Un peu oubliée car moins mise en avant médiatiquement que d’autres sujets (l’annonce de la formule magique d’Obama en Afghanistan, celle du G20 face à « la crise », etc.), la question de la bombe nucléaire iranienne fait la une lors des nouvelles prouesses technologiques dans le secteur spatial ou missilier de Téhéran. Hier problème n°1 pour la stabilité du monde, aujourd’hui un des problèmes et si c’était une source d’apaisement (un équilibre figé alors atteignable) pour demain ?
Une myriade d’analystes et de services de renseignement tentent de recouper des informations pour arriver à déterminer la date d'une bombe nucléaire opérationnelle. Chaque conclusion diverge de la précédente et semble digne de foi. Un délai de l’ordre de deux à cinq années pour la réalisation de ce programme est réaliste. Les lancements, plus ou moins réussis, de vecteurs de portées différentes ou le maniement d’une politique déclaratoire qui fait trembler toutes les coursives diplomatiques mondiales, démontrent une certaine maturation de la dissuasion nucléaire iranienne. Ni les raids peut-être futurs de l’armée de l’Air israélienne, des missiles ou des drones (c’est à la mode), ni les « terrifiantes » sanctions de la communauté internationale, ni les vaines paroles de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique ne parviennent à briser l’inexorable engrenage (au mieux à le ralentir).
Alors la vraie question pour conserver une longueur d'avance n’est plus comment empêcher le développement de ce programme, mais comment vivre avec l'Iran doté de capacités nucléaires ? L’ensemble du globe a encore quelques mois pour trouver une réponse. L’un des avantages serait de pouvoir ressortir les pages écrites durant la Guerre Froide, oubliées avec la mode des contre-insurrections (qui sera à son tour oubliée un jour du fait des phénomènes d’évolution). Des solutions s’y trouvent peut-être. La fin de « l’exception régionale » du nucléaire israélien demandera une vraie remise en cause stratégique pour Israël, sans doute beaucoup moins pour d’autres états. Une nouvelle dissuasion à bâtir face à la rationalité d’un système de valeurs chiites duodécimaines et les conséquences des prochaines élections iraniennes seront des pistes d’études. L’Iran développe une ère d’influence régionale par l’aide apportée à certains mouvements de résistance. Par l’acquisition de ce nouvel outil de puissance, l’aura iranienne sera-t-elle mondiale ?
Ce feuilleton du nucléaire iranien doit aussi forcer à réfléchir sur l’incapacité de proposer des solutions négociées crédibles ou les difficultés de contraindre les volontés iraniennes par un consensus a minima entre les six (USA, France, Russie, Allemagne, Grande-Bretagne et Chine). Si l’emploi de la force permet sans doute des succès à court terme, le corps des Pasdarans iraniens se ferait un devoir de prouver leurs capacités dans un conflit irrégulier sur terre et sur mer. Ainsi ni le soft (même avec des mesures de rétorsion économiques) ni le hard power (même avec les flottes naviguant dans le Golfe Persique) ne semblent parvenir à contraindre les volontés.
La Corée du Nord, plus enclavée et plus menacée, avait réussi tant bien que mal à poursuivre ses recherches. L’aide internationale que l’on faisait miroiter contre l’arrêt du programme pouvait suffire vu les conditions de vie des populations. En Iran, le régime est différent, une frange de la société est occidentalisée, la famine est moins présente, les frontières sont déjà plus poreuses aux lueurs de la modernité, etc. L’appât du gain et/ou la mise en place de blocus ne sont pas aussi efficaces : la problématique du calque d’une même méthode à deux situations différentes peut être un axe de recherche sur l’échec des mesures prises contre l’Iran.
Ainsi la réflexion du « moi j’ai le droit car j’ai pensée à l’acquérir il y a 20 ans, mais toi tu n’as pas le droit car tu le veux maintenant » semble montrer toute sa limite. Plus globalement, c’est la place de la justice en Relations Internationales qui est au centre des débats. Des valeurs que l’on défend pour certaines sociétés, sont-elles dangereuses si elles sont universelles ? Une réponse honnête posera des problèmes de conscience.
Droits: Missile Shabab 3, www.armyrecognition.com
4 commentaires:
Je doute fortement que la pression diplomatique, des sanctions économiques et/ou une action militaire même d'envergure dissuadent l'Iran d'acquérir l'arme atomique. D'autant plus que ce pays a depuis longtemps pris ses dispositions en cas d'attaque. J'avais longuement abordé cette question dans "Comment et pourquoi frapper l'Iranium ?" : http://electrosphere.blogspot.com/2008/09/comment-et-pourquoi-frapper-liranium.html
Cordialement :-)
Je suis tout aussi sceptique que toi sur les mesures prises pour empêcher l'Iran d'acquérir du nucléaire militaire.
Quant à ton article, c'était l'époque où je ne suivais pas régulièrement ton blog. Dommage, il y a des archives fort intéressantes!
F
"Plus globalement, c’est la place de la justice en Relations Internationales qui est au centre des débats."
Je suis surpris d'entendre cette opinion repetee a divers endroits.
Il faut rappeller une chose : la question des armes nucleaires decoule de leur capacite destructrice absolue.
Face a ce potentiel, il est coherent (et non "juste") que seuls en soient equipes les pays qui par ailleurs ont le plus a perdre (moralement, economiquement, culturelement, religieusement(?) )
Ce qui fait peur chez les iraniens c'est qu'ils semblent etre aux antitpodes de cette configuration.
Et cela en supposant qu'ils ne pretent pas leur arsenal a des gens encore plus desequlibres.
Face a la puissance atomique, promouvoir cette idee de "justice" revient in fine a menacer gravement des populations innoncentes.
Actuellement l'incohérence du discours international demeure le "moi je peux (ndlr: selon quels critères?) et toi tu peux pas (ndlr: parce que j'en ai décide ainsi...)".
On est d'accord que l'égalité ne promet pas un avenir radieux. Mais alors, il faut arrêter de se voiler la face: on cache nos belles valeurs dans notre poche avec un mouchoir par dessus, et on dit clairement que l'on fait preuve d'autoritarisme et de discrimination.
Cela ne serait pas pour me gêner que le réalisme prenne le pas sur l'idéalisme, mais autant le dire franchement! Il faudra juste assumer alors cette porte ouverte!
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