Je lisais un des ouvrages de Gaston Bouthoul intitulé : Phénomène guerre moins connu que son célèbre Traité de polémologie. Sociologue du 20ème siècle, il développe la polémologie ou science de la guerre qui est l’étude scientifique et positive des phénomènes d’agressivité collectifs comme des faits sociaux. Tout ceci dans une approche pacifiste au nom d’une nouvelle maxime : « Si tu veux la Paix, connais la Guerre ». Quelques idées méritent qu'on s'y attarde.
« C’est presque toujours par la guerre que s’établissent les primautés qui mettent pour un temps plus ou moins long un certain type de société à la tête de l’humanité. […] D’autre part, la guerre est en même temps le principal des facteurs de cette imitation collective qui joue un si grand rôle dans les transformations sociales ».
C’est une des grands caractéristiques de la guerre que d’être (par facilité ou/et par réalité), considérée comme une rupture, un tournant ou le début d’une ère nouvelle tout au long de l’Histoire de l’humanité. C’est aussi un fait d’importance au sein de la sociologie dynamique pour ce qui concerne le développement et la diffusion de procédés, d’idées ou de découvertes (que bien souvent le perdant prend sur le vainqueur par mimétisme). On peut pousser plus loin en ajoutant que la guerre est un accélérateur pour la recherche et l’innovation avec des productions non exclusivement destinées à des fins militaires.
« La présence des armes ne suffit pas si les hommes qui les possèdent ne sont pas animés par une impulsion belliqueuse ».
Après avoir défini la guerre comme le résultat d’une accumulation de sentiments belliqueux, il propose dans le cadre si chère à l’époque d’une histoire cyclique, un parallèle entre les variations démographiques et la hausse ou la baisse des hostilités qui naissent pour lui de ce trop plein d’hommes (et la Russie aujourd’hui avec ses pertes démographiques d’importance qui n’empêche pas, pour le moment, sa politique de restauration de la grandeur passée qui passe par des phases d’affrontement ?). A la suite des combats, il y a alors « une relaxation démographique » qui calme les instincts belliqueux. L’Histoire récente ne le poussant pas au pessimisme avec une reprise démographique rapide au lendemain des deux conflits mondiaux : « La paix n’apporte plus la paix. Notre seul rempart n’est que psychologique par la mémoire de ceux qui ont vécu la guerre».
Il est pleinement lors de son analyse historique dans la conception d’un modèle catastrophique pour l’évolution de la guerre (que les trente dernières années ont un peu attenué d’ailleurs) en commençant dans un passé très lointain jusqu’à son époque où l’évolution des pertes humaines ressemblent à une courbe exponentielle. Après les rixes et les escarmouches primitives, les affrontements mondiaux sont qu’une étape avant celle, apocalyptique avec l’apparition de l’arme nucléaire, qu’il prédit vers 1970-1975. Avec une approche démographique quasi exclusive illustrée par les outils statistiques très à la mode, différentes lois sont énoncées comme celle annonçant qu’au moins de façon temporaire la guerre augmente le taux de mortalité.
Bouthoul résume en une maxime issue de la pensée de Bergson en 1936 « Laissez Vénus (déesse de l’Amour) et vous aurez Mars (dieu de la Guerre) ». Ce qui est nécessaire comme élément d’analyse mais pas suffisant. La politique ne détient pas tous les outils pour prendre en compte les volontés belliqueuses de ses sujets ou pour jongler avec la natalité. Il définit un secteur quartenaire qui est celui des activités destructrices (militaires, mais aussi ouvriers des arsenaux ou ingénieurs) en omettant les décideurs dont la parole engage tous ces moyens.
Sa deuxième approche plus courte est économique. La préparation économique de la guerre nécessite une mise de départ avec des stocks entassés (humains mais aussi matériels) pour définir des conjonctures préguerrières. Ses penchants marxistes apparaissant : « L’économie dirigée et le contrôle des monnaies permettent à la vie économique d’être la continuation de la guerre par d’autres moyens » avec la dénonciation du capitalisme comme système politique pour lui augmentant les causes d’affrontements armées que cela soit par des guerres de surabondance économique, de débouchés ou de pénuries. L’un des résultats de la guerre est alors la destruction des surplus de producteurs et des biens de produits ou consommés.
Les impulsions belliqueuses au centre de son l’analyse, ne seraient elles pas plus que d’être des simples volontés personnelles, la traduction de volontés plus globales issues des dirigeants ? L’antériorité et la subordination des uns par rapport aux autres étant alors bien souvent fort complexe (rarement comparable pour en tirer une loi) à définir en prenant en compte autant que l’on peut le faire la raison des gouvernants, la maniabilité des opinions, les politiques en inadéquation avec les moyens... Pour lui « Il semble que les facteurs économiques soient au service des impulsions belliqueuses ».
2 commentaires:
Ah! Gaston Bouthoul...
Je gardais ça dans un copin de mon esprit, et me disais qu'il falliat le lire....
Merci de ce CR qui nous rappelle cet auteur oublié. Tout n'est pas forcément mauvais, non?
Chez un auteur, jamais tout est mauvais... C'est juste sa "mono-causalité" qui je pense souffre le plus des avancées des dernières années. On ne décrypte pas tout soit par l'idéologie, soit par la démographie, soit par l'économie qu'il subordonne au final à la démographie...
Voulant faire une analyse globale simplement avec la démographie, il en oublie d'autres choses. Je crois de manière consensuelle que la vérité se trouve bien souvent dans un juste milieu entre différentes explications. Son analyse du trop plein démographique qui explique les tensions n'est pas mauvaise en soi, sauf que pour l'auteur, elle est exclusive.
A lire et à relire en tout cas, ce qui se fait sans grande difficulté. Vous avez sans doute vu que je suis encore en phase de construction de ma pensée et de réflexion et que donc tout n’est pas encore clair on va dire. En particulier qui est subordonné à qui, qui prime sur qui, ce qui me conduit à quelques fois m’emmêler un peu les pinceaux entre les trois niveaux de ce cher Carl par exemple.
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