lundi 28 juillet 2008

Sujet d'étude.



L’armée française qui dès le 2 Novembre 1954 commence à tenter de juguler les actions troublant l’ordre public en Algérie, n’est pas le même que celle qui à la fin de l’été 56 rentre dans une phase d’entrainement intense en prévision de l’opération amphibie et aéroportée prévue pour la reprise du canal de Suez nationalisé par le colonel Nasser le 26 juillet.

Il s’est opéré des changements, les militaires tentant de répondre par de nouveaux moyens et procédés à la problématique posée par le FLN, parti algérien de libération, et sa branche armée l’ALN, l’ennemi désigné. Il y a eu une adaptation des personnels (chefs et exécutants), des moyens et des ordres de l’Armée de Terre française, le sujet d’étude, principale fournisseuse des hommes employés (58 000 hommes à la fin de novembre 54 sur 80 000 pour les trois armées et 381 000 hommes sur un peu moins de 500 000 en août 56). Cela, sur le territoire algérien, espace stable et cohérent géographiquement sur toute la période d’étude comportant les trois ensembles d’Ouest en Est de l’Oranais, de l’Algérois et du Constantinois. Même si les découpages administratifs civil et militaire varient au cours de l’étude, les frontières de l’ensemble ne changent pas pour ce que l’on appelle la Xème Région Militaire (ou RM). La nuit du 1er Novembre 1954 marque pour tous le début de l’insurrection algérienne que certains voit poindre dès 1945 avec les révoltes de Sétif et Guelma. Le mois d’août 1956, en particulier le 20 août, est une période charnière pour la guerre d’Algérie. Suite à la réunion des principaux chefs de l’insurrection dans le massif montagneux de la Grande Kabylie au lieu dit de la Soummam, une plate forme politique est approuvée et des divisions territoriale et hiérarchique militaires strictes sont mises en place donnant une nouvelle organisation au FLN et mettant fin aux errements initiaux. La phase d’opposition entre l’armée française et le FLN passe alors dans une autre dimension avec l’attaque des soutiens extérieurs en Egypte en novembre et quelques mois plus tard le début de la première bataille d’Alger face au terrorisme urbain. Auparavant face à l’insurrection mise en place par le FLN, association d’une lutte militaire prenant la forme d’une guérilla et d’une lutte d’influence politique pour un objectif d’essence révolutionnaire, le départ des français pour un substitution d’autorité, l’armée française répond par la contre-guérilla ainsi que par l’action psychologique étudiée dans la thèse des époux Villatoux.

C’est donc l’adaptation de l’Armée de Terre Française à cette opposition militaire dans le cadre de cette contre guérilla qui vise à l’élimination de l’adversaire par des actions de combats, qui sera étudiée dans ce cadre spatial et temporel.

jeudi 24 juillet 2008

Problématiques de l'adpatation en période de COIN.

Quelques pistes un peu en vrac sur les questions qui se posent face à des situations nouvelles.

Tout d'abord, une adaptation à des changements et des nouveautés d’un ensemble aussi complexe, étendue et diversifiée qu’une armée en campagne prend du temps et ne se fait pas de façon immédiate et unifiée. Toute théorie ce construit par un ensemble d'apports d’éléments nouveaux ou anciens réajustés avec des victoires et des défaites: c'est donc autour des termes de processus et de construction qu'une armée s'adapte.
Mais ce n’est pas non plus un système vertueux de recueil d’informations sur la situation et de réflexion, puis de prospective et de propositions, avant l’application, le contrôle et le réglage, derniers préalables à un nouveau recueil. Cette adaptation se faisant de façon contrainte, les forces régulières étant généralement en position défensive et n'arrivant que peu à peu à reprendre l'initiative. Le terrain et la situation du quotidien influençant alors l’action menée. Cette construction se fait du niveau le plus bas que l'on peut étudier c'est à dire l'homme adepte de la débrouille mais encore plus pour ce type de conflit au niveau compagnie (l’historien Pierre Vidal Naquet parlera de « guerre de capitaines » pour la guerre d'Algérie, on parle de plus en plus du sergent ou du "caporal tactique") jusqu'au niveau les plus hauts étudié les Etats-majors de théâtre et autres.


C'est en fait l'étude du retour d'expérience pour la construction et l'élaboration d'un nouveau modèle de lutte. Comment se conçoit ce retour d'expérience, quels sont les voies et les groupes d'individus qui amènent et développent des nouveautés et ceux qui refusent ou bloquent les propositions? Pourquoi certains tentent de nouveaux procédés et d'autres restent sur des anciennes procédures? L’expérience et la réflexion ont-elles des modifications sur l’action future ou alors les contraintes extérieures non maitrisables sont elles trop fortes? Quels sont les fruits de leurs réflexions? La différence de perception de ce qui se passe à l'origine, étant bien souvent due à l'expérience passée et à l'instruction initiale spécifique reçue.

lundi 21 juillet 2008

Citation 5.

RETEX, adaptation, réflexion, ...

« Que toute connaissance commence avec l'expérience, cela ne soulève aucun doute. En effet, par quoi notre pouvoir de connaître pourrait-il être éveillé et mis en action, si ce n'est par des objets qui frappent nos sens et qui, d'autre part, mettent en mouvement notre faculté intellectuelle afin qu'elle compare, lie ou sépare ces représentations et travaille ainsi la matière brute des impressions sensibles pour en tirer une connaissance des objets, celle que l'on nomme expérience? »

Par Kant dans Critique de la raison pure.

vendredi 18 juillet 2008

Partie 3: La manière de réaliser une mission autre que la guerre.

Traditionnellement préparées à faire la guerre avec tout ce que cela comporte, les armées doivent acquérir de nouvelles pratiques pour effecteur la mission qu'on leur confie. Les acteurs, les moyens, les buts ou le cadre d'action sont différents demandant un changement des modes d'opératoires à acquérir.

Les ordres donnés par les supérieurs sont généralement définis par rapport à une notion d'ennemi qui ici, est modifiée pour céder la place à une notion de foules menaçantes ou d'individus égarés qu'il faut remettre dans le droit chemin. Cette nouvelle posture doit s'ajouter à un changement de comportement qui s'est mis peu à peu en place. L'individualisation du maintien de l'ordre (avec une violence colérique d'homme à homme) a du se muer en une action coordonnée d'un groupe face à un autre groupes d'individus que l'on pourrait traduire là aussi par une bataille de volontés opposées. Inscrite dans un cadre législatif et judiciaire spécifique diffèrent du droit des conflits armées peu à peu mis en place, ce nouveau cadre d'emploi doit être comprit comme par exemple après la proclamation de l'Etat d' Urgence dans les Aurès en Mars 1955 et l'apparition non sans mal d'officiers de police judiciaire au sein des armées pour traquer ce que l'on appelle les hors la loi et qui aujourd'hui sont désignés comme les combattants de l' ALN. L'Algérie étant la France, les opérations effectuées par les armées étaient donc définies à l'époque comme du maintien de l'ordre face à des troubles de guérilla puis de terrorisme plus que comme des actes de guerre. Ayant déjà une notion de discipline pour les règles d'ouverture de feu ou les déplacements aux ordres, les armées n'ont eu qu'a acquérir les tactiques de dispersion et de refoulement des foules, but ultime du maintien de l'ordre ou connaître l'emploi des équipements avec une institutionnalisation du maintien de l'ordre après 1921 mettait fin aux empirismes des années précédentes ou rien comme protections (boucliers, casques, cuirasses...), armements (matraques, gaz, armes non létales et non mortelles causant une faible proportionnalité d'issues fatales) n'étaient prévus. De plus dans le cadre de cette culture spécifique, la coopération avec d'autres unités malgré un esprit de corps très développé chez les uns et les autres, est nécessaire pour selon une culture du résultat qui prime, atteindre de la meilleure des façons, avec le moins de pertes et de dégâts, le but de la mission. C'est pour briser cette distance et pour une meilleure efficacité, avec un changement d'esprit mutuel qu'a été signé en octobre 2000, une convention entre la Gendarmerie et l'armée de Terre pour la coopération des forces en OPEX dans l'esprit de l'interarmisation.


Cette coopération nécessaire met à mal l'autonomie toujours désirée par les militaires surtout quand le maintien de l'ordre par les armées garde certaines particularités. Ne voulant et ne pouvant pas perdre leurs acquis, il diffère du maintien de l'ordre effectué par les autres corps. La différence de vocabulaire quelque fois employé le montre bien entre le maintien de l'ordre plus policier et le contrôle de foules plus militaire montrant une préférence pour un but moins lointain et plus immédiat. Dès Clémenceau en 1884, les officiers généraux s'insurgeaient du rôle définit comme à contre emploi de prévention donné à l'armée et militaient pour un rôle exclusivement de répression. Mettre des soldats dans la rue s'étaient y mettre des fusils prêts à être utilisés pour selon l'expression du préfet Hausmann pensant ses grands boulevards dans des logiques aussi de sécurité « peigner les avenues à la mitrailleuse ». C'est une question de crédibilité. Alors même que la non utilisation d'armes à feu par les forces de l'ordre dans le maintien de l'ordre est peu à peu apparue mettant fin aux drames des décennies avant 1880 et à la furie de régiments à cheval comme les dragons spécialisés dans la charge contre les attroupements ou l'attaque de barricades. Les armées sont toujours par méfiance et par raison, attachées à pourvoir passer d'une opération de contrôle de foules à une véritable guerre urbaine avec les dangers des milieux clos s'y cela dégénère, guerre urbaine qu'il faut encore acclimater. C'est pouvoir passer d'une phase de basse intensité à très rapidement une phase de haute intensité. Cela pose aussi des cas de conscience entre un jour tuer un ennemi et le lendemain se retrouver face à des individus qu'il faut alors raisonner avec une proportionnalité de réponse par la violence, inscrite elle aussi dans l'ordonnance de 1907. La maîtrise de soi si nécessaire est une qualité que les militaires doivent développer pour rester neutre aux provocations des manifestants. Surtout depuis 1968 où la charge est de plus en plus rare face aux temps d'attente.

Toute la construction de ce patrimoine de pratiques mettant en place une violence institutionnelle a amené la baisse significative des bavures et des tueries, rendue possible par une professionnalisation des manifestants et des forces garantes de l'ordre au moment même où l'erreur amenait des retombées plus graves.

mardi 15 juillet 2008

Partie 2: les liens entre les acteurs civils, militaires et politiques du maintien de l'ordre.

Instrument inscrit dans une continuité, au service d'un gouvernement, qui lui change de façon chronique, vivant dans un ensemble de mentalités et d'opinions, issu d'une population donnée, les armées sont au milieu d'un ensemble de relations. Et l'armée même si elle ne communique que peu, n'est que rarement la Grande Muette, et elle émet toujours des idées au moins sur son emploi.

Cette mission est ainsi ressentie de façon particulière par les militaires. Avec une voix quasi unanime, les considérations de la base rejoignant bien souvent celle des hautes sphères des officiers généraux, les militaires dénoncent leur emploi à ces missions jugées souvent assez péjorativement comme le montre l'expression: « la petite guerre » lorsqu'ils montent à l'assaut des barricades. Ces missions sont vues comme peu glorieuses et en désaccord avec les vertus traditionnelles militaires. Il est hors de question de reculer devant une foule menaçante donc l' usage de son arme est préféré entraînant des morts. Ce sont ces « états d'âme » qui ont mené la création des Gendarmes Mobiles. Cette mission de plus pose un problème de conscience personnelle aux militaires. La dimension politique de la mission au service d'un régime qui change à la recherche de sa légitimité, en espérant être du côté du vainqueur, ou encore lorsque malgré ses croyances on doit forcer les serrures des église lors de l'application de la loi des inventaires en 1906, ne sont pas sans poser des problèmes. Même si la majorité obéit, la discipline prenant le dessus, une partie de prétoriens surs de leur métier remplit avec assurance leur mission, mais certains militaires en désaccord, la sphère du privé rejoignant celle du professionnel, prennent la cause des révoltés, démissionnent ou partent par anticipation à la retraite. Cette mission met à l'épreuve le loyalisme et l'unité de l'armée. La soumission à un commandement civil (préfets ou commissaires) inscrite par une instruction de 1907 n'est pas non plus appréciée, les militaires préférant une autonomie d'action et de direction.
Mais l'on ne peut leur donner car chargés de la défense de l'intégrité du gouvernement, entre confiance en eux pour se préserver et peur du césarisme, les gouvernements qui se succèdent doivent s'assurer du loyalisme de cette dernière et du fait que « l'armée ne fait pas de politique ». L'armée devient alors le rempart dans les cas les plus graves de l'ordre social garanti par l'Etat comme lors des insurrections des « rouges » au cours du 19ème siècle avec le rôle particulier et prépondérant de Paris. C'est alors un déchirement entre un patriotisme et une envie de maintenir l'ordre comme la traque des résistants des maquis lors du Gouvernement de Vichy par l'armée. Cette défense de l'ordre en place peut expliquer les aspirations conservatrices, majoritaires au sein des forces armées. Mais les militaires restent suspicieux des politiques surtout quand un mauvais emploi par incompréhension, des armées imposent aux militaires ces missions qui ne les enchantent guère. Ne voulant pas se couper de la confiance des gouvernements, les militaires doivent aussi s'assurer d'une bonne image auprès de la Nation qu'ils doivent représenter.


Cette mission de maintien de l'ordre est un cas particulier car les armées sont amenées de façon inédite à intervenir contre des concitoyens (la Gendarmerie y étant préparée car cela est sa tâche quotidienne). Surtout quand dans le cadre d'une armée de conscription depuis la réforme de 1872 complétée par la Loi Jourdan de 1905, avec des dispositions de recrutement spécifiques, les grèves mettent face à face des soldats de la région, fils d'ouvriers et de paysans en phase avec les problèmes sociaux décriés lors des agitations, et des manifestants qu'ils peuvent connaître. Cela peut mener à des cas de fraternisation ou de sédition comme en 1907, quand le 17ième Régiment d'Infanterie se mutine au cours du soulèvement du Midi. Des mesures de déplacements géographiques sont prises pour briser ces liens. L'image des armées va beaucoup souffrir de cette mission jusqu'en 1921. Un antimilitarisme venant s'agréger à ces pratiques même si l'on peut trouver des cas où délaissant une brutalité dans la répression, l'armée tente de jouer le rôle de médiateur avec les grévistes. Mieux considérer ensuite, les armées ne veulent retourner à des missions qui ruineraient leur crédibilité si chèrement acquise. De plus avec le poids croissant des images, du journal La France Militaire aux médias de masse, l'image que l'on donne est très importante. Les missions de maintien de l'ordre ayant mauvaise presse et la présence de militaires dans les rues ayant un impact psychologique fort sur les populations, l'outil militaire ne peut qu'être utilisé avec modération dans ce genre de mission pour ne pas monter la population contre l'armée et contre ce qu'elle doit représenter, hantise des gouvernements.


Cette mission complexe a donc nécessité qu'elle soit déléguée à des corps spécialisés. C'est ainsi que les armées interviennent moins mais comme le montre le cas de la Nouvelle-Calédonie en 1989 avec le rétablissement de l'ordre par la répression des indépendantistes Kanak lors de la prise de la grotte d' Ouvèa avec une coopération des Gendarmes Mobiles et des militaires, l'armée est toujours prête à y faire face.

samedi 12 juillet 2008

Citation 4.


"Parce que si on comprend l'ensemble, on saura agir d'une manière plus juste dans le détail, parce que le détail est soumis à l'ensemble."

"Nous devons étudier avec soin les leçons qui ont été apprises au prix du sang, lors des guerres passées et qui nous ont été léguées... Il faut soumettre les conclusions auxquelles nous parvenons ainsi, à l’épreuve de notre propre expérience, assimiler ce qui est utile, rejeter ce qui est inutile et ajouter ce qui est spécifiquement nôtre."
"Quiconque est en charge de mener une guerre doit étudier les lois de la guerre. Quiconque est en charge de mener une guerre révolutionnaire doit étudier les lois de la guerre révolutionnaire. Quiconque est en charge de mener une guerre révolutionnaire en Chine doit étudier les règles de la guerre révolutionnaire chinoise. "
Et quiconque doit mener une guerre de contre guérilla doit...
Par Mao Tse Toung dans La Guerre révolutionnaire.

vendredi 11 juillet 2008

Partie 1: le but recherché, maintenir l'ordre.

Au nom de cette mission, confiée à l'armée bien avant la Révolution, répétée en 1791 dans les lois d'organisation de la défense intérieure, son emploi va connaître différentes périodes d'activité à mettre en parallèle avec les changements de mentalités des deux derniers siècles et les créations d'autres corps plus spécialisés.

Les missions principales confiées à l'armée à partir de la définition d'un intérieur et d'un extérieur sont de protéger et de défendre l'intégrité des frontières, la liberté d'action du gouvernement et la sécurité de la population. La lutte contre la subversion interne (émeutiers ou même délinquants) est alors au coeur des préoccupations des régimes au moment même où l'idée républicaine est en pleine consolidation et où les changements de régimes se succèdent. C'est pour cela que jusqu'aux années 1870, avec les forts antagonismes politiques, théoriques et idéologiques, la répression est extrêmement sévère et violente. L'apparition de l'anarchisme et du socialisme puis la peur de la menace communiste (un peu plus tard) sont des facteurs d'une utilisation fréquente de l'armée à l'époque où toutes manifestations ou attroupements sont interdits. Il faut attendre l'oeuvre du Préfet de Paris Lépine par le décret de 1935 pour voir apparaître une organisation et une concertation avec les autorités, des manifestations au nom d'une « rue calme et propre ». Cela marque déjà un infléchissement du seuil de violence politique (un minimum tolérable) avec une utilisation en baisse des forces armées lors d'opérations de maintien de l'ordre. Ce n'est alors qu'au cours des années 1950 que le monopole des missions de maintien de l'ordre n'est plus dans les mains des armées. C'est à cette époque que paraît le découpage des forces en trois catégories avec tout d'abord la Gendarmerie départementale et les gardes républicains puis les escadrons de Gendarmerie mobile et enfin les armées selon une gradation des cas d'emploi et de mobilisation selon les nécessités. Cette mobilisation des forces de 3ième Catégorie se fait selon des instructions ministérielles définies par exemple par l' IM 500 de mai 1995 marquant alors un certain degré d'importance des troubles.
Lors de troubles graves et quand la Maréchaussée puis la Gendarmerie ne suffit plus par manque d'effectifs ou lorsqu'elle est débordée, l'armée est envoyée pour mettre fin aux troubles bien souvent dans l'urgence. Ce manque d'effectifs va être comblé avec l'apparition chaotique de corps professionnels dans ces opérations. Suite aux demandes répétées des officiers, un débat va mener en 1921 à la création du corps des gendarmes mobiles qui va peu à peu s'accroître et commencer à penser en terme de doctrine et de pratiques cette mission spécifique mettant fin peu à peu au maintien de l'ordre imparfait avec des erreurs de tirs et des drames comme les neuf morts de Fourmies en 1891. Il en est de même lorsqu'après la seconde Guerre Mondiale, issues des Groupements Mobiles de Réserves chargés de traquer les résistants, va être créées en 1948 les Compagnies Républicaines de Sécurité, début du dualisme français du maintien de l'ordre qui perdure jusqu'à nos jours. Les grèves ouvrières du lendemain de la guerre verront un retour des armées (souvent des réservistes encadrées par des gendarmes) dans les rues et les usines avec même des gardes statiques de chars. L'armée va reprendre de l'importance dans ces missions aussi lorsque les conflits de décolonisation (Indochine puis Algérie) vont mobiliser des effectifs croissants de forces de l'ordre pour rétablir le calme. Au nom de la défense contre le terrorisme apparu après les vagues d'attaques du 19ème siècle et encore plus du 20ème siècle, les trois armées sont parties prenantes dans la lutte anti-terroriste avec par exemple la suppléance des forces de l'ordre depuis 1986 dans le plan Vigipirate et de manière continue depuis 1995 dans le cadre des missions de sécurité publique. L'autre paramètre qui implique l'intervention des forces armées a souvent été la violence des événements. L'armée par son entraînement à faire la guerre semble plus à même de s'interposer et de réprimer lors de graves troubles. La Semaine sanglante de mai 1871 avec l'installation de barricades au coeur de la capitale, des émeutiers armées faisant usage de leurs armes conduit les gouvernants à prendre des mesures de mobilisation des régiments de l'armée de Versailles qui mettront fin aux troubles, quadrillant la capitale. La Défense opérationnelle du territoire ou DOT prévue par l'ordonnance de Janvier 1959, prévoit alors à l'armée un rôle de dernier recours. On retrouve cela actuellement dans le plan d'intervention avec une échelle de violences, pensée en 1990 par un commissaire des Renseignements Généraux. Le débat contemporain sur l'emploi de l'armée lors d'émeutes urbaines dans des quartiers dits sensibles trouve son origine dans l'évaluation et la perception de cette échelle. Lorsque les administrations sont débordées, l'armée main d'oeuvre docile et nombreuse est aussi réquisitionnée pour des opérations de service public après des marées noires, des inondations ou des tempêtes prêtant assistance à la population.

Les forces armées interviennent de plus en plus à l'extérieur en vue de protéger l'intérieur. Toujours limitée par ces effectifs et se spécialisant dans la police judiciaire, les Gendarmes Mobiles laissent en OPEX (opérations extérieures) les armées s'occuper du maintien de l'ordre que cela soit à Mitrovica au Kosovo ou à Abidjan en Côte d'Ivoire. Le maintien de l'ordre dans l'hexagone au nom d'une image qui choquerait trop l'opinion publique n'est plus assuré de façon directe par les armées.

mercredi 9 juillet 2008

Les armées et le maintien de l'ordre à l'époque républicaine.

Dans le large spectre des missions pour lesquelles les forces armées (armée de Terre, de l'Air, la Marine et la Gendarmerie) sont censées pouvoir agir, le maintien de l'ordre, malgré une implication fréquente et répétée reste toujours considéré pour les armées (Terre, Air, Mer) comme une mission exceptionnelle. D'autant plus qu'il rentre dans le cadre du monopole de la violence physique légitime détenu par un état démocratique (Max Weber) qui l'emploie contre des contestations sociales, politiques ou syndicales de ses propres concitoyens.

Dans une définition toujours d'inspiration wéberienne, le maintien de l'ordre proche des opérations de police serait un type de violence exercé par l'Etat pour se préserver impliquant un ordre préétabli troublé par des événements qu'il faut rétablir ou préserver. L'action se faisant en amont ou en aval des troubles pour régler les relations au sein d'une collectivité. De par la spécificité de son théâtre d'emploi et de par son cadre d'action, l'armée de Terre est la plus concernée par ce genre de mission. Le maintien de l'ordre par la Marine demeurant anecdotique (Toulon en 1789) et pour l'armée de l'Air quasi inexistant.

La période contemporaine peut être découpée en 3 phases avec de l'héritage de la Révolution jusqu'en 1921, une armée qui agit lors de troubles internes plus que contre des ennemis extérieurs, la seconde de ses missions, la défense interne étant son activité principale. Puis jusqu'en 1991, face à une menace extérieure, des forces employées lors de conflits coloniaux puis contre des mouvements de décolonisation, un maintien de l'ordre de plus en plus pris en compte par des corps spécialisés. Après 1991 de nouvelles menaces multiformes faisant suite à la disparition de la menace étatique contre les frontières impliquant une armée de projection (avec les prémices dès 1978 à Kolwezi) pour conserver un ordre plus mondial que national et une armée qui selon un paradoxe n'a jamais était autant utilisée depuis la fin de cette menace.


Il existe une transition entre un modèle imparfait de maintien de l'ordre géré exclusivement par l'armée et au tournant du 20ème siècle avec l'apparition de forces spécifiquement dédiées à cette mission le maintien de l'ordre qui évolue. La quasi disparition des armées pour ces opérations a été un gage d'amélioration de l'efficacité, rendu d'autant plus nécessaire par le seuil d'acceptation des contemporains de la violence d'un état démocratique et républicain.

A l'étude de l'histoire du maintien de l'ordre dans d'autres pays, ce double emploi forces de police et forces militaires connaît la même évolution avec un désintéressement progressif des militaires même si la Garde Nationale (composée des réserves militaires américaines) est amenée plus régulièrement à des missions d'ordre public souvent en prévention ou que les événements en Irlande du Nord ont conduit les forces militaires de Sa Majesté à avoir aussi des missions de maintien de l'ordre au nom du rétablissement de la paix avec des législations d'exception. La lutte anti-terroriste étant pour tous le nouveau défi.

lundi 7 juillet 2008

Bonnes vacances.

Etant encore étudiant, j'ai le privilège de pouvoir, encore, profiter de la longue période merveilleuse que l'on nomme vacances.

Je tente sur ce blog une fonction permettant de publier des posts déjà écrits à une date que l’on choisit. Avec une série en particulier, sur le maintien de l'orde par les armées à l'époque républicaine. Pendant au moins un 20 jours, je n'aurais pas ou peu accès à Internet et donc autant pour publier que pour se tenir informé cela me sera difficile.

Mais le blog ne meurt pas, même si il a débuté un peu trop tôt par rapport à cette coupure fatidique, je le reconnais. J'essayerai durant le mois d'août de poster quelques papiers, mais je n'ai rien encore comme garantie.

Donc à la rentrée avec plein de nouvelles analyses plus d'actualité.
Et bonnes vacances pour tous les privilégiés comme moi.

vendredi 4 juillet 2008

Etat bibliographique sur la guerre d'Algérie.

Sujet polémique dès les premiers ouvrages écrits, la guerre d’Algérie a été au centre de nombreuses interrogations (torture, sort des harkis, définition de l’état de guerre…). Pour une vue d'ensemble couvrant l'ensemble des problématiques (économiques, sociales ou politiques mais délaissant "hélas" les questions militaires), l'ouvrage court et intense de Bernard Droz et Evelyne Lever (Histoire de la guerre d'Algérie) est une bonne introduction.

L’historiographie de l’histoire militaire de la guerre d’Algérie a connu plusieurs périodes avec de grandes tendances liées le plus souvent à la nature même des sources utilisées par les historiens ou à l’expérience de ces mêmes historiens. Les journalistes, les acteurs (généraux ou autres officiers: Bigeard ou Le Mire) se sont emparés du sujet d'étude en premier, proche d'une histoire officielle de l’Institution, avec une analyse relevant plus d'une justification de leurs propres actes pour certains. Le poids des événements pesant moins, le temps aidant et après plusieurs vagues de l’historiographie, une nouvelle génération d’historiens disposant de sources non exploitées (surtout après l'ouverture des archives militaires et l'accès aux archives algériennes) lèvent certains coins d’ombre. L'histoire des appelés (masse pas si silencieuse que ça) de Jean-Charles Jauffret (lire le témoignage de Jean Pouget, Bataillon RAS) complètent les études principalement centrées sur les corps des légionnaires (par Alain Gandy), des parachutistes (d'Erwan Bergot), des régiments coloniaux et de l’armée d’Afrique (étude d' Anthony Clayton), unités qui auparavant avaient l'exclusivité comme sujet d’étude. Les études comparatistes du Professeur Fremeaux (à l'université Paris IV) entre la phase de conquête et la phase de départ, l’histoire de l’adversaire, l’ALN (par Ait El Djoudi), la vision des historiens algériens (Mohammed Harbi) marquant la fin d'une approche unilatérale des événements, et les analyses menées sous la direction du Professeur Guy Pervillé sur les villes sont le fruit de nouveaux champs d’étude sous le prisme de problématiques différentes. Ces historiens n’ont plus à justifier mais plus à expliquer rendant leur approche différente. Entre ouvrages publiés et études universitaires, la bibliographie est conséquente et semble à première vue balayer l'ensemble du sujet.


Néanmoins plusieurs lacunes peuvent être soulevées. Les études sont centrées principalement sur les dernières années du conflit, c'est à dire après la première bataille d'Alger en janvier 1957, marqueur d'un avant et d'un après dans les opérations avec un certain retour de l'initiative française. Même si il est vrai que cette date marque le début de l'application de toutes les théories préalablement pensées et développées, il semble intéressant d'étudier les essais et les moments de conception de ces outils utiles à la victoire tactique et opérationnelle future. C'est pour cela qu'une étude exclusivement sur les années plus délaissées de 1954 à 1956 aurait tout son sens. Délaissant l'un des aspects de l'action de l'armée qui à l'époque s'appelait les missions « particulières » (cf les études de François Geré ou la thèse des époux Villatoux sur la guerre ou l'action psychologique) de pacification et de reconstruction en liaison avec les autorités civiles (missions nécessaires mais pas suffisantes), on pourra s’'attacher à l'aspect de lutte armée, d'action par la recherche et la destruction des bandes rebelles ainsi que de protection des biens et des personnes.

mercredi 2 juillet 2008

Citation 3.

Pour se justifier...

« La guerre est une affaire grave pour le pays, c’est le terrain de la vie et de la mort, c’est la voie qui mène à la survie ou à l’anéantissement : il est impossible de ne pas l’étudier. »

Par Sun Zi dans L'art de la Guerre.

mardi 1 juillet 2008

Emotion, réflexion et décision.

L’actualité brulante de ces derniers mois, jours et même heures, au sujet des questions de Défense remettent sur le devant de la scène quelques caractéristiques du processus de décision.

C’est autant décider dans l’incertitude (cf. l’ouvrage du Général Desportes, à mettre dans les mains de tous les corps de métiers) dont il sera sujet, que d’avoir à décider en dehors du coup de l’émotion que l’on ressent soi même, pour répondre à une émotion globale causée par un événement. Cela sans vision à court terme quand les décisions demandent un peu de jugement, avec l’absence de généralisation hâtive (les amateurs se battant en Afghanistan apprécieront certaines remarques), ainsi qu’avec la nécessité du temps de la réflexion (le Livre Blanc par exemple, quoique en disent certains sur le système des commissions, a mis du temps à accoucher, mais a permis de poser au moins certains vrais problèmes et de donner un point sans concessions de la situation. Après les discussions et débats portent plus sur les solutions apportées).

Ce n’est pas aller contre l’audace, la réactivité ou la rapidité d’exécution que de prendre ce temps de la réflexion et de ne pas prendre la décision que les médias et une opinion publique, s’émouvant sur ce que la Presse, la Radio ou la TV lui présente, affamés d’exceptionnel, attendent que les décideurs prennent ou dont l’effet fera taire les critiques et retomber au plus vite le pic émotionnel dans un oubli total pour passer à autre chose (aujourd’hui la Défense, hier l’insécurité, avant les 35 heures).

La recherche du résultat immédiat dans un style économique propre à la gestion actionnariale (il faut que le portefeuille d’actions grimpe le plus vite possible donc on met une pression en ce sens, vers les cadres dirigeants de l’entreprise) empêche alors de voir les solutions qui régleront en profondeur les problèmes qui d’une manière réelle et souvent juste, ont été posés. Trouvant le juste équilibre, allier aussi un mode de décision qui est dans un esprit de promoteur et d’entrepreneur, pour reprendre la comparaison avec les modes de fonctionnement et de direction des entreprises, peut donner des résultats différents, nouveaux et parfois plus bénéfiques. Ce sont des gros frais de départ et un étalement sur le long terme, un certain esprit d’aventure sans toutes les garanties de réussite, qui peut alors donner un résultat et une rentabilité pour plusieurs années et assurer de façon pérenne la survie de l’entreprise. Cela nécessite alors une hausse de la recherche et du développement, des études de prospective, des cycles et organismes de réflexion qui semblent tant faire défaut pour certains dans le microcosme de la Défense française. Les décisions sauront aussi prises dans le présent mais pour longtemps avec alors l'inconnu de la stabilité et du respect des engagements.

La vie au jour le jour ne peut plus être l’unique mode de règlements des problèmes qui ne permet pas un règlement en profondeur surtout lorsque l'on y ajoute l’utilisation sans parcimonie de la science, maniée avec habilité par certains, de l’effet d’annonce où dans une cacophonie sans nom, les intérêts du domaine politique et militaire se mêlent.