Moments particulièrement délicats, les changements de milieu sont redoutés. Les nageurs de combat en combinaisons sombres sont vulnérables lorsqu’ils sortent de l’eau pour aborder une plage de couleur claire. Lors d’un poser d’assaut, l’appareil est à la merci de tirs d’armes de petits calibres et il en est de même lors d’extraction de forces terrestres par des hélicoptères en vol stationnaire. Il faut alors quitter le plus rapidement possible ces périodes transitoires d'entre deux pour gagner un contexte tranché mieux maitrisé.
Cette complexité est réelle lorsque l’on étudie les milieux, il en est de même pour le rapport à la distance d'engagement. Le « visage » de la guerre d’aujourd’hui n’apporte rien de révolutionnaire sur cette question et l'Afghanistan ne semble pas être l'Irak.
Dès l’enfer de « Verdun », le danger provenait aussi bien de loin que de près. Les obus et les shrapnels, lancés hors du champ de vision, n’étaient annoncés que par un sifflement précédant l’explosion : cela surgissait à l’improviste. Les batailles au corps à corps de faces à faces d’homme à homme étaient l’œuvre des nettoyeurs de tranchées, de groupes d’assaut lors de coups de main et plus rarement d’unités de ligne dont les survivants avaient survécus aux rafales de mitrailleuses en montant à l’assaut des tranchées.
Puis l’ennemi s’échappe et se fond pour éviter la confrontation face au déséquilibre de la puissance de feu : il devient un fantôme insaisissable. En contre-rébellion, les échanges de coups de feu contre des ombres lointaines se multiplient et les rares contacts à courte distance finissent alors au corps à corps pour déloger l'adversaire. L’avion et la radio, entre autres, permettent de voir, de connaitre et de prévoir de l’autre côté de la colline. Et à la même période, face au Pacte de Varsovie, c’était aussi la destruction au loin qui était privilégiée. Les distances du quotidien en opération tendaient à s’étirer : le contact physique et même visuel ami/ennemi se faisait rare.
La technologie par la numérisation permet encore plus cette élongation des distances et cette perte du contact visuel. Grâce à des cartes informatiques réactualisées, des flux d’échanges d’informations ou le déclenchement simplifié des feux indirects, les hommes peuvent couvrir des espaces de plus en plus vastes avec toujours moins d’hommes : une section peut tenir le même terrain qu'une compagnie. Bien qu’en vu du combat en zone urbaine, le tir instinctif à courte distance est mis à l’honneur, les nouveaux fusils ne peuvent plus être munis de baïonnettes : le contact rapproché entre les adversaires est alors un échec. Les pions rouges sont détruits avant que les pions bleus ne puissent les apercevoir. Les combats urbains de haute intensité dans les villes irakiennes viennent rappeler que malgré les apports de la technologie, il ne faut pas négliger le combat rapproché à conjuguer avec les armes de précisions à longue portée.
Mais les « guerres bâtardes » sont apparus établissant un nouveau rapport à la distance, non envisagé dans les schémas futuristes. En Afghanistan, où les combats sont plutôt en zones rurales qu'en villes, les TIC (Troops in contact) se déroulent généralement entre 600 m et 2 000 m. Pour l’armée française, le VAB avec un canon de 20 mm, les fusils de sniping, les mitrailleuses ANF 1 ou Minimi et les FAMAS avec des optiques de visée pour gagner en précision à plus de 300 m sont sur-employés. Sur le même théâtre, les embuscades les plus meurtrières sont celles où les insurgés sont imbriqués avec les éléments pris à partie pour rendre trop dangereux l’appel aux moyens aériens. Enfin, au cours des convois, les crêtes au loin sont autant surveillées que les abords de la route pour repérer un IED.
Ainsi, bien plus que la prédominance d’un type d’engagement (longue ou courte distance) cela semble plutôt être le passage de l’un à l’autre dans un laps de temps très court. C’est un changement permanent du secteur de concentration de tous les sens (surtout vue et ouïe) qui caractérise les opérations. Cela s’ajoute à une autre réversibilité plus connue qui est celle de la posture résumée dans le slogan : « smile, shot, smile ». En effet, le combattant débarqué au contact de la population échange une poignée de main avec un habitant puis peu de temps après doit pouvoir riposter à des tirs fugaces d’harcèlement. Ces changements incessants obligent à sortir de schémas académiques qui ont souvent été réfléchis, enseignés et planifiés séparément alors qu’ils sont sur le terrain souvent superposés. Et encore une fois "le croisement d'éléments de nature différentes" ou hybridation semble assez bien définir une situation trouble!
1 commentaire:
En effet la frontière entre choc et feu est de plus en plus "floue", au sens où l'engagement de haute intensité peut se faire désormais sans corps-à-corps rapproché.
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