D'intéressantes questions sont soulevées par les posts de Zone Militaire, Actudéfense et EGEAsuite à la réaction du porte-parole de l'EMA après la parution du documentaire "C'est pas le pied la guerre?".
Les remarques des uns et des autres, comme le documentaire d'ailleurs, appellent quelques commentaires. Par contre, n'étant pas un pro de la com', je n'ai aucune certitude sur la validité et la pertinence de mon propos... Au lecteur de juger de sa valeur.
1. Les réactions de l'EMA, qui s'inquiètent publiquement de la diffusion sans accord d'images prises par des militaires du rang, semblent être empreintes de peur et d'un manque de confiance. En effet, ces condamnations peuvent être vues comme l'affirmation par les acteurs eux-mêmes que la communication de l'EMA n'est pas résiliente à l'émission d'éléments de contre-discours. Elle ne pourrait encaisser le choc (cela reste à confirmer : ce documentaire sera-t-il encore cité dans quelques mois?).
2. En effet, et c'est à mon avis un bien et un mal, mais ces images ne sont pas dans le ton de "la guerre en dentelles" que veulent représenter les communiqués de presse et autres images autorisées. Ainsi, et pour faire court, seulement "ceux qui savent" auraient pu se douter que le militaire de base est un homme, jurant, regardant des films porno, que les erreurs n'existent pas, etc. Ainsi, s'il est nécessaire de ne pas relativiser la guerre à un acte anodin (désacralisé), il semble donc aussi nécessaire de la rendre plus humaine.
3. Grâce à un bon storytelling de la part du producteur et du diffuseur, le documentaire a été présenté comme contenant des images inédites, interdites de diffusion par l'EMA, montrant le vrai visage de la guerre, etc. Du scoop sur toute la ligne avec le piquant de l'interdit et de la ligne jaune qui est dépassée. Tout pour faire vendre et faire grimper l'audience. Or, comme tout bon storytelling cela est en partie vrai et en partie faux. Un visage y était visible et non LE visage de la guerre.

4. En conséquence, à une attitude passive et attentiste, espérant encaisser le choc, il aurait été préférable pour la com' militaire de montrer un autre visage. Pourquoi elle n'a pas tenté d'expliquer avant la diffusion le contenu en donnant des éléments de contexte? Le mandat du 8ème RPIMa est le 1er mandat en Kapisa : l'armée française y redécouvre la dureté des combats, les relations de frères d'armes avec les Américains sont naissantes, la coordination est balbutiante, etc. A cette époque, c'était comme cela. Aujourd'hui c'est bien différent.
5. A ces attaque douces préventives, un meilleur contexte de réception du documentaire aurait pu être créé. En effet, pourquoi la com' française s'obstine à ne pas lâcher en partie la bride sur la circulation des informations et images personnelles? Ces nouvelles images personnelles auraient ainsi pu être noyées (est-ce vraiment possible, je m'interroge...) dans un flot d'autres informations rendant moins inédite leur diffusion. Dans sa contre-attaque informationnelle, elle aurait pu ensuite s'appuyer sur des images déjà publiées.
6. Et c'est bien là tout le défi de la communication actuelle entre com' publique et com' d'initiative privée rentabilisée et exploitée. En effet, un élément de discours est d'autant moins crédible qu'il porte le sceau "officiel" et qu'il est donc vite estampillé "propaganda". Ainsi, les restrictions de communication encadrant la diffusion d'images ne doivent pas être perçues seulement comme des menaces (pas de dangereuse ultra-libéralisation) mais aussi comme de formidables opportunités avec des pépites qui peuvent émerger.
7. En conclusion, des efforts ont été réalisés ces dernières années pour donner de l'influence aux éléments de com' de l'EMA. Les conférences de presse avec des "grands témoins" opérationnels, la qualité des vidéos, la très (trop) discrète entrée sur les médias sociaux, etc. Du chemin reste à parcourir pour que ses querelles intestines qui affaiblissent le centre de gravité ami ne puissent être récupérées sans effort par le CDG ennemi. Or pas sur que ceux qui mettent à disposition de telles images se rendent compte des enjeux supérieurs...
Si la communication opérationnelle est réellement une opération de combat, alors lançons des attaques préventives, contre-attaquons, saturons de nos feux les adversaires...