vendredi 18 juillet 2025

Safran - Une feuille de route sur les moteurs des futurs appareils de combat pilotés ou non

Une étude de levée de risques préparatoire au lancement du programme T-REX a été notifiée début juin à Safran. La prochaine étape sera la signature d’un contrat de développement sous 18/24 mois, afin d'être au rendez-vous d'un moteur plus puissant pour l’entrée en service du Rafale au Standard F5 prévue vers 2032-2033. Soit un moteur ayant préalablement tourné sur banc d'essais, et volé sur appareil banc d'essais avant d'être qualifié vers 2031.

Pour atteindre les 9 tonnes de poussée (contre 7,5 tonnes sur le moteur M-88 actuel des Rafale), il n'y aura pas de modifications du volume global occupé par le moteur comparé au moteur actuel, donc pas de modifications de la structure du Rafale (en interne ou en externe, pour l'aérodynamisme). Le concept de maintenance restera de même globalement similaire, avec une recherche de communalité des pièces détachées autant que possible entre les moteurs de différentes générations. Une reprise de programmation des commandes de vol sera évidemment nécessaire, tout comme le développement du software de régulation interne au moteur.

6 modules sur les 21 modules de l'actuel M-88 seront modifiés, notamment ceux qui se rapportent à la compression de l'air et au refroidissement dans la turbine haute-pression, avec une reprise des entrées et sorties d’air, en plus de l’emploi de nouveaux matériaux sur certaines parties chaudes, notamment dans la suite du Plan d'études amont (PEA) dit Turenne. Il s’agit donc de rechercher des gains d’efficacité, sans forte variation de la consommation de carburant, pour redonner du punch au Rafale alors que la tendance est à l’alourdissement sur les senseurs et les effecteurs (radars, armements, capacités embarquées de traitement des données…).

Un PEA Turenne 3 est d'ailleurs d'ores et déjà en cours de préparation pour le futur moteur du NGF (New Generation Fighter) du programme SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), en plus des évolutions envisagées avec l’emploi d'autres nouveaux matériaux résistants aux variations de hautes chaleurs attendues, les tuyères variables, etc. Pour le NGF, un moteur de 12 tonnes de poussée environ est attendu.

De toutes ces études naitra une famille de moteurs à usage militaire pour les différentes applications, avec les futurs M15, M30 et M50 (soit des moteurs avec 1,5, 3 et 5 tonnes de poussée), notamment pour motoriser des drones, dont ceux accompagnant les appareils habités pour les futurs standards du Rafale et l’après-Rafale (ou les Combat Collaborative Aircraft ou CCA). Une réutilisation autant que possible des modules est recherchée, avec, par exemple, sur le M50, une reprise de l’architecture du M88, mais sans la post-combustion, afin de motoriser le futur UCAS (Umanned Combat Air System) furtif qui devrait peser autour de 15 tonnes environ.

Il existe donc une feuille de route technologique pour appuyer cette déclinaison en famille de moteurs, permettant d’accompagner le plan de gestion des compétences détenues ou à développer au sein des bureaux d’études de l’écosystème opérant sur ce sujet de la propulsion (Safran en tête, mais aussi les sous-traitants, notamment sur la partie forge, sous-ensembles, etc.). Via cette approche incrémentale qui passe par T-REX, il s’agit de dé-risquer avec une étape intermédiaire l’atteinte des spécifications attendues pour le NGF, tout en assurant une fidélisation des compétences RH (avec des nouveaux projets d'intérêt à mener) et une bonne transmission entre des générations d’ingénieurs, certaines étant sur le départ.

Le calendrier est défini comme encore tenable, mais pourrait devenir rapidement ambitieux si la révision à venir de la Loi de programmation militaire (LPM) n’est pas favorable aux arbitrages en interarmées nécessaires pour faire rentrer en programmation cet important "objet", qui représente un devis allant à ce stade au-delà de 500 millions d’€ (pour les parties développement et production). A moins que des demandes coordonnées avec des clients à l’export du Rafale (notamment en provenance d’Inde et des Émirats Arabes Unis) permettent de partager la facture globale (avec ou sans intégration de partenaires locaux).

Au final de quoi répondre aux besoins en motorisation pour les différents projets de systèmes de drones, notamment autonomes, qui se multiplient pour mener des opérations en collaboration avec des plateformes habitées. Une des obligations, au-delà des performances propres, étant de rester dans des coûts permettant d'atteindre "une masse abordable" pour ces drones équipiers / effecteurs déportés: la motorisation étant un des centres de coûts importants, avec le système nerveux du système de systèmes. D'où notamment la modularité au sein d'une famille de moteurs, en plus d'efforts sur la partie industrialisation de ces produits pour rester dans des coûts maîtrisés.

Cela permettra d'apporter des possibles réponses à la question assez centrale en voyant les différents projets à TRL bas  (avec visuels ou maquettes) émerger dans le domaine : mais qui motorisera ? 

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