A travers un « coup de gueule » sur l’emploi de raccourcis historiques pour appuyer une thèse fataliste, Stent met en exergue l’emploi abusif de « lois éternelles ». Utilisées comme un argument non-critiquable, ces redondances historiques sont employées, à tort, comme des vérités qu’il faut pourtant utiliser avec précaution.
Aujourd’hui, il est donc courant de rappeler que « les Afghans (ndlr : lesquels d’ailleurs dans le patchwork tribal ?) sont fiers et ont toujours repoussé les envahisseurs et cela depuis la nuit des temps ». Mais hier, c’était des vérités inébranlables qui faisaient des Alpes un obstacle infranchissable pour les troupes de Napoléon en mai 1800 face aux troupes autrichiennes, des Ardennes, un facteur limitant des attaques de Panzer allemands en juin 1940, etc. Ainsi, de prestigieux succès militaires ont été rendus possibles par l’enfermement de l’adversaire dans un schéma fondé sur une loi éternelle. La ligne Maginot française protège le flanc Est, les sapins des Ardennes autour de Sedan protègent le Nord de l’Hexagone : on connait la suite !
A cette obnubilation sur la capacité d’arrêt d’obstacles physiques contraignants mais surmontables (fleuve, désert, forêt, montagnes, …) s’ajoute la science du stratégiste militaire qui recherche l’effet de surprise pour contourner le dispositif adverse (loi pérenne du combat). Ainsi, en évitant de se laisser enfermer dans des schémas restrictifs et des raccourcis analogiques, le stratège use de la réflexion. Calquer ce principe à l’Afghanistan peut paraitre très optimiste et sans doute militant, j’en conviens. Néanmoins, ne laisser aucune porte de sortie et clore le débat, c’est négliger un des piliers (expérience/connaissance ET réflexion) de la recherche stratégique.
Alors quel usage de l’Histoire dans le domaine militaire ? L’historien, que j’essaye de devenir, ne fera pas le procès de son sujet d’étude. Ainsi, si l’Histoire du passé peut permettre un éclairage sur le présent et même sur le futur, il ne faut pas ignorer certains principes. Le premier est la place de « l’évolution » dans l’analyse. Pour le domaine militaire, l’évolution technologique est celle qui semble la plus fondamentale. Mais l’évolution des mentalités, des méthodes, des structures et des hommes ne peut être ignorée. L’approche globale des faits militaires est à étudier comme l’agencement complexe d’un ensemble de systèmes.
Le second, déjà mentionné, est la place accordée à la réflexion. Alfred de Vigny disait que "l’expérience seule et le raisonnement qui sort de nos propres réflexions peuvent nous instruire". Ainsi afin de ne pas répéter des schémas, pas forcément heureux (cf. les Israéliens face aux oppositions asymétriques…), la réflexion est un profond moteur de changement. Si aujourd’hui dans les armées, le pilier technologique est contraint par un épuisement financier, la pensée et la culture permettront de manière encore plus criante de conserver la supériorité. Car l’Histoire, au risque d’être considéré exclusivement comme un éternel recommencement, est l’addition du neuf et de l’ancien.
Les dangers de l’emploi d’une « Histoire positive », où des modèles jugés éternels sont plaqués à tout prix, ont été dénoncés. En effet, c’est généralement la guerre d’hier qui a été préparée par ses méthodes et non la guerre de demain...
P.S. : pour revenir sur l’exemple de l’occupation de l’Afghanistan par l’empire mongol. Vers 1220, les cavaliers venus du Nord de Gengis Khan ravagent plusieurs villes de l’Afghanistan alors sous contrôle d'un califat musulman. L’Afghanistan est séparée ensuite en deux khanats (royaume dirigé par un khan) un au Nord et un au Sud. Les moghols ont alors entrepris de contrôler le « pays utile » de l’Afghanistan (zones autour des villes et vallées) en établissant de manière très fine un « équilibre afghan ». Les prétentions hégémoniques des chefs de tribus étaient rapidement combattues et l’autorité moghole gardait un rôle de justicier efficace puisque l’éclatement des dynasties n’a été possible que par la décadence des dirigeants.
Aujourd’hui, il est donc courant de rappeler que « les Afghans (ndlr : lesquels d’ailleurs dans le patchwork tribal ?) sont fiers et ont toujours repoussé les envahisseurs et cela depuis la nuit des temps ». Mais hier, c’était des vérités inébranlables qui faisaient des Alpes un obstacle infranchissable pour les troupes de Napoléon en mai 1800 face aux troupes autrichiennes, des Ardennes, un facteur limitant des attaques de Panzer allemands en juin 1940, etc. Ainsi, de prestigieux succès militaires ont été rendus possibles par l’enfermement de l’adversaire dans un schéma fondé sur une loi éternelle. La ligne Maginot française protège le flanc Est, les sapins des Ardennes autour de Sedan protègent le Nord de l’Hexagone : on connait la suite !
A cette obnubilation sur la capacité d’arrêt d’obstacles physiques contraignants mais surmontables (fleuve, désert, forêt, montagnes, …) s’ajoute la science du stratégiste militaire qui recherche l’effet de surprise pour contourner le dispositif adverse (loi pérenne du combat). Ainsi, en évitant de se laisser enfermer dans des schémas restrictifs et des raccourcis analogiques, le stratège use de la réflexion. Calquer ce principe à l’Afghanistan peut paraitre très optimiste et sans doute militant, j’en conviens. Néanmoins, ne laisser aucune porte de sortie et clore le débat, c’est négliger un des piliers (expérience/connaissance ET réflexion) de la recherche stratégique.
Alors quel usage de l’Histoire dans le domaine militaire ? L’historien, que j’essaye de devenir, ne fera pas le procès de son sujet d’étude. Ainsi, si l’Histoire du passé peut permettre un éclairage sur le présent et même sur le futur, il ne faut pas ignorer certains principes. Le premier est la place de « l’évolution » dans l’analyse. Pour le domaine militaire, l’évolution technologique est celle qui semble la plus fondamentale. Mais l’évolution des mentalités, des méthodes, des structures et des hommes ne peut être ignorée. L’approche globale des faits militaires est à étudier comme l’agencement complexe d’un ensemble de systèmes.
Le second, déjà mentionné, est la place accordée à la réflexion. Alfred de Vigny disait que "l’expérience seule et le raisonnement qui sort de nos propres réflexions peuvent nous instruire". Ainsi afin de ne pas répéter des schémas, pas forcément heureux (cf. les Israéliens face aux oppositions asymétriques…), la réflexion est un profond moteur de changement. Si aujourd’hui dans les armées, le pilier technologique est contraint par un épuisement financier, la pensée et la culture permettront de manière encore plus criante de conserver la supériorité. Car l’Histoire, au risque d’être considéré exclusivement comme un éternel recommencement, est l’addition du neuf et de l’ancien.
Les dangers de l’emploi d’une « Histoire positive », où des modèles jugés éternels sont plaqués à tout prix, ont été dénoncés. En effet, c’est généralement la guerre d’hier qui a été préparée par ses méthodes et non la guerre de demain...
P.S. : pour revenir sur l’exemple de l’occupation de l’Afghanistan par l’empire mongol. Vers 1220, les cavaliers venus du Nord de Gengis Khan ravagent plusieurs villes de l’Afghanistan alors sous contrôle d'un califat musulman. L’Afghanistan est séparée ensuite en deux khanats (royaume dirigé par un khan) un au Nord et un au Sud. Les moghols ont alors entrepris de contrôler le « pays utile » de l’Afghanistan (zones autour des villes et vallées) en établissant de manière très fine un « équilibre afghan ». Les prétentions hégémoniques des chefs de tribus étaient rapidement combattues et l’autorité moghole gardait un rôle de justicier efficace puisque l’éclatement des dynasties n’a été possible que par la décadence des dirigeants.
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