vendredi 30 octobre 2020

Lecture - "L'Histoire méconnue du Soldat inconnu", par Christophe Soulard-Coutand

Qui sait qu'il faudra attendre que la presse française apprenne fortuitement en octobre 1920 que les Britanniques envisagent d'honorer un "Soldat inconnu" pour que la classe politique française, après bien des tergiversations, fasse enfin déboucher un dossier trainant depuis 1918 ?

Qu’une fois validé début novembre 1920, cela sera en moins de 10 jours que tout sera décidé, du mode de désignation au choix de l’emplacement (le Panthéon ayant tenu la corde pendant longtemps, avant de céder face à l'Arc de Triomphe ) en passant par le déroulé de la cérémonie de  ce 11 novembre particulier ?

Que ce n'est que le 28 janvier 1921, l'année suivant cette inhumation provisoire donc, que ce Poilu inconnu sera finalement inhumé définitivement, après, là aussi, encore bien des débats, bien français, où "il était pressant d’attendre" ?

Que ce symbole du "Soldat inconnu", au-delà de la France et de la Grande Bretagne (où il est enterré "parmi les Rois" à Westminster), sera repris par plusieurs pays depuis lors, de la Bulgarie à l’Espagne, ou encore très récemment (en 2000) par le Canada ?

A quelques jours des 100 ans du choix du Soldat inconnu, c'est avec simplicité et précision que Christophe Soulard-Coutand, journaliste, officier de réserve et déjà auteur de plusieurs ouvrages historiques (sur l’opération Frankton, raid audacieux en kayak en 1942 sur Bordeaux, ou sur les Parlementaires morts pour la France, etc.), nous raconte cette Histoire méconnue du Soldat inconnu français (ouvrage paru récemment aux Éditions du Felin). 
 

Pas de longues digressions analytiques, mais une narration accessible qui permet de s'immerger dans l'ambiance de l'époque et de découvrir ce long cheminent ayant conduit à cette mise à l’honneur de cet anonyme qui représente les 300.000 disparus, mais plus largement les quelques 1,5 millions de soldats français morts durant la guerre. "Ce héros commun" (et non uniquement les grandes figures de chefs) comme le rappelle dans la préface l’actuel chef d’état-major des Armées, le général François Lecointre. Ce soldat héros et non victime, liant ainsi ceux d’hier et les volontaires d’aujourd’hui.

samedi 24 octobre 2020

Lecture - "Retour de la colline du désespoir" - Récit d'opérations du petit monde du renseignement humain, par Ulice Lombard

"L'opération Gregale, planifiée et menée conjointement du 21 au 28 mars dans le Sud de la vallée de Tagab par le Kandak 34 de l'armée nationale afghane (ANA), conseillé par une OMLT française, et par la Task Force Altor, a pour but d'accroitre le contrôle de la zone s'étendant au Sud du parallèle 46, tout en posant des jalons pour une meilleure maîtrise de la vallée plus au Nord, dans la direction du village de Tagab" : voici comment commençait le compte-rendu officiel, laconique, d'une opération majeure menée il y a plus de 10 ans en Afghanistan, en mars 2010, par les militaires français et afghans. Pas un mot sur une quelconque prise à partie par des "insurgés". Lire le récent livre "Retour de la colline du désespoir", c'est réaliser une plongée au plus près des opérations, dans le quotidien de cette période afghane qui a marqué, parfois durement, toute une génération de militaires. Notamment cette opération là, racontée par l'auteur, avec une phase de désengagement d'un point haut particulièrement risquée et marquante (d'où en partie le titre de l'ouvrage). Et cela sous le feu. C'est découvrir un tout autre point de vue.


C'est une plongée très précise que l'auteur de l'ouvrage, adjudant-chef écrivant sous pseudo, offre via ce récit d'opérations. Une plongée d'une certaine façon violente, autant par les faits racontés que par les interpellations, directes et indirectes, que l'auteur fait au lecteur. Que ce dernier soit militaire, quelque soit son grade ou son unité d'origine, ou civil, concerné ou non par les questions militaires. C'est en apprendre plus sur une petite partie du quotidien de cette génération afghane, cette génération qui a connu le feu qui tue, ou au moins qui marque et transforme. Une génération déjà, hélas, presque oubliée, qui remplaçait la génération ivoirienne, et qui est déjà remplacée par une autre, sahélienne, en attendant peut être une suivante. Une génération qui se laisse découvrir, en offrant ici une plongée singulière dans le très petit monde, discret, du renseignement humain : "ces capteurs spécialisés non issus du monde des forces spéciales". Comme nous le confie l'auteur, "c'est un livre à plusieurs niveaux de lecture, où chacun devrait pouvoir saisir différents points et trouver un intérêt à différents titres".

mercredi 7 octobre 2020

Elika Team – Le parcours du combattant d’une première levée de fonds réussie

Réussir à boucler une première levée de fonds en période de confinement. Avec cinq investisseurs (publics ou privés) tous basés en France sans céder aux sirènes étrangères. En étant une start-up évoluant dans le monde de la Défense de la Sécurité, secteur perçu comme "à risques" (compliance, image, faible rendement…) par les acteurs bancaires et financiers. Sans travestir sa volonté de demeurer une entreprise responsable en œuvrant au profit des militaires blessés (embauchés et soutenus). Tout en proposant une innovation de services perçue comme moins "tendance" qu’une innovation purement technologique. Cinq gageures relevées récemment avec succès par la société Elika Team.


Un entrainement linguistique opérationnel adapté

Start up intergénérationnelle (mère-fille) fondée en 2015, Elika Team propose une offre dans le domaine de l’ingénierie linguistique, avec une méthode innovante d’apprentissage des langues (aujourd’hui l’Anglais et le Français langue étrangère, demain l’Arabe littéral et d’autres langues à l’étude). Et cela appliqué au monde de la Défense et de la Sécurité (forces armées et de sécurité notamment, françaises mais également avec des premières approches à l’étranger, et également, dans le cadre d’un développement horizontal, avec des pistes vers les sociétés privées œuvrant notamment à l’international dans le domaine de la sécurité et de la sureté). Afin d’avoir une solution répondant aux codes propres du secteur, ses besoins spécifiques, son argot ou encore sa passion des acronymes…

Les premières formations ont débutée en 2015, quelques jours après l’enregistrement de la structure, avec les forces spéciales françaises pour développer la maitrise de l’Anglais (vu l’environnement interallié des opérations menées alors) des contrôleurs aériens avancés (FAC pour Forward Air Controller ou JTAC pour Joint Terminal Attack Controller). Ces derniers sont en charge de l’intégration de la composante aérienne dans la manœuvre des troupes au sol (demande d’appui-feu, guidage, évacuation aérienne,  demande de renseignement, déconfliction entre les différents avions, hélicoptères ou drones, etc.), et sont donc au contact permanent (texte ou radio) avec des militaires de différentes nationalités. 

Crédits : FSV / Mars Attaque.

Plus précisément, un régiment de forces spéciales terrestres (puis plusieurs) souhaitait revoir la préparation des stagiaires envoyés au centre de formation à l’appui aérien (CFAA), centre basé à Nancy qui délivre les formations dans le domaine. Des formations qui nécessitent une bonne maitrise de l’Anglais opérationnel, pour agir clairement et distinctement, avec le stress des opérations (parfois en 1ère ligne au milieu des combats). Le taux d’échec était jusqu’alors trop élevé (de l’ordre de 50%), ne permettant pas de renouveler les diplômés, réduisant donc la capacité opérationnelle du régiment et monopolisant des éléments, rares, sur des formations finalement non validées. Suite aux préparations par les formateurs d’Elika Team (pour certains anciens diplomés, et plus largement anciens aviateurs ou forces spéciales), le taux de réussite est monté rapidement à 100%. Permettant un emploi immédiat de ces opérateurs diplômés, qui partiront quelques mois après en mission au Levant (Task Force Hydra) ou au Sahel (Task Force Sabre). Un partenariat avec Elika Team que l'Etat-Major du Commandement des Opérations Spéciales (COS) décrit comme "ayant déjà donné satisfaction à certaines de nos unités [..] C'est pourquoi nous manifestons un intérêt réel pour les solutions qu'elle offre, notamment cette nouvelle fonctionnalité destinée aux opérateurs des unités spécialisées". Avec une formation qui se diversifie.

jeudi 1 octobre 2020

Impression 3D au sein des armées - "Patience et longueur de temps font..."

Réussir à garantir l’intégrité et la conformité des plans des pièces produites en impression 3D ou sécuriser un modèle économique de la fabrication additive entre industriels détenteurs de la propriété intellectuelle et producteurs des pièces imprimées sont-ils des verrous technologiques et procéduriers en passe d’être levés ?

En quelques mois, le déploiement de manière incrémentale de la fabrication additive au sein des forces armées, et notamment de l’armée de Terre, a encore progressé depuis le dernier point publié. Et certaines solutions ont permis d’apporter des pistes prometteuses de réponses à ces verrous.

A quelques jours de la Présentation des Capacités de l'Armée de Terre (PCAT) du 8 octobre et à quelques semaines du Forum Innovation Défense (FID) du 19 au 21 novembre, où les apports de l’impression 3D seront notamment présentés, retours sur ces avancées. Avec des initiatives lancées avant l'épidémie de la COVID-19, la crise venant confirmer leurs intérêts et accélérer leur déploiement.

Bâtir une (block)chaine de confiance entre tous les acteurs

Dans le cadre d’une expérimentation grandeur nature menée en opération extérieure, la solution MainChain de l’éditeur français de logiciels Vistory a permis de garantir la sécurité de bout en bout du processus de production des pièces de rechange imprimées, d’assurer la traçabilité des pièces produites, et de valider un outil indispensable à la mise en place d’un modèle économique où tous les acteurs y trouvent leur compte
 
 
Et dans un délai très réduit (environ 6 mois) : une 1ère rencontre informelle avec l’armée de Terre (particulièrement la SIMMT, structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres, tête de pont de la maintenance terrestre) en septembre 2019, la signature en décembre d’un contrat de démonstration de faisabilité, avec le soutien de l’Agence pour l’innovation de défense (AID), le déploiement en février 2020 sur l’opération Barkhane (à N'Djaména, au Tchad), jusqu'à la validation des résultats et des enseignements en mai.

Cette solution est basée sur l’usage de la blockchain (technologie décentralisée, donc plus sécurisée dès lors que chacun des utilisateurs détient une partie de la validation algorithmique, de stockage et de transmission d’informations, avec différentes briques de sécurisation : cryptologie, base de données SQL, etc.). Une blockchain privée, limitée à certains utilisateurs : SIMMT, industriels et fournisseurs des fichiers de CAO (Conception assistée par ordinateur) comme Nexter et Arquus, fournisseurs d’imprimantes comme Prodways, et utilisateurs finaux qu’étaient le détachement de la 13è BSMAT à Tulle et le détachement déployée au Tchad. Et une blockchain basée sur le protocole Ethereum, qui permet la création de contrats (avec des microprogrammes exécutant automatiquement des conditions définies en amont).