mardi 5 novembre 2024

Euronaval 2024 - A321 version MPA - Le futur de la patrouille maritime pour la Marine Nationale et à l'export ?


A l’occasion du salon Euronaval 2024, Airbus Defense & Space a présenté sa solution A321 en version Maritime Patrol Aircraft (MPA) / Patrouille Maritime (PATMAR). Une première maquette avec des marquages Marine nationale a été présentée, alors que la décision portant sur le futur des actuels appareils ATL-2 de la Marine nationale est imminente (potentiellement une question de jours).

La solution, en cours de finalisation de définition, d'A321 MPA est marquée par quelques grandes caractéristiques, concourant à "l'autonomie d'engagement" recherchée pour une telle capacité.


Une plateforme bien connue de son constructeur, avec un rythme de 75 A320 et dérivés produits par mois par l'avionneur civil, plus modulaire que l'A319 (version allongée) prévu initialement, et déjà mature et exploitée par plusieurs compagnies aériennes. Les futurs utilisateurs peuvent donc s'appuyer sur le réseau mondial de points de service des compagnies aériennes de part le monde déjà utilisatrices (plus de 100 ateliers), avec des cycles de maintenance connus (donc en grande partie anticipables, en délais et en coûts), pour l'appareil comme pour la motorisation (qui, bien que non choisie encore, devrait être fournie par le motoriste français Safran).

Une large soute ajoutée en dessous des ailes à la queue arrière, permettant d'embarquer un large spectre d'armement : torpilles, bombes guidées de type GBU (Guided Bomb Unit)et même futur successeur du missile de croisière naval MDCN / SCALP naval de MBDA (le FMAN/FMC pour futur missile anti-navire / futur missile de croisière, développé en franco-britannique). une soute vaste (aux caractéristiques non préçisées) qui ne nécessite pas d'ouvrir des points d'emport sous les ailes, une solution dégradant les profils de vol, et ouvrant des problématiques complexes d'intégration et de qualification.

Un large fuselage permettant d'intégrer la partie mission avec les consoles (au nombre encore à préciser selon les besoins des clients), les capacités de traitement des données senseurs/capteurs (avec algorithmes d'intelligence artificielle, capacités de calcul élargies...), une zone vie pour l'équipage (kitchenette/couchettes pour les longues missions et les phases de transit), une soute à bagages accessible, avec une porte cargo, sous le plancher pour loger des palettes (de l'ordre de 3 à 5) de fret (bagages, pièces détachées, ravitaillement...) lors de détachements de l'appareil par des plots relativement autonomes (les mécaniciens de l'appareil pouvant embarquer en plus de l'équipage), et le tout, avec de la réserve de place pour de la modularité/évolution incrémentale.


Une suite de missions (sans doute en grande partie Thales et Safran, cela restant à préçiser) pour détecter, identifier, suivre, et éventuellement détruire les pistes (sur, sous et à la surface de l'eau), intégrable sur le fuselage, en s'appuyant sur l'expertise d'intégration d'Airbus Defense & Space d'appareils militaires notamment de la famille Casa (plus de 50 versions produites) et de modification d'appareils civils comme les ravitailleurs MRTT. LA suite (encore à préçiser avec les clients) devrait comprendre une boule optronique à l'avant, des systèmes de communication (VHF, UHF, SATCOM...), des radars à panneaux fixes (devant et sur les côtés à l'arrière), un détecteur d'anomalies magnétiques (type MAD) à l'arrière, etc.

Via le contrat d'architecture de 18 mois d'études attribué début 2023 par la Direction Générale de l'armement (DGA) à Airbus Defense & Space (ainsi qu'à Dassault Aviation pour préciser une solution avec une plateforme centrée sur le Falcon 10X), l'avionneur a pu avancer dans la pré définition des spécifications, et proposer différentes solutions (nombre de consoles, positionnement de capteurs/senseurs, mode de maintenance...). Cela a aussi été l’occasion de vérifier (en partie sur fonds propres, en partie avec les fonds des études) les sujets de profils de vol (notamment lent et bas), d'intégration de capteurs (intégration et éventuelles interférences du MAD proche de l'Auxiliary Power Unit (APU), et de sa masse métallique, à l'arrière, par exemple), etc.


Sur le renouvellement de la flotte d'actuels appareils ATL-2 de la Marine nationale, la réponse serait imminente (pour ne pas dire dans les prochains jours) dans le choix entre les deux solutions (la Marine et la DGA semblant avoir déjà donné leurs réponses, au ministère des Armées de se prononcer). Il s'agira ensuite de préparer la notification du contrat d'après : environ 18 mois d'études pour affiner la solution (en lien avec les utilisateurs), avant le lancement en production des appareils post passage de la commande d'une flotte d'appareils, au nombre d'ailleurs encore non précisé. Et cela en parallèle des éventuelles opportunités à l'export d'une plateforme moderne, mature et grandement modulable. A suivre

lundi 4 novembre 2024

Publication - "Couach et la dronisation navale - Oser pour se faire reconnaître comme un acteur crédible" (Deftech)

Deftech, la revue des innovations technologiques pour l'armement et de la sécurité, sort un 11è numéro au au prisme très naval à l’occasion du salon Euronaval 2024. J'y publie un article sur l'intérêt pour un industriel de la démarche exploratoire des démonstrateurs technologiques, ici dans la cadre de la dronisation navale, thématique relativement centrale dans cette édition de l'événement.

Pour répondre aux évolutions des besoins de ses clients, et ainsi garantir la pérennité de sa raison d’être, un chantier naval ne peut ignorer les évolutions technologiques. Encore faut-il choisir avec justesse ses axes d’efforts.

Répondre à l’inéluctable dronisation navale qui vient
Le milieu maritime n’est pas plus épargné que les autres milieux par la multiplication d’engins, sans présence humaine à bord, ayant des degrés variables d’autonomie de pilotage et de supervision, depuis un navire-mère ou depuis la terre (et demain potentiellement depuis les airs). Et cela dans les différents domaines de lutte du combat naval : sous la surface et en surface, voir même très au-dessus de la surface.
Si les utilisateurs finaux (marines de haute mer ou côtière, garde-côtes et autres agences de sécurité) sont aujourd’hui à des stades plus ou moins avancés d’appropriation de ces technologies, avec des expérimentations qui s’accélèrent et des utilisations opérationnelles de plus en répandues et complexes, il est nécessaire pour un acteur industriel d’être en mesure de s’adapter rapidement aux demandes, voire de les anticiper. Il lui faut a minima ne pas être l’élément retardateur de l’adoption de ces nouvelles technologies aux apports intéressants, soit être prêt au moment où la maturité technologique permet d’espérer la maturité capacitaire.
Ainsi, et en allant au-delà de certaines grandes incantations sur le souhaitable, la réalité industrielle de tous acteurs fait que des choix doivent être faits, des priorités décidées, et donc un positionnement stratégique défini par des dirigeants. Cela est notamment le cas dans des périodes de transition, où « l’ancien monde » de certaines pratiques ne se meurt pas encore ou totalement, et où le « nouveau monde » peine à émerger, alors même que sans doute les deux auront tendance à cohabiter longtemps.
De l’intérêt d’un démonstrateur
Concernant la dronisation, le chantier naval Couach, situé à Gujan-Mestras (en Gironde), est depuis plus de deux ans dans ce clair-obscur, en s’appuyant sur ses compétences propres et ses atouts. Il ne s’agit pas pour le chantier de chercher à tout faire dans le domaine, mais il s’agit de déjà bien comprendre et maîtriser avant de pouvoir proposer, en certains points de la chaine de valeur, ce qui est le plus à même d’être un vrai différenciant par rapport à une concurrence qui ne manque pas. En effet, l’écosystème industriel français de la dronisation est aujourd’hui florissant avec des acteurs de taille variable, maîtrisant tout ou partie des technologies nécessaires. Le salon Euronaval ne manquera pas montrer les avancées connues dans le domaine en quelques années.
A poursuivre dans la revue, trouvable en kiosque et sur Euronaval...

lundi 21 octobre 2024

France - L’indispensable remontée en puissance du Génie

Appui au contact, franchissement, contre-minage… Autant de capacités clés pour être prêt "dès ce soir", mais qui, manquant encore singulièrement d’épaisseur dans l’armée de Terre, méritent une nette densification. Alors que l’arme du Génie fait face à 6 ruptures temporaires de capacités - les bien connues "RTC", avec des équipements devenus échantillonnaires dans plusieurs domaines, plusieurs grands axes d’efforts font désormais l’objet d’une attention particulière pour retrouver solidité et crédibilité dans ce volet indispensable du combat terrestre. Ce mouvement s’accompagne d’un durcissement des capacités de chaque régiment du Génie sur tout le spectre de ses savoir-faire, afin de maximiser l’appui apporté en autonome à sa brigade interarmes (BIA), dans la perspective d’un engagement de haute intensité. Ce durcissement est en outre amplifié par le recours systématique à des procédés et capacités innovants, inspirés par l’observation des conflits actuels. L’exemple le plus frappant est naturellement l’usage des drones. Les sapeurs mettent ainsi en œuvre leurs systèmes à chaque opportunité, tant aucune manœuvre ne se conçoit plus sans cet appui crucial.

D’ici 2030, une capacité d’appui au contact, clé de l’aménagement du champ de bataille 

Le maintien en service de l’engin blindé du génie (EBG) - véhicule à chenilles sur base d’AMX-30B2 entré en service en 1988 pour les missions d’appui à la mobilité et de contre-mobilité - est un défi quotidien. Son maintien jusqu’en 2030 va exiger des efforts significatifs, et c’est la raison pour laquelle la livraison dès 2029 des 5 à 6 blindés têtes de série de son successeur, l’Engin du Génie de Combat (EGC), ex-Moyen d'appui au combat (MAC), est indispensable pour ne pas compliquer encore un tuilage déjà critique.


Un travail significatif de simplification des spécifications a été réalisé pour parvenir à un engin qui roule, qui aménage le terrain et qui est protégé, soit un engin moins complexe mais pas moins performant. L’EGC doit être capable de tirer, creuser, pousser et d’évacuer la terre, tout en étant capable d’assurer son autoprotection, avec un tourelleau téléopéré. L’EGC dispose également de réserves de masse et de puissance conséquentes qui permettront d’ajouter de nouveaux outils, évitant ainsi d’avoir à fiabiliser dès le début un complexe "tout-en-un". Les choix faits en termes de vitesse et de mobilité (roues), sans impasse sur la capacité d’emménagement et de protection, feront de l’EGC le moyen apte à garantir le rythme de la manœuvre interarmes d’un GTIA Scorpion. L’étude de diverses solutions à base de militarisation d’engins civils n’a pas donné satisfaction. En particulier, certaines limites de mobilité et de vitesse de travail (comme pour les imposants bulldozers D7 et consorts, qui doivent être déployés directement à proximité des zones de travail) ont conduit à rechercher un compromis différent.

samedi 5 octobre 2024

Lecture - "Aux avant-postes. De l’Afghanistan aux portes de l’Europe. Récits de la cavalerie blindée" (collectif)

Comment expliquer à des enfants ce que leurs pères ou leurs mères ont fait ? Comment faire pour que des proches comprennent mieux ces longues périodes d'absence ? De retour d’une cérémonie militaire marquant les 10 ans d’un mandat hivernal d’une unité blindée de chasseurs-alpins en Afghanistan, où se retrouvent un grand nombre d’anciens et leurs familles éparpillés aux quatre coins de la France, ces questions se bousculent dans la tête du lieutenant-colonel Guillaume Leuenberger. Apparait alors pour lui "un devoir de raconter, pour ceux qui ne le feront pas". Rendre un peu service à ceux qui ont servi, qui ont fait et bien fait ce qui leur avait été demandé. Aider à faire comprendre.
 
 
Si la grande idée de ce qui deviendra "Aux avant-postes" (chez Tallandier) est là, il a fallu convaincre les connaissances et les connaissances de connaissances, persuadées de n’avoir fait rien de plus que ce qu’ils devaient faire, donc de n’avoir pas forcément grand-chose à raconter. Et construire sur deux ans une trame cohérente en puisant dans les souvenirs enfouis dans la mémoire et les notes griffonnées par certains sur des carnets non ré ouverts depuis un moment, pour y chercher les faits et les émotions vécues. Le tout en les couchant par écrit avec des mots simples.

Il s'agit de suivre ceux qui sont allés des vallées afghanes avec leurs maisons fortifiées en terre,s mystérieuses, aux plaines roumaines non loin de l'orage des combats qui gronde aux frontières de l'Europe, en passant par les étendues désertiques sahéliennes, un des nouveaux "Désert des Tartares" connu par plusieurs depuis ces forts isolés au milieu des dunes. Ré-emprunter les grandes avenues abidjanaises tourmentées par les agitations politiques, suivre les pistes jusqu’aux villages reculés centrafricains, les chemins caillouteux qui traversent les villages électriques du Sud-Liban ou encore s’enfoncer dans les profondes forêts lituaniennes enneigées. Tous ces déploiements, très différents, montrant par eux-mêmes l’évolution et la diversité des conflits, qui ont constitué les dix dernières années de la cavalerie blindée française, faites de patrouilles, d’escortes, de gardes nocturnes, de combats... En plongeant au niveau des programmations qui changent du jour au lendemain, des départs au coup de sifflet, des successions imprévisibles de moments intenses et d’autres totalement banaux, des odeurs de moteurs et de poudre, des bruits métalliques des montures motorisées, des radios qui grésillent et des ordres lancés pour indiquer le grand départ et ceux qui claquent lors de l’embuscade ou que l’ennemi se dévoile.

mercredi 25 septembre 2024

SouvTech Invest - Les premières campagnes de financement participatif de projets de souveraineté sont pour très bientôt

Lancée le 18 juin pour participer au financement de l’innovation de défense, la plateforme participative SouvTech Invest rentre dans le cœur du sujet avec le lancement des premières campagnes d’ici quelques jours.

Cette initiative privée permet de tester en réel les intuitions couramment admises sur le fait qu’une épargne privée pourrait être mobilisée pour soutenir des projets souverains DefTech, en aidant des levées de fonds via un apport complémentaire à ceux d'autres véhicules d'investissement. Une forme d’expérimentation sans attendre certains projets, longs, autour du fléchage du Livret A, d’autres propositions législatives ayant des vies plus tortueuses, ou des projets farfelus annoncés avec forte publicité mais jamais concrétisés...
 

Il s’agit de répondre concrètement à la frilosité de certaines institutions bancaires et au manque de fonds disponibles en France sur ses sujets, avec des rares acteurs de l'equity engagés sur ses sujets. CEla s'opère en complément d’autres propositions proposant des investissements avec des tickets d’entrée bien plus élevés de l’ordre de 5 ou 10.000€ pour les business angels traditionnels, plus concentrés sur les phases d’amorçage et rentrant dans un cadre plus complexe (via un pacte d’actionnariat, avec des opérations lourdes de sortie…).

Pour cela, les fondateurs, dont Pierre Elie Frossard, de Vauban Finance (spécialistes en structuration financière, crédits export, montage d’offsets…), s’appuient sur le réseau déjà existant et actif des Entrepreteurs. Il réunit plus de 25.000 investisseurs et a à son actif environ 150 Mn€ levés ou en cours de levées, tout en ayant déjà l'agrément de l'Autorité des Marchés Financiers - AMF. Les fonds receuillis lors des camapgnes permettront de financer la dette (12 mois à 5 ans) ou les fonds propres des projets proposés et validés. Le public visé est ceux disposés à favoriser un financement "par le bas", avec des actionnaires bienveillants, plutôt prêts à être dormants, connaissant ou cherchant à s’approprier le secteur de la défense.

mercredi 11 septembre 2024

Conférence - Préparer la BITD au conflit de haute-intensité (Eurosatory 2024)

Où en sommes-nous sur « la préparation à l’économie de guerre », formulation plus juste que celle de "entrée en économie de guerre" stricto sensu, plus industrielle, plus représentative de la situation vécue depuis les aiguillons successifs du Covid-19 ou du discours du Président de la République prononcé le 13 juin 2022 ? 

Que reste-t-il encore à faire pour pouvoir répondre à ce « contexte inédit », notamment marqué par “les conflits de haute intensité”, déclinaison militaire de la compétition stratégique, où déjà des premiers pas ont été faits et ou d’autres ont besoin d’être faits pour faire encore plus, encore plus vite, et, autant que possible, moins cher ?

Une haute intensité marquée par des échelles peu connues de durée, de distance, de volume d’hommes et de matériels nécessaires, de gamme de technologies employées, etc. Si c’est la déclinaison militaire de la compétition, elle intégré donc un volet capacitaire, donc touche directement à l’outil chargé de développer, produire et soutenir ces capacités, la base industrielle et technologique de défense.

Lors d’une table ronde que j’ai eu le plaisir de modérer lors du dernier salon Eurosatory en juin 2024, quatre intervenants issus à la fois de l’administration et de la BITD, dans toute sa diversité faite de grandes et petites entreprises, ont bien voulu vernir en discuter. L’organisation du salon a mis récemment en ligne la vidéo de la conférence pour pouvoir la découvrir. Avec de nombreuses autres.

  • L’Ingénieur général de l’armement (IGA) Olivier LECOINTE, chef du service des orientations industrielles à la Direction de l’Industrie de Défense (DID) de la Direction Générale de l’Armement (DGA).
  • Bruno BERTHET, Président exécutif de la société ARESIA, ETI française duale active principalement dans les équipements aéronautiques, qui participe depuis 5 ans à la consolidation de la filière via des opérations de croissance externe.
  • Rémi LE TENIER, responsable des affaires publiques et chargé de mission auprès du vice-président d’Aubert & Duval, société de métallurgie française produisant différents produits en alliage de haute performance.
  • Alexandre LABESSE, PDG d’HEXADRONE, société allant de la production de moutons à 5 pattes, dronisés, à des produits industrialisés de petite et moyenne série, en passant par la distribution de références pour ces usages.

Sans reprendre tous les propos des intervenants, quelques points à noter.

mercredi 26 juin 2024

Souveraineté - Vers la production par LN Innov d'un 1er moteur électrique français pour drones

Développer et produire en France un moteur électrique pour les drones à décollage et atterrissage verticaux (ou eVTOL) de moins de 150 kg : tel est le défi que se sont lancés deux entrepreneurs, Nathalie Mazeau et Laurent Desfourneaux, il y a quelques mois avec le moteur VF65. Les applications militaires sont assez évidentes, parmi d'autres, et d’ores et déjà des avancées significatives ont été obtenues.


Aujourd’hui, passer la barre des 80 à 90% des pièces d’un drone en provenance de France est quasi mission impossible, notamment pour la partie motorisation, servocommandes, contrôleurs, etc. Quand l’un des principaux producteurs mondiaux de moteurs de drones électriques se retrouve du jour au lendemain sous sanction de la part des Départements américains du Commerce, de la Défense et de l’Énergie, les choses se complexifient encore plus. C’est ce qui est arrivé il y a quelques semaines avec Jiangxi Xintuo Enterprise Co. Ltd. (connu sous le nom commercial de T-Motor), société chinoise mise dans l’Entity List des Export Administration Regulations (EAR), suite à des exportations avérées de pièces à des forces armées en Russie et en Biélorussie. Les drones basés sur du matériel T-Motor ne sont donc plus autorisés aux États-Unis, et par effet rebond, pourraient se voir interdits ailleurs (via extraterritorialité ou mimétisme). Le développement d'une solution souveraine par LN Innov n'en est donc que plus pertinente.

samedi 22 juin 2024

Eurosatory 2024 en quelques mots

Si il fallait résumer à grands traits et en quelques lignes le salon Eurosatory 2024 ?

- Le retour de tonnes et de tonnes d'acier ou d'aluminium : il faut du lourd (voire du super-lourd... ), en grande partie avec de la chenille, moyennement frugal et avec des sujets de soutenabilité et déployabilité, tout en étant équipé avec des calibres supérieurs à ce qui était commun pour l'armement principal comme pour la multiplication d'armements secondaires (en coaxial et autres).


- Le duel épée / bouclier dans le domaine de l'aérien vs. l'anti-aérien bat son plein : l'anti-aérien et l'anti-drones prennent de la place en systèmes dédiés ou en systèmes ajoutés à d'autres, et il faut qu'il soit adapté au rythme du combat (surtout pour la partie mobile d'accompagnement et uniquement en fixe).

- Des drones et des robots partout, mais genre vraiment partout. Avec une explosion des solutions et avec une marsupialisation généralisée de systèmes porteurs et de systèmes liés, avec des questions fortes de connectivité et de taille des tuyaux pour les liaisons de données et le traitement.
 
- Une gamme de robots qui se structure autour de quelques grands types qui se généralisent (- de 100 kg, 500 kg, 2T, 5T et au-dessus), finalement un peu comme la structuration qui a déjà eu lieu pour la gamme de drones (plus aboutie) autour des drones de contact, minidrones, tactiques, etc.
 

jeudi 20 juin 2024

Parution - "Industrie de défense et industries civiles : réalité de la dualité et besoins" (revue DefTech n°9 - 2024)

La revue DefTech (Areion Group) sort un nouveau numéro à l'occasion du salon Eurosatory, avec, évidemment un focus sur les sujets terrestres, et le maintien de son tropismle sur les enjeux industriels et d'innovation.

J'y publie un article sur le sujet de la dualité des industries civiles et de défense, très interconnectées, et dont l'effort collectif de rapprochement dès les phases de contestation et de confrontation ne sera que bénéfique en cas de phase d'affrontement...

Le réemploi pour un usage militaire de technologies issues du civil est courant. Que cela soit après des efforts de détournement, d’adaptation plus ou moins importante notamment pour d’évidentes raisons de contraintes d’usage bien différentes, qu’elles soient physiques ou cyber, d’intégration ou de combinaison. Il est ainsi aujourd’hui commun de voir telle innovation civile nourrir tel système utilisé dans les forces armées. Et c’est une lapalissade de dire que les bases industrielles, fondamentalement très diverses, du monde civil et du monde militaire, sont particulièrement interconnectées.

La militarisation de systèmes issus du civil n’est pas sans coût, quand bien même les coûts globaux (coûts globaux initiaux + coûts spécifiques de militarisation) pourraient être finalement avantageux, notamment du fait des effets de séries. Dans le secteur terrestre concerné par cette édition du salon mondial de la défense et de la sécurité Eurosatory 2024, la recherche du partage des coûts de développement et de production par effets d’échelle, entre des grandes séries plutôt civiles et des petites ou moyennes séries plutôt militaires, est ainsi un axe d’effort usuel, bien que parfois peu évident du fait des customisations importantes nécessaires.
La suite dans le numéro.

lundi 17 juin 2024

Etendard et la mobilité terrestre de défense - Le Covid a eu parfois du bon...

... quand parfois il faut fortement rebondir. Avec 3 produits à différents stades de développement sous la marque Etendard, et mis dans les mains de possibles utilisateurs finaux, la société n'a pas traîné.

La crise du Covid a été un choc pour la société MCE - 5 Development alors que son principal, et quasi unique projet industriel était à l'époque avec un motoriste chinois Dongfeng. Il s’est arrêté du jour au lendemain et la société était alors à deux doigts de mettre la clé sous la porte. Misant sur les capacités d'ingénierie appliquées à la motorisation à très haut rendement et la propulsion hybride, la société pivote alors vers le haut de gamme dans le secteur du sport automobile, notamment pour le rallye raid. Un premier prototype maison tape rapidement dans l’œil d’une célèbre marque au taureau rouge, dont les pilotes professionnels sont rapidement conquis. Les victoires s’enchainent sur certains événements, dont le Paris-Dakar dans la catégorie Challenger (avec le T3MAX). Aujourd’hui, une vingtaine de voitures conçues par la société française située non loin de Lyon tourne sur différents circuits internationaux.
 

Mais l’intérêt pour le secteur de la défense de quelques cadres de la société n’était pas pleinement comblé par cette activité très civile. De discussions en discussions avec des forces spéciales ou spécialisées, en France ou à l’étranger (comme au Canada), une idée murit de développer une gamme de véhicules pensée pour ces usages relativement particuliers. Les besoins sont alors là, alors que les opérations menées au Sahel demandaient foudroyance et mobilité, le tout dans des conditions complexes. De ces réflexions conjointes avec les forces nait une gamme de produits : un buggy tactique, Furie, en cours de développement, un vecteur trial électrique à deux roues motrices, Spectre, dont les dernières demandes de modifications sont quasi finalisées pour atteindre une version finale, et une moto enduro tactique, Foudre, aujourd’hui déjà disponible.

dimanche 16 juin 2024

UNAC - Du succès du fardier à de futures pages à écrire dans le secteur de la défense

Pour la société UNAC, située dans le Sud de la France non loin de Montpellier, la notification en 2017 du marché fardier + remorque représente une étape importante de son développement dans le secteur de la défense. Cela n’est néanmoins pas une première puisque, depuis 2005, la société était déjà impliquée notamment dans le programme EGAME (Engin du Génie d'AMÉnagement) ou TNA (Tracto-niveleur aérolargable) pour l’arme du Génie. 
 

Crédits : FSV / MA

L’idée de base était de fournir un véhicule aérolargable capable de soutenir rapidement les troupes aéroportées dès qu’elles sont mises en place au sol, et d’assurer des missions de transport logistique, de tracteur de pièces de mortier de 120 mm, d’évacuation médicale d’urgence, de poste de commandement tactique projeté, de reconnaissance légère, etc. Donc avec une bonne capacité de franchissement tout en transportant une importante charge utile.

Un programme d’essais et d’évaluations, considéré comme très intégré avec les forces, débute à partir de 2020. Les qualifications se font étape par étape : le fardier seul en 2002 (dont lors de campagnes de largages où tous les parachutes ne se sont pas ouverts, mais où le fardier est ressorti opérationnel après la chute un peu rapide…), puis le fardier avec son attelage, puis le soutien. Aujourd’hui, il ne reste en suspens que la qualification du transport sous élingue nécessitant une disponibilité de tous les acteurs impliqués (forces comme industriels).

mardi 11 juin 2024

EOS Technologie / Turgis & Gaillard - Modularité et complémentarité pour faire différent

Proposer de réelles solutions différenciantes via la complémentarité et la modularité des briques technologiques, pour ne pas juste chercher à rattraper le retard par rapport à la concurrence, mais bien proposer autre chose. Plusieurs sociétés françaises de drones cherchent à atteindre ce but, en s’appuyant sur leur forte agilité (moins de 4 mois entre une feuille blanche et le premier vol d’un démonstrateur), tout en s’associant ou en s’adossant à des sociétés plus établies pouvant leur garantir une certaine assise industrielle, en production comme en approche système.


Des études sont ainsi actuellement menées par Turgis & Gaillard et EOS Technologie quant à l’emport sur le drone type moyenne altitude longue élongation (MALE) Aarok du premier des deux industriels, de plusieurs drones de renseignement (principalement pour le renseignement d’origine image et d’origine électromagnétique) ou de munitions téléopérées (MTO) du second.

lundi 10 juin 2024

Seawolf par Couach - Résurrection industrielle d’une offre française d’embarcations pour le combat fluvial et côtier

Il y a quasi un an le chantier naval Couach faisait l’acquisition des actifs permettant de relancer la production des embarcations de combat fluvial et côtier Seawolf. Peu de temps après la finalisation de l’opération avec les détenteurs des brevets et droits de propriété intellectuelle, les dirigeants du chantier situé à Gujan-Mestras prenaient la décision de relancer, sur fonds propres, la production d’un nouvel exemplaire. Le premier Seawolf "fabriqué par Couach" est tout juste démoulé, assemblé et équipé pour être présenté lors du salon Eurosatory qui aura lieu dans quelques jours. Une vraie résurrection industrielle pour un projet présenté ici il y a quelques années et dont l’origine remonte plutôt aux côtes bretonnes.


EFCs (au 1er plan) et frégate Hermione à l'embouchure de l'Adour
Crédits : Lutxo.64

Des marques d’intérêt pour une telle embarcation de "vive force" ont déjà été reçues de la part de clients à l'export. Nul doute que d’autres ne manqueront pas d’être reçues prochainement, vus les besoins pour un tel outil de combat : des berges de l’Euphrate à celles du Dniepr ou du Danube, en passant par le Niger, certaines lagunes, mangroves, embouchures et autres fleuves ou rivières. Les premiers essais à la mer dans le bassin d’Arcachon sont prévus peu de temps après le retour de l’exemplaire d’Eurosatory, permettant de pleinement finaliser et valider cette nouvelle version, alors disponible sur étagère pour des besoins français ou à l’étranger.

mercredi 29 mai 2024

"Drone Warfare" par Thales - Une approche collaborative pour le combat collaboratif avec et par les drones

Travailler ensemble, de manière ad hoc, pour garantir le développement de drones de contact (moins de 150 kg) intégrant le meilleur de différentes entités qui aujourd’hui foisonnent en France. Évidence sur le papier, cela ne l’est pas forcément dans les faits, du fait même d’un éclatement de la filière française des drones, et d’une maturité encore relative du marché (côté offre comme côté demande). Mais c’est le pari que tente Thales et un ensemble de partenaires, PME et start-ups, via l’initiative Drone Warfare. L’évolution rapide du besoin demande une forte agilité en développement et en introduction des solutions au sein des forces, le but ultime, en lien avec les autres systèmes utilisés dans la bulle aéroterrestre.
 
 
Cet écosystème regroupe différents plateformistes ou équipementiers, ayant des briques d’intérêts : détecteurs infrarouges miniaturisés de Lynred, boules optroniques légères gyrostabilisées de Merio, interfaces standardisées d’Hexadrone… Avec l’appui de Thales, systèmier-intégrateur, sur d’autres points forts : liaisons de données stables et sécurisées, intégration de l’IA embarquée via cortAIx, etc. Quelques focus permettent de mieux comprendre l’intérêt d’une telle démarche, avec des avantages attendus allant au-delà des seuls aspects liés aux drones. 

mercredi 22 mai 2024

Lecture - "Pilote de drone", par Pierre-Yves Le Viavant

La technologie et l’usage des drones évoluent, les histoires d’hommes les utilisant resteront lorsqu’elles sont écrites, surtout quand cette mise à l'écrit est servie par une belle plume. Les mandats des groupements tactiques français Hermes, Allobroges, Bison, Richelieu et autres se sont suivis avec "ces anges gardiens" au-dessus de leurs têtes, les vallées afghanes, hier aux noms un peu évocateurs de Tagab, Alasai, Bedraou, ou Uzbeen, aujourd'hui oubliées, sont restées hermétiques à toute présence étrangère dans le temps, quel que soit l’apport de ces machines volantes, devenues le temps de quelques mois quasi des créatures bien vivantes pour ceux qui les servaient.
 
 
Sans le moindre doute l’entièreté du récit "Pilote de drone" (aux Belles Lettres) mérite d’être lu, mais il sera possible de se nourrir tout particulièrement de certains chapitres de cet ouvrage ou de réflexions transverses chargées d'humanité déroulées au fil des pages. Pierre-Yves Le Viavant, capitaine au moment des faits et jusqu’à peu chef de corps du régiment des drones de l’armée de Terre, les Diables Noirs du 61ème régiment d’Artillerie, nous plonge dans ces mois d’opérations comme chef de la section SDTI (système de drone tactique intérimaire) déployée sur une base au Nord-Est de la capitale afghane, à Tora, entre fin 2010 et début 2011.

Il sera frappant de saisir tout au long des pages la description qui est faite par l’auteur de ces drones, et sur la prise de recul bien consciente de l’auteur sur cette relation avec "l’animal" ou "l’oiseau", qui n’est pas juste "une machine complexe et capricieuse". Le lien existant avec ces drones, présentés comme dotés de leurs caractères propres, est finalement bien plus qu’un simple lien via des flux de communications ou par les cinq sens. "Les drones ne sont que des outils. Une singulière transformation mentale se produit. Les aéronefs prennent vie. Maitres théoriques de la technique, nous devenons ses esclaves", écrit l’auteur avec un rare recul sur ces mois intenses passés au contact de ces drones, n'empêchant jamais un quelconque détachement froid, ou une désensibilisation, par rapport aux actions menées, comme bien des lignes le prouvent tout au long du livre.