Eléonore Charrié, étudiante en Master 1 de Relations Internationales de l'université Lyon 3, s'est intéressée à un pan méconnu de l'immédiat après Seconde Guerre mondiale : les activités d'une unité française de volontaires de la Croix-Rouge servant de conductrices-ambulancières pour rapatrier les militaires français détenus dans les camps de prisonniers d'Europe de l'Est.
Elle nous en dit plus sur ses travaux de recherches, qui donnent lieu du 8 au 10 mai à une exposition à la mairie de Fontenay-le-Fleury (Yvelines), avant d'être sans doute présentée ailleurs en France dans les mois à venir. Elle donnera également une conférence sur ce thème le samedi 16 mai (10h45), toujours à Fontenay-le-Fleury (cf. le programme).
1/ Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux conductrices-ambulancières de cet Escadron Bleu ?
Lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis à l'été 2012, je me suis présentée à l'Army Women's Museum, sur la base militaire de Fort Lee (Virginie), à la recherche d'une place en tant que "volonteer" pour l'été. La directrice du musée, le Dr Françoise Bonnell, m'a tout de suite mise dans la confidence : elle ambitionnait de préparer une série d'expositions consacrée aux femmes militaires dans différents pays du monde, sur la période post-Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Puisque j'étais au musée, nous commencerions par la France. J'ai donc appelé quelques personnes qui pourraient m'aiguiller dans mes recherches, à commencer par mon grand-père, général de l'armée de Terre à la retraite. Il m'a donné les coordonnées d'un ami de la famille, Hugues Watin-Aaugouard, un ami de la famille, dont la mère avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n'en savais pas plus à ce moment-là.
Lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis à l'été 2012, je me suis présentée à l'Army Women's Museum, sur la base militaire de Fort Lee (Virginie), à la recherche d'une place en tant que "volonteer" pour l'été. La directrice du musée, le Dr Françoise Bonnell, m'a tout de suite mise dans la confidence : elle ambitionnait de préparer une série d'expositions consacrée aux femmes militaires dans différents pays du monde, sur la période post-Seconde Guerre mondiale jusqu'à nos jours. Puisque j'étais au musée, nous commencerions par la France. J'ai donc appelé quelques personnes qui pourraient m'aiguiller dans mes recherches, à commencer par mon grand-père, général de l'armée de Terre à la retraite. Il m'a donné les coordonnées d'un ami de la famille, Hugues Watin-Aaugouard, un ami de la famille, dont la mère avait servi pendant la Seconde Guerre mondiale. Je n'en savais pas plus à ce moment-là.
En rentrant en contact avec lui, je me suis rendue compte que ces femmes n'étaient pas des militaires, mais des engagées volontaires de la Croix Rouge Française. J'ai tout de même demandé à en savoir plus. A l'été 2013, je m'étais entretenue plusieurs fois avec certains des enfants de ce fameux Escadron bleu et avait récupéré photos, journaux de bord, articles de journaux et lettres d'époque. En parallèle, je continuais mes recherches, plus générales, sur les femmes françaises militaires. Jusqu'à ce que le Dr Bonnell m'annonce, en juin, qu'elle abandonnait son idée de départ, et que nous ferions l'exposition sur l'Escadron Bleu. L'exposition a été mise en place pour la première fois début septembre 2013, et est restée au musée jusqu'en mars 2014.
2/ Après avoir étudié leur épopée, quels sont les traits de caractère qui vous ont le plus marqué chez ces femmes ?
Leur courage, bien sûr, devant l'ampleur de la tâche à accomplir. Leur inconscience aussi. La plupart étaient à peine majeures, et certaines se sont engagées sans l'avis de leur parents ! On a tendance à s'arrêter au 8 mai 1945, date de la capitulation de l'Allemagne et donc de la fin de la guerre en Europe. Mais les gouvernements européens, avec l'aide des Etats-Unis, ont débloqué des sommes faramineuses pour rapatrier les déportés et prisonniers de guerre qui étaient dans les camps. On comptait, en 1945, plus de vingt millions de déplacés, qu'il a fallu ramener sur leurs territoires nationaux respectifs. Là était la mission de l'Escadron bleu.
Mais je crois que ce qui m'a le plus frappé a été leur volonté de service, leur humilité devant le travail accompli. L'une disait "Je ne me suis pas engagée pour les distractions, mais pour Servir la France le mieux possible." Toutes ont trouvé cela "normal" en rétrospective, alors que leur action a été décisive, à l'instar du travail de centaines d'autres petites mains de la Croix Rouge. Ainsi, nous avons essayé, avec l'aide des enfants de l'Escadron bleu, de ne pas romancer la mission, de la rendre la plus accessible et compréhensible possible. Il faut que le public se rende compte que ces femmes n'étaient pas des exceptions, qu'elles ont fait partie d'un processus énorme de reconstruction de l'Europe après la guerre. Paradoxalement, c'est en cela qu'elles sont admirables : quelques unes parmi d'autres.
3/ Quelle place ont-elles réussi à gagner auprès des autres volontaires engagés dans ces opérations ?
Il ressort de leurs écrits qu'elles avaient de très bonnes relations avec le personnel sur les lieux des missions. Elles ont d'abord été basées dans l'Est de la France, puis en Pologne, à l'ambassade de France de Varsovie, avec qui elles communiquaient le plus possible pour avoir des informations quant à la localisation des Français à rapatrier. Elles ont été aidées d'un médecin-lieutenant féminine, le docteur Pauliac, qui a participé à beaucoup de missions, ainsi que de militaires français, le colonel Poix en particulier, chef de la mission militaire à Varsovie à l'époque. Elles étaient habillées et approvisionnées par la 7th Army américaine. Il semble que leur sexe n'ait pas été un frein à l'accomplissement de leur travail, comme on aurait pu le penser. Peut-être parce qu'elles travaillaient entre femmes.
Mais les règles étaient strictes. Leur chef, Violette Guillot, leur demandait la plus grande prudence. Les remarques osées de soldats de diverses nationalités étaient chose courante. Elles ont eu quelques frayeurs, notamment pendant les négociations pour récupérer les prisonniers en zone rouge (contrôlée par l'Armée soviétique), qui se faisaient avec force vodka et autres alcools forts.
4/ La mission de cet Escadron était donc bien de rapatrier indistinctement déportés (plutôt civils, j'imagine) et prisonniers de guerre (plutôt militaires à première vue) ?
Tout à fait. Sans distinction aucune, je dirai même dans la cacophonie générale (dans l'immédiat après-guerre surtout, à partir du moi de mai). Il leur arrivait même de rapatrier des étrangers, ou tout du moins de les transporter dans des structures françaises (l'hôpital français de Varsovie notamment), plus ou moins médicalisées pour qu'ils y soient soignés.
Les directives générales provenaient du ministère des prisonniers, déportés et réfugiés (leurs autorisation de voyage provenaient de ce ministère, par exemple). Sur le terrain, même principe : plus ou moins livrées à elles-mêmes. Elles ont reçu leur mission générale du colonel Poix. Les sorties au jour le jour étaient déterminées par les informations qu'elles recevaient de l'ambassade. Elles obtenaient l'aval de leur chef de section avant de partir (quand elle-même n'était pas partie en mission). Elles travaillaient en binôme : une infirmière, et une conductrice ambulancière ; une ambulance par binôme. Elles étaient onze en tout, en comptant la chef de section.
5/ Soixante-dix ans après, quelle mémoire est conservée de cette épopée en France ?
Très peu, si ce n'est aux archives de la Croix Rouge. D'où l'importance d'aller voir l'exposition ! Comme je l'ai évoqué, nous avons tendance à nous arrêter au jour de la capitulation allemande, et à oublier la période de reconstruction de l'Europe, qui s'est faite dans un contexte international très particulier d'ailleurs, ce qui a rendu l'action des engagés sur place (en zone rouge qui plus est) d'autant plus périlleuse : les tensions entre les Etats-Unis et la Russie commençaient à se faire sentir, préfigurant la Guerre froide.
Merci pour cet éclairage !
Crédits : collections privées (Photo 1 : à la frontière polono-tchèque. Photo 2 : carte d'identité de la Croix-Rouge française).
9 commentaires:
Merci pour ce témoignage.
j'ai un insigne de ce escadron bleu en métal. ou le donner? Isabelle LF
Ma mère Jacqueline Étéve recevait les déportés que ces filles courageuses à menaient à l'hôpital militaire de Varsovie. L'hôpital a ouvert le 8 juillet 45.J'ai de nombreux documents.
Ma mère était à Varsovie en juin 1945 et a fait partie de la Mission militaire de rapatriement. Elles recevaient les malades à l'hôpital militaire les déportés arrachés aux russes. Nous avons photos et documents.
JE peux vous mettre en contact avec Eléonore Charrié si vous le souhaitez !
Bonjour, Avez vous encore ces documents en votre possession ?
Cordialement, Mr Thierry
N'hésitez pas à m'envoyer une adresse mail, je peux vous mettre en contact avec la personne ayant étudier ce sujet, si vous le désirez.
Ma mère, faisait parti du groupe de l'escadron bleu en tant qu'infirmière. De ce quelle a pu me raconter et les documents qu'elle a laissé relatent bien les difficultés rencontrées, la ténacité et le courage devant lesquelles elles ont fait face. Elles ont toutes eu les mêmes parcours mais pas la même reconnaissance dans les différentes publications, c'est dommage.
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