samedi 31 décembre 2022

#Bestof2022 - #Retro2022 et Bonne année 2023

"Aux résultats" pour cette année 2022 :

Moins d'articles écrits que d’autres années, mais des articles plus lus en moyenne (certains rentrant en quelques mois dans le top 10 des articles les plus lus en 14 ans d’existence de ce blog)... et pour certains des articles plus commentés, avec un important ‘SAP’ (ou « service après publication ») à assurer.

Dans le top 5 :

1. En attendant (un jour) la LPM à venir :

"Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) !" (mai 2022)

2. LPM pas aidée par une boussole démagnétisée : 

"Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté..." (novembre 2022)

3. On en reparlera quand il faudra porter quelque chose de lourd... :

"Histoire - Il y a quasi 20 ans, 45 chars Leclerc étaient déployés en Ukraine pour un exercice majeur" (février 2022)

4. Orion, il devrait en être question dans les semaines et mois à venir :

"Exercice HEMEX ORION 2023 - Réussir à faire les choses en grand et le faire savoir" (mars 2022)

5. De la petite histoire dans la grande Histoire :

"Djibouti - Des marins aux bérets verts, couchés à droite et badgés à gauche, à l’origine de la célèbre "Voie de l’Inconscient"" (janvier 2022)

Au final, bonne fin d'année (agitée) et bonne prochaine année (agitée aussi, sans aucun doute) à ceux ici ou là bas, pour nous. Loin de leurs proches ou près des leurs. Aux anciens, aux actuels et aux futurs. Et aux autres, eux aussi non oubliés.

Nul doute que sous une forme ou une autre, « en vrai », sur le blog ou sur les différents réseaux  actifs (Facebook, Linkedin, Twitter, Instagram, Mastodon...), il y aura bien des occasions de se croiser. D'être d'accord ou pas. De débattre. Et d’avancer. D’ici là, 0 bonne résolution (non tenable...) prise pour améliorer le rythme de publication. Cela restera à l’envie.

Je (re)quitte la fréquence jusqu'à la prochaine vacation. Over.

mercredi 16 novembre 2022

Euronaval 2022 - Un soutien naval innovant pour une marine de combat

Lors du dernier salon mondial du naval de défense Euronaval, j’ai eu le plaisir de réunir des profils variés pour évoquer le sujet de l’innovation dans le soutien naval. Du rapport remis fin 2018 à la ministre des Armées d’alors par Jean-Georges Malcor sur le maintien en condition opérationnelle (MCO) naval, qui distribuait quelques satisfécits mais listait aussi des axes d'amélioration, en passant par les décisions ministérielles prises début 2019 qui donnait une feuille de route pour la modernisation du MCO naval, ou encore le plan stratégique Mercator de 2018 de la Marine nationale puis Mercator accélération de 2021, tous indiquaient la nécessité que "cela flotte" plus (et… indirectement moins cher), vus les enjeux actuels. 

Comment l’innovation participe et peut participer à cet effort de guerre ?

Etre ouvert à l’innovation

Fondée en 2019 par trois connaissances travaillant dans le milieu maritime plutôt civil, MaDfly propose des services par engin télépiloté répondant aux contraintes d’accès de ce milieu pour les interventions en intérieur, en extérieur et en sous-marin. Grâce à des drones aériens, flottants ou sous-marins, les inspections de structures hautes, de soutes, de coques ou autres sont rendues plus rapides, plus sûres et moins coûteuses. Comme le dit Thierry Guillot, un des co-fondateurs, "nul besoin de monter des mètres d’échafaudage pour vérifier l’intégrité d’une structure en hauteur, voir les traiter via un drone relié à un tuyau, de mettre en place une nacelle élévatrice pour traiter une face, puis tourner le navire le long du quai pour traiter l’autre face, etc." Le drone permet également de nettoyer les bordées de coques côté quai et côté mer, ce qui n’est pas possible de réaliser avec une nacelle. Les immobilisations sont moins fréquentes ou longues, les opérations mieux anticipées, les risques pris moins nombreux, etc. Et, si les gains financiers sont parfois difficilement quantifiables, nous y reviendrons, les centres de coûts voient leur montant diminuer. Dans le domaine, les technologies (systèmes de mesure d’épaisseur de coques, de traitement des données recueillies pour la cartographie, d’aide au pilotage en milieu clos, etc.) se développent rapidement pour aller toujours plus loin dans ce qui est réalisable et utile pour des opérations de MCO, obligeant à une veille permanente pour rester à la page.


Voici une possible innovation dont il est nécessaire d’évaluer les plus-values et les limites avec son éventuelle utilisation. D’où les expérimentations en cours. Pour cela, il est nécessaire d’avoir tout un écosystème en mesure de capter les bonnes idées. Jean-Marc Quenez, du bureau Innovation-Performances au sein de la Direction centrale du Service de Soutien de la Flotte (SSF), rappelle que le SSF, en charge du soutien des navires, s’est structuré depuis 2018 en se dotant d’un comité de sélection de sujets innovants (dit Comité Bougainville, qui se réunit 10 fois par an), avec en plus de la portion centrale parisienne, des référents à Brest et à Toulon. Les innovations remontées via différents canaux sont présentées, et le comité (avec des experts techniques, logistiques, etc.) en sélectionne pour conduire des expérimentations. Une quinzaine par an sont menées, au niveau de la direction centrale, en plus d’autres menées par les responsables en charge des contrats de soutien de classe de navires. De plus, les chantiers en charge du MCO peuvent également en mener sur fonds propres ou sur fonds partagés, en étant conseillés par le SSF. Les principaux domaines sont ceux des données et de sa manipulation (numérisation des opérations, visualisation, etc.), nous y reviendrons, et celui des outils (impression 3D, tablettes connectées, lunettes connectées, caméras, robots de nettoyage, de décapage, de peinture, etc.). Avec déjà des avances notables dans le domaine de la télémaintenance (notamment depuis la crise de la covid pour faire appel à des experts restés en métropole) ou encore pour les travaux de nettoyage de coques pour améliorer l’état de la carène et minimiser la résistance. Globalement, cette phase d’expérimentation, avec recueil de retours d’expérience, est aujourd’hui plutôt bien menée, selon les différents acteurs.

mercredi 9 novembre 2022

Revue Nationale Stratégique - Caramba encore raté... (+MAJ)

Décevant.

Il faut saluer la grande qualité des rédacteurs des Revues Stratégiques précédentes de 2017 et 2021 qui, selon ceux de la nouvelle Revue Nationale Stratégique, ont vu tout juste, comme cela est plusieurs fois souligné dans le document récemment publié. Nécessitant finalement, selon les auteurs de la version de 2022, de ne (quasi) rien changer, à part accélérer ce qui a été déjà décidé. Jamais très bon quand nous sommes collectivement face à un mur… A se demander pourquoi lancer un nouvel exercice cette année alors que les constats sont déjà là (relativement prévisibles), ou qu'il est fait appel de manière récurrente, et comme peu jusqu'alors, à d'autres documents quasi similaires récents : Concept Stratégique de l'OTAN et Boussole Stratégique européenne. A moins que cela ne soit les solutions aux problèmes et les réponses aux constats qui ont été ni trouvées ni mises en œuvre depuis lors.

Certains paragraphes relèvent plus du ‘Bullshit Bingo’ qu’autres choses, en tentant d'additionner en un minimum de phrases le maximum de menaces ou de concepts. Leur rédaction ayant été sans doute laissée à certaines administrations concernées (ou intérêts particuliers défendus, parfois industriels), en pleine exercice d’autojustification ou descriptif de leurs missions, de leurs périmètres et de leurs évolutions en cours. Le manque d’harmonisation de l’ensemble s’en ressent d’autant plus, avec certains éléments, soit redondants à quelques lignes d'intervalles, soit attachés à certaines zones géographiques spécifiques qui pourraient sans effort (et raisonnablement) être attachés à bien d’autres zones. Ou à certains milieux ou certains champs, alors qu'ils s’avèrent plus généraux que particuliers. Avec des éléments micro-tactiques, très fouillés, pas inintéressants, côtoyant des grandes envolées, bien peu utilisables. Les délais courts y sont peut-être pour quelque chose.

Plus que ces questions de forme et aussi de fond, l’impression générale est que l'exercice mené, peu collégial, laisse en suspens bien des questions, avec surtout un scepticisme grandissant sur la capacité à poursuivre certaines courbes comme avant, qu’importent les difficultés conjoncturelles ou structurelles observées. Les alertes n’y font rien, alors que pourtant il s'agissait de tirer les conséquences d'un certain nombre d'alertes reçues en peu de temps : politique, sécuritaire, sociétale, militaire, environnementale, etc.

vendredi 14 octobre 2022

Musée de l'Armée (Invalides) - Exposition "Forces spéciales" jusqu'au 29 janvier 2023

Comment concilier la représentation de la pâte humaine qui est au cœur du sujet "forces spéciales" et le matériel qui est lui aussi omniprésent ? L'Histoire et le Temps (quasi) présent ? La discrétion inhérente au sujet et le pari de faire voir au grand public ?
 

Ce ne sont pas les moindres des défis relevés ces 2 dernières années (oui, 2 ans de préparation) par les équipes du Musée de l'Armée en lien étroit avec le Commandement des Opérations Spéciales (COS) pour proposer cette exposition sur les Forces Spéciales. Exposition qui coïncide avec les 30 ans de la création de ce commandement, tirant notamment les enseignements des opérations de la 'Guerre du Golfe'. Soit plonger dans l'histoire profondément humaine de ces hommes et femmes, notamment par la vidéo. Donner à découvrir par les yeux un peu de leurs objets, parfois très rarement vus, du quotidien.


Au-delà des chiffres (3 grandes salles, quelques 250 objets exposés, choisis après des visites dans chacune des 16 unités, plus de 6H d'entretiens présentés sur de nombreux dispositifs multimédias - qui seront disponibles à la fin de l'exposition dans le domaine public - sur les 80H d'entretiens menés, etc.), il faut retenir l'agencement des éléments dans une muséographie (très) travaillée : en horizontal comme en vertical, entre ombres et lumières, entre dépouillement - avec un touchant, très simple, In Memoriam pour les 28 membres des forces spéciales morts en opérations depuis 1992 - et reconstitution plus fouillée (d'un poste de commandement d'une Task Force, d'une salle de groupe avec des casiers d'équipements, d'un poste avancé médical, etc.).
 
Même les sièges à disposition sont de "couleur locale".
Avec des banquettes de C-160 Transall, appareils récemment retirés su service.

De 1942 à nos jours, les pièces d'intérêts, au-delà de pièces parfois beaucoup plus communes, ne manquent pas : entre les prêts des unités - plus de 70% des objets présentés, celles de collectionneurs ou industriels partenaires, et même 3 pièces en provenance de proches partenaires en opérations  - Grande-Bretagne et États-Unis, avec notamment une tenue d'un des opérateurs de la SEAL Team 6 portée lors de l'opération Neptune Spear qui conduira à la mort d'Oussama Ben Laden en mai 2011.
 

mercredi 7 septembre 2022

Armée de Terre - A propos de la prochaine sortie du bois sur le sujet robotique

Le responsable du sujet robotique au sein du bureau Plans (en charge de l’avenir à moyen-long terme, pour résumé) de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT) est récemment revenu sur la construction et l’intégration progressives d’une capacité robotique au sein des forces terrestres françaises.

La grande étape à venir étant la formalisation et la présentation d’ici la fin de l’année des besoins de l’armée de Terre pour de tels équipements. Etape de « sortie du bois » sur le besoin opérationnel, le fondement de toute action, après une intense phase de maturation et d’exploration, en lien notamment avec le Battle Lab Terre, et d’expérimentation, notamment avec la section exploratoire robotique (SOR) Vulcain.

Un besoin opérationnel qui ne remet pas en cause fondamentalement les grandes réflexions actuelles quant à l’avenir des forces terrestres, mais permet à la fois d’apporter un plus sur certains facteurs de supériorité opérationnels (FSO), notamment l’endurance et la masse, ouvre de nouvelles perspectives à travailler, notamment en termes de coopération, et son lot de défis (notamment pour la compréhension).

Le tout en intégrant la responsabilité éthique, avec non pas des SALA (qui ne seront pas développés pour les armées françaises), mais des SALIA (systèmes d’armes létaux intégrant de l’autonomie), comme présentés notamment dans l’avis émis par le comité d’éthique de la défense en avril 2021. CE qui conduit au fait que le commandement conservera l’appréciation de situation permettant la poursuite de mission, sera responsable de l’emploi des robots, et supervisera les fonctions critiques. Des grands principes qui demandent concrètement de s’assurer, avec les industriels, que cela est réalisable techniquement, dans les situations rencontrées en opérations.

Au final, le projet Vulcain, sur les aspects de robotique, permet d’espérer intervenir sur 2 axes forts : augmenter la profondeur tactique des effets (en distance de frappe, en capacités de renseignement, etc.), et augmente les possibilités de saturation sur l’adversaire (physique, électronique, cognitive…). Encore faut-il alors passer chacune des capacités selon le double prisme du : Qu’est-ce que je veux en faire ? L’analyse fonctionnelle. Et combien cela va me coûter ? L’analyse de la valeur. Une équipe robotisée de désignation des feux dans la profondeur peut avoir un sens tactiquement, mais peut perdre tout avantage dès lors que les contraintes et les coûts s’envolent. A quels couts permets-t-elle d’entrer dans la bulle adverse, de se prendre des coups et d’y rester ? Notamment parce que, pour le moment, une capacité robotisée coute globalement, via son empreinte RH, plus chère qu’une capacité non robotisée. D’où le besoin de laisser maturer la partie automatisation jusqu’en 2030, pour espérer faire de réelles économies, en atteignant de réelles plus-value. La charge cognitive consentie doit être acceptable, soit une notion d’efficacité forte : « si je mobilise 3 personnels sur la gestion du robot, il faut que cela apporte beaucoup ». Heureusement, « il existe des systèmes à haute VA qui sont atteignables avec une autonomie réduite ».


Ainsi, selon l’armée de Terre, dans le domaine, les forces terrestres sont à un carrefour dans le choix des effets à atteindre, et les décisions qui sont en train d’être prises conditionneront l’architecture générale qui sera retenue et sur laquelle les besoins seront travaillés conjointement avec la Direction Générale de l’Armement (DGA). Notamment quant au choix de l’architecture générale entre : unités entièrement robotisées, unités mixtes, robotique comme outil de l’arrière, robotique tactique, opérative ou stratégique, etc.

C’est dans ce cadre que le projet Vulcain est lancé, projet qui a vocation à nourrir l’expression du besoin robotique de l’armée de Terre (sans être un programme d’armement en tant que tel), pour permettre de mettre en œuvre une capacité de robotique tactique à l’horizon 2040. Pour la préparation de l’avenir, il doit orienter les travaux de préparation de l’avenir et tout particulièrement les aspects robotique du projet Titan, visant la modernisation de la composante « lourde » des forces terrestres, ainsi que la cohérence et la connectivité interarmées (et non plus uniquement interarmes). Pour sa part, le programme MGCS intègrera une robotique qui lui est propre (des ailiers autonomes, et une capacité d’agression), qui est réfléchit pour la cohérence dans l’approche Vulcain, mais qui est bien pour le coup une opération d’armement en tant que tel.

mercredi 10 août 2022

Innovation - Le démonstrateur Scarabée d'Arquus

Ai eu la possibilité de faire récemment quelques tours de pistes d'essais sur le plateau de Satory dans le démonstrateur de blindé Scarabée d'Arquus, pendant une petite heure. Passant notamment après l'actuel chef d'état-major de l'armée de Terre (CEMAT) qui avait embarqué dedans quelques semaines auparavant.

Démonstrateur (et non prototype), même si les puristes des définitions pourraient en débattre, permettant de développer, tester, intégrer et faire gagner en maturité un certain nombre de technologies. Certaines jusque là plutôt issues du monde civil et parfois déjà matures pour ces cas d'usage, mais passées à cette occasion dans un environnement militaire représentatif.

Principalement (et sans être exhaustif) dans le domaine de la propulsion (avec l’hybridation, notamment via un moteur V6 de 300 ch en thermique et 100 ch en électrique, avec 3 batteries différentes), de l'architecture (avec un groupe moto propulseur d'un seul tenant placé à l'arrière notamment), de l'ergonomie (avec, par exemple, la gestion des différents modes de propulsion par le pilote), etc.

Le fruit des efforts visible aujourd'hui est le résultat d'un programme "secret" débuté discrètement avec moins d'une dizaine de personnes concernées en 2017, défrichant les grands choix architecturaux, à un blindé beaucoup plus mature à ce jour pouvant bénéficier des technologies de tout un groupe industriel (avec une équipe dédiée restreinte, et un budget évidemment non extensible). Avec quelques heures de travail et des milliers de kilomètres d'essais déjà de réalisés.

Le Scarabée est aujourd'hui autorisé par la Direction générale de l'Aviation civile (DGAC) à embarquer dans des avions civils avec les batteries installées, suite à un long et exigeant processus de certification quant au respect des normes de sécurité, ce qui constitue une première mondiale civile et militaire, et vient valider les progrès réalisés dans la sécurisation de différents ensembles (notamment face aux risques d'incendie des batteries, de résistance aux variations de pression, etc.).

mardi 2 août 2022

Publication - "Pour une BITD de haute densité au service d’un modèle cohérent" (DSI Hors-Série n°85) (+MAJ)

Dans le numéro Hors-Série de DSI n°85 consacré à "Guerre de haute intensité - Quelles adaptations pour les forces armées françaises ?" actuellement en kiosque, vous pouvez retrouver un article sur les réflexions et adaptations à mener sur l'articulation forces-DGA-BITD et sur le pourquoi, le quoi et le comment atteindre un modèle cohérent.
 
En remerciant le rédacteur en chef, Joseph Henrotin, de m'avoir aimablement titillé sur le sujet dans la continuité de certains précédents articles publiés sur ce blog (notamment celui ci, qui a eu quelques échos et a suscité quelques réactions...), et d'avoir bien voulu accueillir au final, le fruit de mes réflexions personnelles (qui n'engagent que moi).

MAJ 1 : Le sommaire complet est disponible ici.

"La simultanéité de certains facteurs oblige à une vaste réflexion sur l’articulation forces armées - Direction Générale de l’Armement (DGA) - Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD) et sur les actions entreprises. Avec une adaptation des réponses apportées au pourquoi, au quoi et au comment, faite de manière couplée, car les efforts, actuels et réels, sur l’un ou l’autre des constituants du système, ne pourraient suffire à eux seuls à faire face aux grands enjeux qui se présentent.

Nul besoin de sur-noircir l’actualité et le futur prévisible d’un certain nombre de facteurs endogènes et exogènes ayant un impact sur ceux qui orientent, développent, produisent, utilisent et soutiennent les équipements, matériels et produits utiles aux forces armées pour observer une conjonction de tendances, voir un effet domino, qui oblige à une adaptation. Si ces événements de nature très différente ne doivent pas forcément inquiéter en tant que tels, leur convergence interroge sur la pertinence de maintenir les orientations actuelles ou de choisir une simple évolution progressive, et non une évolution majeure. Envolée du coût des matières premières (non compensé pour le moment par des capacités de production hier non rentables qui aujourd’hui le redeviennent), difficultés logistiques d’approvisionnements, multiplication des zones de tensions et élévation du niveau de ces mêmes tensions, raréfaction en cours de certaines ressources, concurrence exacerbée à l’exportation avec des acteurs industriels non plus émergents mais pleinement émergés complexifiant l’atteinte du modèle économique marché domestique / marché export, difficultés et enjeux de recrutement mais aussi de fidélisation des talents, etc. Leur addition, en peu de temps, et l’incertitude qui pèse sur leurs évolutions à court ou moyens termes doivent obliger à penser autrement pour résoudre au mieux une équation complexe.

Au-delà du confort opératif mis à mal depuis quelques années pour les forces armées, avec une épée qui a pris une longueur d’avance sur la cuirasse (l’attaquant ayant tendanciellement un temps d’avance sur le défenseur) et une généralisation de certaines capacités nivellantes, le confort productif connu jusqu’alors est lui aussi en train de s’étioler. Hier, le cadencement globalement sous optimal (en qualité, en coûts, en délais) des capacités de développement et de production, sans revenir sur de multiples exemples connus de programmes en retard, trop chers, ou aux spécificités techniques non atteintes, pouvait éventuellement être une situation quasi-supportable (et encore, puisque des vies étaient en jeu). De plus, l’innovation technologique, permanente, brandie comme la garantie principale permettant de conserver un temps d’avance sur les risques, les menaces et les adversaires, pourrait être devenue aujourd’hui, par bien des aspects, plus une source de faiblesse qu’une source de force (de contraintes plus que d’opportunités). Avec des conséquences aujourd’hui non maîtrisées sur la complexification de la mise en œuvre des systèmes et donc la hausse des coûts d’entrée pour les utilisateurs et les maintenanciers (temps de formation, opérations plus complexes de maintenance…), la hausse des coûts de production, d’utilisation et de soutien, la réduction des effets de masse du fait des couts unitaires sur toute la durée de vie, etc. Enfin, l’assurance relative actuelle de la disponibilité des alliés (avec leurs capacités de production, la maitrise de certaines technologies ou la détention de certaines capacités), de leurs stocks, de l’accès aux matières premières ou transformées, des sources d’énergie disponibles, des outils productifs peu touchés à ce jour (en étant plutôt loin sur les arrières des lignes de front et peu visés par des approches indirectes : sabotage, piratage, etc.) et de la sécurité des flux (surtout perturbés, mais encore peu menacés, même si de premières alertes apparaissent) n’est en rien forcément une garantie pour demain [...]".
La suite est à lire dans le magazine. Commentaires bienvenus.

mardi 21 juin 2022

Eurosatory 2022 - Accompagner les pionniers de la DefTech française

Il y a 4 ans, l’accélérateur GENERATE de l’association professionnelle GICAT (Groupement des industries de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres) faisait ses grands débuts en public au sein de l’Eurosatory Lab, zone dédiée aux start-ups sur Eurosatory, le salon international de la Défense et de la Sécurité terrestres et aéroterrestres.

Des premières promotions de GENERATE, ils étaient encore quasiment tous là lors de l’édition 2022 qui vient de s’achever. Au milieu des quelques 100 startups, généralement duales, réunies sur ce même espace. Avec bien peu de cessations d’activités ou de pivotages vers d’autres secteurs dans l'intervalle. Le taux de pertes étant estimé à environ 2%, un taux considéré comme bas comparé à d’autres secteurs (qui sont entre 3 et 5%, ou plus).


Une DefTech de haute densité

Ces pépites de la DefTech française ont donc survécu aux différentes vagues pandémiques, aux vallées de la mort du développement de leurs produits, et à quelques autres embuches, notamment propres à des cycles de vente plutôt longs dans ce secteur si particulier. Tout en ayant assuré dans l’intervalle (notamment en 2018-2020), leurs premières levées de fonds, dites d’amorçage, avec des montants allant de 500.000€ à 1.500.000€. En attendant celles des membres des autres promotions de GENERATE, la 12ème promotion ayant été récemment intégrée, pour un total d’environ 80 startups couvées depuis 2017 (et 56 officiellement actuellement dans le programme d'accélération).

D’ores et déjà, certaines, plus rares, comme Preligens, ex-Earthcube, spécialiste dans l'analyse de données géospatiales assistée par intelligence artificielle, ont réalisé des tours de table plus conséquents, de plusieurs millions d’€. En plus de son outil Robin intégrant à ce jour 7 algorithmes de reconnaissance automatique (capables de détecter, classifier et identifier, avec des forts taux de succès validés lors d’appels d’offres auxquels ils ont participé, plus de 90 types d’appareils, certaines batteries anti-aériennes - et bientôt d’autres moins répandues, des navires – ainsi que leur état : à quai, sur docks, etc.), a lancé son outil Zebra de baptême terrain automatique, appui précieux notamment pour l’Etablissement Géographique Interarmées (EGI), pour identifier et donner un nom aux routes et bâtiments en quelques minutes, et ainsi faciliter les opérations.

Clore cette phase de levée de fonds d’amorçage ne fût généralement pas un long fleuve tranquille, avec un processus long (généralement bien plus d’une année), chronophage (des dizaines de pitchs pour évangéliser dans des univers financiers souvent non acculturés au milieu de la défense et de la sécurité), frustrant (avec plus d’un refus dans les dernières lignes droites pour des questions de compliance), etc. Conduisant à mettre parfois grandement en péril le fragile édifice d'innovation construit, qui malgré tout se révéla plutôt résilient. Tout en prenant pas forcément l'envol qui aura été possible avec quelques coups de pouce.

vendredi 6 mai 2022

Des stocks (du déstockage) et des flux, d'aujourd'hui et de demain

Une donnée d’entrée sur l’analyse des opérations en Ukraine et en Russie, et sur l’efficacité perçue ou réelle de tel modèle d'armée ou telle capacité, est la prise en compte, il est vrai pas simple à ajuster, de la question des stocks et des flux matériels (sans même parler de la question des ressources humaines).

Soit intégrer la disponibilité assurée dans le temps (court/moyen/long terme) de telle ou telle capacité avant de tirer les conclusions, faites par certains, que finalement, cela ne change pas grand-chose sur le modèle poursuivi ou les concepts d’opérations, les faiblesses capacitaires identifiées, leur priorisation, et la manière d’y remédier. Il est possible que telle ou telle capacité semble fonctionner, encore faut il, en préalable, avoir l'assurance de la détenir (à temps et en nombre).


Crédits : FSV / MA.

Sans minorer la part des Ukrainiens (dans les stocks initialement détenus, en partie recomplétés en propre par réparation et production, ou dans l’extension, plutôt horizontale, de ces derniers en allant chercher des matériels autres : drones civils, technicals, réemploi de matériels capturés…), force est de constater la part prise par les alliés. Alliés ayant des stocks relativement « conséquents » (car mis en commun), disponibles (car non utilisés ailleurs) et acheminables (via des moyens logistiques lourds, rares, eux-mêmes disponibles). Avec un effort logistique, si ce n’est pas colossal, du moins très important en lui-même (et peu à pas perturbé, pour le moment).

Or, après le précédent Irak-Syrie ayant lui aussi impacté parfois des stocks similaires, Libye de manière plus relative avant lui et après certaines "campagnes expéditionnaires" usantes et abrasives, combien de fois, dans quels délais et avec quelle ampleur des alliés seraient capables de soutenir et de réitérer un tel effort pour parvenir à soutenir tel ou tel allié (permettant d’éviter d’être ainsi en première ligne) demain ou après-demain ?

dimanche 1 mai 2022

Pour une révolution dans les affaires militaires (françaises) ! (+MAJ)

Alors que s’annoncent dans les semaines à venir la réalisation d’une revue stratégique (sous une forme ou une autre), les travaux préparatoires pour les éventuelles lois de finances rectificatives (LFR) de 2022, puis la nouvelle loi de finances initiale (LFI) de 2023, avant, à plus long terme, la finalisation de la future loi de programmation militaire (LPM) en 2025, ces travaux, si menés lucidement, sont autant d’occasion d’interroger les orientations stratégiques actuellement prises, et d’éventuellement les modifier. Non de manière cosmétique en décalant sur la gauche ou sur la droite tel échéancier physico-financier. Non par tel ou tel arbitrage garantissant avant tout un "acceptable" équilibre interarmées pour contenter tout le monde ou un saupoudrage industriel pour ne léser personne. Mais bien avec une urgente nécessité d’évolution plus radicale.

 
Sisyphe en tenue camouflée
 
La recherche effrénée d’atteindre un modèle d'armées dit complet, par réparation, par modernisation, pour la verticalité, ou par extension horizontale des capacités détenues, apparaît de plus en plus comme l’horizon indépassable d’une forme de confort. Un confort en fait mortifère, tel Sisyphe, pour le système concerné, et plus globalement pour la collectivité. Une atteinte d'un modèle complet et non un maintien d'un tel modèle, tant sont nombreuses aujourd’hui les ruptures capacitaires plus ou moins temporaires, ou les capacités tellement réduites qu'elles ne sont plus en mesure de produire un quelconque effet un peu sérieux (même de manière combinée). Comme dans le jeu de la taupe, une fois une rupture est comblée une autre apparait, plus urgente que jamais. Surtout que, vu le modèle extensif poursuivi, le champ des possibles à couvrir a tendance à augmenter plutôt drastiquement avec les nouveaux milieux et nouveaux champs (nouveaux, ou du moins pris en compte de manière plus prégnante). Champs et milieux dont la couverture n'est parfois même plus interrogée à l'aune de la balance contraintes / opportunités. Ainsi, sans choix tranchés d'évolution, avec aucun potentiel abandon décidé (choisi et non contraint), il s’agit en permanence de renouveler les anciennes capacités quasi point par point, sans faire autrement, et en plus d’augmenter la gamme des capacités détenues.
 

samedi 26 mars 2022

Exercice HEMEX ORION 2023 - Réussir à faire les choses en grand et le faire savoir (+MAJ 20/04/2022)

Durant les premiers mois de 2023 devrait se dérouler en France l’exercice ORION, grand exercice de niveau division, qui doit faire la démonstration des capacités françaises dans le domaine, et donnera l’occasion d’un nouvel état des lieux et d’un point d’avancement sur certains chantiers de régénération et de modernisation, notamment, des forces terrestres. ORION étant l'acronyme pour "Opération d’envergure pour des armées résilientes, interopérables, orientées vers la haute intensité, et novatrices". #passionacronyme Dans la continuité de précédents jalons récents, comme l'exercice Warfighter 21-4 mené l'année dernière aux États-Unis.


Cet exercice, complexe, s’inscrit dans une actuelle hausse de l'effort de préparation opérationnelle, afin que les forces terrestres soient mieux préparer. Et qu'elles se préparent à des opérations relativement différentes dans la forme de celles connues au cours des dernières années. Avec des engagements plus durs, des changements d’échelles, et dans différents champs. D’où le renforcement nécessaire des moyens consacrés à la préparation opérationnelle, avec un changement d’échelle des exercices, en rehaussant les difficultés (une durée des exercices s’allongeant, une coordination nécessaire de diverses capacités, des forces adverses renforcées, etc.) et l’ampleur : "La haute intensité, ce n'est pas que le nombre de chars. C'est la saturation dans tous les domaines : flux logistiques, nombre de blessés, flux électromagnétiques… C'est le retour de la masse : il faut pouvoir s'entraîner avec de plus gros volumes de forces", expliquait le général Vincent Guionie, commandant des forces terrestres françaises.
 
Comme le précise un rapport parlementaire, reprenant l'idée de manoeuvre générale de l'armée de Terre à propos de la prépération opérationelle : "Certains domaines comme la cyberdéfense, la lutte anti-drones, la navigation terrestre ou la prise en compte des effets dans les champs immatériels sont désormais associés à tous les niveaux de la programmation opérationnelle et intégrés systématiquement dans l’élaboration des exercices interarmées ou interalliés. En outre dans le cadre de la Haute Intensité, l’armée de Terre opère un durcissement de l’entraînement des forces terrestres. Elle augmente la complexité de ses entraînements par la constitution d’une force d’opposition à niveau égal, apte à la défier dans tous les domaines du combat mais aussi par la réalisation de grands exercices du niveau divisionnaire, dont la première occurrence, ORION, se tiendra en 2023. Par ailleurs, elle adapte les conditions intellectuelles et matérielles de sa préparation opérationnelle, en mettant en œuvre de nouvelles méthodes de formation et d’entraînement fondées sur la maîtrise de la technologie, la résilience face à sa disparition, l’initiative et l’endurance".

D'un déroulé longue durée

L’exercice HEMEX-ORION (HEMEX pour Hypothèse d'engagement majeur - Exercice) est prévu en plusieurs temps, entre février et mai 2023, avec quatre séquences principales :
  • La phase O1 consistant en une période de planification opérationnelle ;
  • L’activité O2 comprenant la projection et l’intervention d’une force équivalente à l’Échelon national d’urgence (ENU), récemment modernisé, qui garantit une capacité de réaction autonome aux crises ;
  • La phase O3 prenant la forme d’un séminaire interarmées et interministériel, permettant d’étudier l’adaptation de la posture opérationnelle de défense en cas d’affrontement majeur (s'appuyant potentiellement sur des moyens de Wargaming) ;
  • La phase O4, à partir d'avril, qui verra l’engagement en coercition, à terre, d’une division multinationale après une campagne aérienne censé permettre la conquête de la supériorité aérienne et son maintien.
Il s’agira, sous la houlette de la 3è division, de remettre à la fois la brigade au cœur du déploiement (niveau rarement vu ces dernières années en entier), la division comme intégrateur des effets interarmes-interarmées sur les lignes de fronts comme sur les arrières, et, globalement, de faire effort important sur les soutiens. Plus que de se concentrer sur une période plus ou moins longue, il est prévu de l’inscrire dans un temps long, représentatif d’une montée des tensions, et d’un passage de la phase de contestation à celle de l’affrontement, selon le triptyque cher à l’actuel chef d’état-major des armées. Comme le résume en interview le commandant des forces terrestres, le général Guionie : "L’exercice Orion sera un rendez-vous majeur qui, durant quatre mois, va nous permettre de retranscrire tout l’enchaînement d’une crise. La séquence majeure pour l’armée de Terre étant la dernière, à savoir celle qui se déroulera au mois d’avril. Cette phase verra le déploiement d’une division dont l’objectif sera de figer une situation et d’empêcher un adversaire de mettre en œuvre une politique du fait accompli".

mercredi 16 mars 2022

Retours et perspectives - Un an après l’exercice Warfighter 21-4 et quasi un an avant l'exercice HEMEX Orion 2023 (+ MAJ)

« L'armée française n'est pas prête pour un combat de haute intensité », « Pourquoi l’armée française ne serait pas préparée pour une guerre contre l’Ukraine », ou encore, de manière plus prudente, sous la forme interrogative, « L'armée française est-elle prête pour les conflits de haute intensité ? ». Les titres d’article et les développements associés ont fleuri ces dernières semaines sur le sujet, suivis de commentaires plus ou moins définitifs. Il serait possible d’apporter de la mesure et de la nuance en évoquant notamment le fait que si le cas se présentait, la question ne serait plus vraiment rhétorique, mais que, puisqu’il aura été décidé d’y aller, cela serait fait, avec ce qu’il y a. Et que les développements observés pourraient apporter des réponses bien surprenantes par rapport aux avis précédemment émis. Du fait même de l’aspect caméléon de la guerre ou de la difficulté à la positiver : la non quantifiable friction, les forces morales, les relations dans l’étonnante trinité peuple/armée/gouvernement, l’apprentissage et l’innovation sous contraintes, etc. En espérant ne pas avoir à connaître, si possible, ce révélateur de l’affrontement des volontés, il est toujours possible de s’en approcher par des voies détournées, bien que parcellaires.


Du cadre général

Il y a quasi un an, du 6 au 15 avril 2021, s’est tenu l’exercice Warfighter (l’édition dite 21.4), durant 10 jours et 9 nuits, menée, notamment pour la partie française, à Fort Hood au Texas (USA), sous la direction de l'US Army’s III Corps (US). La 1st Armored Division (US), la 3rd Division (UK) et la 3è division (FR) ont mené un exercice de simulation multi-sites de postes de commandement, sans troupes déployées. Exercice représentant un effort majeur pour l’armée de Terre française, alors qu’un effort particulier était fait depuis peu pour remettre un pied vers l’exigence de « la haute intensité ». Comprise comme « un affrontement soutenu entre masses de manœuvre agressives se contestant jusque dans la profondeur et dans différents milieux l’ensemble des champs de conflictualité (physique et immatériel) et dont l’objectif est de vaincre la puissance de l’adversaire ». Cet exercice s’intégrait en particulier dans le Strategic Vision Statement (SVS) signé entre les chefs d’état-major de l’armée de Terre et de l’US Army en 2015, donnant une feuille de route pour développer l’interopérabilité. Si l’armée de Terre britannique était à sa 4è participation à ce genre d’exercice, dans le cadre d’une vision stratégique similaire, il s’agissait d’une première pour l’armée de Terre française.

Environ 1.000 militaires français étaient engagés, soit 550 joueurs et 450 pour l’environnement de soutien et de transmissions. Un chiffre et un ratio soutenus/soutenants intéressants en soit quant à la taille d’un PC de division, cf. ci-dessous, qui, en temps normal, compte environ 300 personnels, et fût renforcé, et étayé pour l’occasion pour représenter un environnement représentatif des unités placées sous son commandement. Avec un PC pensé pour commander l’équivalent de 25.000 militaires (échelon de commandement intégré, troupes de manœuvre et soutien national associé). La division française, qui combattait côte à côte avec les divisions américaine et britannique, comptait dans ses rangs une brigade américaine (la 2/4 ID), soit 800 hommes, représentés par leur PC, en plus de la 2è Brigade blindée et de la 11è Brigade parachutiste côté français.

Il s’agissait d’un exercice non mené à un tel niveau par l’armée de Terre depuis de longues années. Les plus anciens se rappelant les ambitieuses manœuvres comme "Moineau Hardi" (Kecker Spatz), "Damoclès", ou "Fartel" dans les années 80/90. Ou plus récemment (et encore), de Joint Sword en 2006, mené en Allemagne (sur le camp de Wilflecken, avec l'Etat-Major de Forces (EMF) n°4 sous commandement d'un corps d'armée néerlandais. Un exercice Warfighter 21-4 qui a demandé 2 ans de préparation côté français, avec 8 mois d’entraînement intensif au niveau division, avec des préexercices notamment en Allemagne, avant l’échéance. Et un exercice qui n’avait pas été joué avec un tel volume de forces (réel et simulé) depuis 35 ans côté américain. Il s’agissait d’un exercice de type Command Post eXercise/Computer Assisted eXercise (CPX/CAX) programmé par l’US Army Forces Command (FORSCOM) et conduit par le Mission Command Training Program (MCTP) pour entraîner, évaluer et certifier des états-majors de corps et de divisions. Avec un scénario s’appuyant sur capacités de simulation, cf. ci-dessous, en plus de l’environnement humain composé d’arbitres et de conseillers, pour opérer face à un adversaire réaliste et à parité : celui-ci détient plus de drones que les forces amies, il maitrise les cyber-attaques, il possède une artillerie nombreuse et avec une très forte allonge, ses blindés sont supérieurs en qualité et en quantité aux blindés amis, la désinformation est permanente, etc. Le scénario choisi visait à réagir suite à un Etat qui avait occupé illégalement une large partie de l’Est de l’Europe, qui souhaitait tenir le terrain, les forces amies devant le reprendre, et le tenir jusqu’à ce que des forces amies simulées viennent relever et/ou renforcer les forces joueuses.

lundi 7 mars 2022

Du Génie dans les opérations en Ukraine (en cours - 07/03/2022)

Réserves introductives d’usage évidemment : avec le brouillard de la guerre obscurcissant des pans entiers des opérations, un manque de recul surtout sur les aspects micro-tactiques des opérations (et une meilleure visibilité – toute relative - sur le niveau opératif et stratégique), de nombreux biais possibles d’analyse, une situation dynamique et évolutive, des courbes d’apprentissage en cours des deux côtés...

Le Génie est une arme servant, "en gros", à garantir la liberté d’action des forces amies et à réduire la capacité de manœuvre adverse. Elle peut, en théorie, mettre à disposition de la force, en phase offensive comme en phase de stabilisation, une boite à outils de capacités extrêmement variées.

Intégrant les composantes "combat" et "infrastructures" (qui sont séparées en France), l’arme du Génie dans les forces armées russes est une subdivision propre, qui a, comme d’autres composantes, connue une modernisation relative au cours des dernières années (en quantité - en partie, et en qualité), notamment matérielle (nouveaux robots de déminage, ponts modernisés, blindés de bréchage…).

 Crédits : Oryx.

Protection sommaire sur un moyen de franchissement du Génie de l'armée russe.

Les unités russes du Génie, au déclenchement de la nouvelle phase d’invasion de l’Ukraine en février, bénéficient, en théorie, du retour d’expérience des opérations menées en Ukraine depuis quelques années (avec un fort focus sur la partie protection de la force) et en Syrie (avec un fort focus sur la partie déminage / dépollution).

Alors que les moyens du Génie étaient bien observés (notamment via le renseignement d’origine image des satellites) dans la phase de montée en puissance/pré-positionnement/entraînements pré-déclenchement des opérations, il y a, à ce jour, une très faible observation depuis de l’engagement de moyens Génie : rares ponts mobiles (sur camions ou blindés, type TMM-3 ou PMP) - peu ou pas utilisés, peu ou pas de blindés de déminage/bréchage, peu de moyens d’aménagement du terrain type tracteurs, bulldozers, etc. (des KamAZ, ou BAT-2), peu de moyens de déminage portatifs, quelques matériels de génie d'assaut, etc. Que cela soit dans les images/vidéos des pertes sur le terrain, des convois circulant en territoire ukrainien, des images de la communication opérationnelle russe (plus nombreuses depuis quelques jours pour reprendre l'offensive aussi dans ce domaine), etc.

lundi 7 février 2022

Histoire - Il y a quasi 20 ans, 45 chars Leclerc étaient déployés en Ukraine pour un exercice majeur (+MAJ 26022022)

Il y a un peu moins de 20 ans, l’armée de Terre française, soutenue par différents moyens interarmées, projetait en Ukraine un groupement tactique interarmes (GTIA) à dominante blindée, comprenant notamment 45 chars de combat Leclerc, pour un exercice se déroulant sur une durée de 50 jours. Retour, partiel, sur cet exercice, sans commune mesure, au moins en ampleur, depuis de nombreuses années. Et cela, alors même que "une mission d’experts du ministère des Armées", selon Florence Parly, ministre des Armées, était envoyée en Roumanie il y a quelques jours pour étudier les paramètres d’un possible déploiement français suite à l’annonce faite par le Président de la République, Emmanuel Macron, d’être "prêts à renforcer notre présence dans le cadre des missions de l’OTAN" suite aux dernières évolutions observables à l'Est de l'Europe. Un renforcement de la présence militaire dont les modalités n’ont pas encore été précisées ni même validées à ce jour, et dont la génération de forces est encore évidemment en cours, avant un éventuel déploiement.
 

Char Leclerc dans les steppes ukrainiennes. Photo d'époque.
Crédits : armor.kiev.ua.
 
Du 8 mai au 25 juin 2002, sur le champ de « Chiroky Lane » (ou « Cherokee Lane ») à Mykolayiv (dans le Sud de l'Ukraine), a été mené un « exercice blindé à l’étranger » (ou EBE). Des exercices précédents avaient été organisés précédemment en Bulgarie et en République Tchèque, mais étaient d'une bien moindre mesure (cf. ci-dessous). L'EBE en Ukraine avait concerné l’envoi d’un GTIA centré autour de 45 chars Leclerc, ce qui représentait autour de 20 du parc alors livré à l'armée de Terre, soit un effort non négligeable. Le contexte de l’époque était marqué par les livraisons en cours des derniers exemplaires de Leclerc à l'armée de Terre. Le premier char de série était produit en 1991, et 320 chars devaient être livrés à la fin de l'année 2002, avant un dernier lot pour atteindre la cible final de 406 chars en 2007 (avec quelques années de retard). Il avait été exprimé le besoin d’expérimenter encore certaines capacités d'une capacité qui montait en puissance : calibrage de la projection à longue distance des moyens représentatifs d’une brigade blindée, entraînement sur l’aptitude au tir en roulant dans de larges espaces ouverts, exercices de nuit, tirs en limite de portée, etc. En plus de fournir une vitrine dans le cadre du soutien à l’export de ce système (avec quelques prospects alors en cours). Tout en travaillant certaines compétences particulièrement utiles dans un conflit de « haute intensité » (soit "un affrontement soutenu entre masses de manoeuvre agressives se contestant l'ensemble des champs de conflictualité, physique et immatériel, dont l'objectif est la mise hors de combat de l'adversaire". Des problématiques pour certaines très actuelles.
 

MAJ 4 :  fin 2000 (entre octobre et décembre), un autre EBE avait été réalisé, cette fois-ci en Bulgarie, avec un sous-groupement (également fourni par la 2è BB), qui comprenait notamment des AMX 30 B2 (du 2è régiment de Dragons), des AMX 10 P (du 16è groupe de Chasseurs), une batterie de mortiers de 120 mm du 1er RAMa, et des éléments du Génie (du 13è RG encore). 

MAJ 5 : L'année d'avant, en 1999, c'était un EBE en République Tchèque, dans la région de Karlovy Vary, dans un ex camp d'entraînement du Pacte de Varsovie. Cet EBE verra notamment le déploiement d'une batterie d'AUF1 du 8è régiment d'Artillerie, avait été déployée. Comme se souvient un acteur de l'époque : "L'intérêt principal (outre la manœuvre logistique) était de manœuvrer sur un terrain inconnu, de pouvoir s'embosser (ce qui est difficile en France, à grande échelle) et de pouvoir tirer à proximité immédiate des troupes". Entre mai et juin 20221, avait eu lieu un autre EBE en république Tchèque, dans la zone de manœuvre de Turec, avec le déploiement de 1.300 militaires environ, dont 260 du 501/503è régiment de Chars de combat (RCC), notamment du 1er escadron du 501.
 

 
Photo d'illustration prise il y a quelques jours en Lettonie, dans le cadre de la mission Lynx.
Crédits : armée de Terre.
 
Le détachement, centré autour des moyens de la 2è brigade blindée (BB), était composé notamment d’une compagnie d’infanterie motorisée (du régiment de Marche du Tchad, principalement sur des blindés à chenilles AMX10PH, et des blindés VAB - 42 VAB, du RMT et d'autres, seront déployés au total), d'un détachement du Génie (avec 2 sections blindées et 1 section d’appui du 13è régiment de Génie), de 45 Leclerc et 8 VBLs (avec des équipages du 6/12è régiment de Cuirassiers et du 2è régiment de Dragons), d'un état-major de niveau brigade (de la 2è BB), des éléments de soutien (service des essences, escadron de maintenance régimentaire, éléments logistiques…) et d'un groupe d’artillerie avec 8 systèmes automoteurs AUF1 de 155 mm (du 1er régiment d’Artillerie de Marine), ainsi que des blindés chenillés AMX10 comme véhicules d'observation d'artillerie (AMX 10 VOA). Ce qui représente un effectif constant légèrement au-dessus des 1.000 personnels (soit sensiblement le volume de forces prévu, selon certaines sources, pour ce renforcement de présence en Roumanie), et un total de 450 véhicules environ. Avec un roulement au bout de 3 semaines pour les équipages de Leclerc, permettant ainsi d’entraîner l’équivalent de 6 escadrons.
 
MAJ 3 :  si quelques portes-engins blindés (PEB) ou TRM 700-100 (avec une remorque à 6 essieux, dont 3 directeurs, pour 24 pneus, sans compter les 10 du tracteur) ont été déployés pour le transport des chars Leclerc, avec un escadron de transport de blindés (ETB), les Leclerc feront une grande partie des déplacements, entre leur lieu de déchargement et le camp d'entraînement, par la route, sur leurs chenilles (ce qui n'aidera pas, d'ailleurs, à ne pas grandement user ces dernières... cf. ci-dessous).
 

mercredi 19 janvier 2022

Programmes de Défense - Celui-ci est-il plus pertinent ou crédible que celui-là ?

Allant au-delà des petites phrases prononcées ici ou là lors de débats, de discours ou d’interviews, ils devraient être prochainement présentés. Qu’ils soient sur-détaillés ou bâclés, centraux ou secondaires dans la stratégie électorale et la vision défendue par les candidats, les volets consacrés aux questions de défense des programmes des prochains candidats à la Présidence, et donc possibles futurs chefs des armées, ne vont pas manquer d’être bientôt disponibles.

Mais comment juger de la pertinence de ces déclarations d’intention ? Un passage au crible grâce à quelques points (loin d’être exhaustifs - les commentaires sont ouverts en bas de l'article pour les préciser si besoin) permettrait peut-être de dépasser les quelques biais, bien naturels, pouvant conduire à une certaine préférence de départ pour tel ou tel candidat, et ainsi préciser son jugement. Proposition de matrice.
 

Crédits : FSV / MA.

1. Parce qu’avoir pour seul horizon une comparaison aux autres dans une grande compétition mondiale de bodybuilding n’a qu’un intérêt limité (untel il en a 4, nous, nous n’en avons que 2, il en faudrait 5 !), la présentation pertinente du "pourquoi" de cette stratégie de défense n’est pas la moindre des priorités. Si, en France comme ailleurs, les objectifs assignés aux forces armées et les voies pour les atteindre, généralement avec d’autres acteurs, s’inscrivent dans une certaine tradition, du temps long, pouvant être une garantie de succès, le poids des contingences de court et moyen terme (menaces, risques, etc.) fait que des évolutions peuvent être jugées pertinentes. Lesquelles ? Le sont-elles vraiment ? Doit-il-y avoir rupture ? Une continuité ? Avant de parler de formats, de moyens ou de budgets, quels sont les objectifs assignés ? Sont-ils atteignables ? Se proposer "d'attaquer" tous pays avec qui des différents peuvent émerger est-ce pertinent ? Offrir son flanc en sacrifice ou se mettre des œillères sur certaines réalités est-ce tout aussi pertinent ? Avec qui ? Loin d’être un programme permettant une construction ex nihilo d’un modèle rêvé avec un t0, il s’agit bien d’adapter, au mieux, un système déjà existant. Avec son Histoire, ses équilibres, ses faiblesses, ses forces, ses relations avec d’autres acteurs (hors défense stricto sensu, d’ailleurs rarement traités…). Autant de points à ne pas négliger.

mercredi 5 janvier 2022

Djibouti - Des marins aux bérets verts, couchés à droite et badgés à gauche, à l’origine de la célèbre "Voie de l’Inconscient" (+MAJ 20/03/2022)

La "Voie de l’Inconscient", piste d’audace réputée située à une quarantaine de kilomètres de la capitale Djibouti, a vu passer des dizaines de milliers de militaires, français ou étrangers, venant se confronter au vide, s’y user le treillis, se charger les muscles en acide lactique et s’y râper les mains. Aujourd’hui surmontée d’une tête de mort blanche peinte sur la paroi rocheuse, cette succession d’obstacles, comprenant notamment tyroliennes, ponts de singe, asperge, gouttière, s’enchaînant sur plusieurs centaines de mètres et à plusieurs dizaines de mètres au-dessus du sol, est parcourue pour des activités d’aguerrissement, renforçant le corps et l’esprit, sous le regard plus ou moins bienveillant des maitres des lieux. Des instructeurs et moniteurs commandos, généralement à l’humour particulier et à la patience relative. Une piste à parcourir en moins de 25 minutes, le record actuel étant bien en-dessous de ce minima.

 
Des souvenirs, bons et moins bons, pour les générations de stagiaires qui y sont passées.
Crédits : armée de Terre.

Ces "gentils organisateurs" en treillis ont été durant des années issus de la Légion étrangère (depuis 1978, du Centre d'entraînement au combat d'Arta-plage (CECAP) de la 13è DBLE) ou des Troupes de Marine (après 2011, du Centre d’entraînement au combat et d’aguerrissement au désert (CECAD) du 5è RIAOM). Rares sont ceux qui savent qu’initialement, les premiers étaient coiffés d’un autre béret vert. Celui qui est couché à droite, avec badge à gauche "à l’anglo-saxonne", et dans un vert plus foncé que celui des légionnaires. Les premiers étaient en effet des commandos-marine, plus particulièrement du commando de Montfort. Une équipe de 5 commandos-marine ont en effet été les premiers à ouvrir cette voie en décembre 1976, a lui donner son nom (du fait de "sa roche friable et du peu de tenue des fixations sur la paroi", se rappelle un des protagonistes). Une voie qui sera ensuite améliorée par les habitants successifs de ces lieux, le centre amphibie des commandos-marine étant repris après 1978 par la Légion étrangère.