De nouvelles contributions d’Olivier Kempf ou de SD. Après avoir tenté d’en saisir la substantifique moelle, il faut tenter de rebondir, réagir. Ce qui tend à prouver, pour moi, qu’il n’y a pas d’hommes cultivés mais que des hommes qui se cultivent… Et que la culture ce n’est pas innée, cela se travaille. Donc quelques nouvelles remarques, pour influencer plus que pour trancher un débat qui dépasse mes connaissances.
Pour les trois subdivisions (tactique, opératif et stratégique), Olivier Kempf parle d’une dimension géographique, fonctionnelle et de leurs conséquences. En matérialisant des concepts et des idées pour simplifier, cela donne des structures. Ainsi en France, le stratégique peut être considéré du ressort de l’exécutif (Premier ministre en tête selon la Constitution de 1958) avec l’ajout de l’EMA par le CPCO (Centre de planification et de conduite des opérations). L’opératif (bonne remarque, sur une traduction inadéquate du terme « operational » en opérationnel, je prends acte) serait donc les OHQ (operational Headquarters) ou commandements de théâtre. Enfin le niveau tactique est communément divisé entre le niveau tactique des cellules élémentaires de bases (compagnies, sections, navires, escadrilles, avions) et le niveau micro-tactique ou humain.
Il est vrai, que les structures ne sont que ce qu’elles représentent et ce qu’elles produisent. Or de plus en plus avec des moyens à haute valeur ajoutée stratégique (porte-avions, sous-marins, mais aussi bombardiers stratégiques, FS, lanceurs de missiles…) on s’y perd un peu et les niveaux sont autant inclus les uns dans les autres que des tstructures peuvent avoir une fonction tour à tour stratégique, opérative ou tactique. Ou encore le niveau opératif est quelque fois dépassé par des règles d’engagement complexes. Ainsi certaines ROE (rules of engagement) obligent un chef de char au sein d’une opération d’interposition qui dégénère, de prévenir par les systèmes de communication, qui suivent la chaine de commandement, un gradé parisien pour avoir l’autorisation de faire feu avec son canon de 105 mm. L’autonomie dont dispose certains chefs de cellules tactiques est communément plus importante. Le va et vient incessant entre le terrain et les décisions qui sont la confrontation des idées aux réalités, ou l'action et la réaction dynamique, bouleversent souvent le modèle préétabli.
Avant tout ce découpage de l’art de faire la guerre reste un modèle vers lequel il faut tendre sans aucun doute par efficacité et par la justesse de construction. Le stratégique donne la voie à suivre à l’opératif qui donne ses ordres au niveau tactique. Mais aujourd’hui (et peut être hier, il faudrait regarder…) ne voit t’on pas un boulversement de ce modèle ? Y a t'il eu des modéles parfaits ? Sans aucun doute. Quand la stratégie tergiverse, le tactique ne donne i'il pas la mesure plus ou moins sous la direction de l’opératif ? Même si c’est avec peu d’efficacité. Quand il y a des ordres et des pions sur le terrain, le niveau tactique réagira même si après on ne sait pas trop pourquoi on agit. Les erreurs des uns peuvent entrainer les autres au désastre mais pas forcément avec réciprocité.
Et enfin pour la dissuasion vs. fixer. La dissuasion (un nom) : c’est persuader (un verbe) l’autre de ne pas agir tant les risques encourus sont élevés. Donc si on ne peut agir par la contrainte directe ou indirecte on est fixé (toujours un verbe) à nos positions antérieures. C’est peut être trop simpliste: dissuassion = plutôt plus que moins fixation… Pour info, dans le TTA 106, les termes connexes utilisés pour fixer sont contenir (limiter les mouvements à un secteur) ou détourner (forcer à changer de direction). Et pour amener un exemple il est écrit que les Détachement d’intervention Leclerc (comme ceux que l’on voit dans les QRF de la FINUL au Liban) sont « des éléments d’intervention et de dissuasion d’une force engagée dans des actions de stabilisation ». Quel niveau : opératif ou tactique mais je ne pense pas stratégique ? Tendant à relativiser la prise en compte dans TTA 106 de la dissuasion comme uniquement nucléaire. Il en est de même pour la nécessaire dissuasion dans le mode tactique de sécurisation (création d’un environnement stable et sûr).
Des termes ont sans doute une connotation plus tactique, opérative ou stratégique. Mais décrivent-ils pas pourtant une réalité transposable ?
P.S. : L’Afghanistan est d'actualité et j’étudie la guerre d’Algérie. Donc ma vision du stratégique par rapport à l’opératif et au tactique est sans aucun doute connotée. Un ton un peu direct de mes propos cache mal une pensée moins assurée qu'il n'y parait et en plein questionnement
2 commentaires:
Pour clarifier ces questions, il existe un texte de base qu’il faut consulter, à la fois parce que ses rédacteurs avaient des idées assez bien organisées et parce qu’il bénéficie de la seule légitimité qui vaille : celle du suffrage universel. Ce texte, c’est bien évidemment la Constitution de 1958, encore valable.
La Constitution est claire : le Premier ministre est responsable de la Défense nationale (art.15). Le Président n’intervient en la matière que dans le cas de l’article 16 : pouvoirs exceptionnels pour faire face à une situation exceptionnelle (voir le texte pour vérifier les termes exacts). Par conséquent les niveaux de responsabilités sont clairement établis : aussitôt qu’on passera en article 16, la responsabilité incombera au Président. Or ce sera nécessairement le cas quand la situation amènera à s’interroger sur l’emploi des armes nucléaires. Jusque là, on est en situation juridique normale et la responsabilité incombe au Premier ministre : c’est notamment le cas pour les opex ainsi que pour la préparation des forces.
Encore un mot : la prétendue « dissuasion tactique » n’existe pas, il s’agit seulement d’un glissement sémantique. Le mot « dissuasion » (qui vient du verbe «dissuader», premier groupe, et qui signifie « persuader de ne pas ») est entré dans le vocabulaire des stratèges français en même temps que l’AN22 (pour Arme Nucléaire de 22 kilotonnes) à partir de 1960. De ce fait beaucoup considèrent les mots « nucléaire » et « dissuasion » comme des synonymes, ce qui revient à confondre le but et le moyen. Lorsqu’on parle de dissuasion tactique, c’est une erreur de vocabulaire. L'origine de cette erreur se situe dans l'expression "nucléaire tactique", expression exacte s'appliquant par exemple au missile Pluton. Le Pluton n'était pas une arme de dissuasion au sens où l’entendaient les fondateurs de la doctrine de dissuasion. Le Pluton était une arme nucléaire tactique, anti-forces, une arme de combat qui ne menaçait pas directement les dirigeants politiques. On peut croire que cela pouvait dissuader, mais c'est une extension très large et très aléatoire de la doctrine de dissuasion.
Merci pour ces quelques remarques bienvenues.
Grossière erreur de ma part, pour l'organisation de la Défense nationale (corrigée depuis). Certains de mes professeurs en rougiraient et me maudiraient.
Prenant le problème dans l'autre sens: la dissuasion si elle ne peut pas être tactique, est-elle alors simplement opérative ou stratégique ?
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