené la baisse significative des bavures et des tueries, rendue possible par une professionnalisation des manifestants et des forces garantes de l'ordre au moment même où l'erreur amenait des retombées plus graves.
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