Les opérations réseaux-centrées permettant de gérer et déclencher à distance des feux de précision (artillerie sol-sol, missiles mer-terre, frappes aériennes, etc.) ont rendu caduques l’importance du choc d’hommes à hommes pour l’obtention de la décision. Il est possible de l’emporter de loin sans jamais voir à l’œil nu sa cible. Le « combat indirect » prime alors sur la fonction opérationnelle « contact ». « La bataille des 300 derniers mètres » semble faire partie de l’Histoire passée à l’époque des antiques charges et assauts. Pourtant, les opérations militaires en phase de stabilisation redonnent la prééminence à l’infanterie. La période est au contact direct (en particulier la composante « combat débarqué ») au sein de la population qu’il faut convaincre et contre l’adversaire qu’il faut parfois détruire. Le modèle très irakien des embuscades en zone urbaine consacre « la bataille des 10 derniers mètres » rendue primordiale dans ce milieu clos.
La contre-rébellion étant composée de phases de haute ou de basse intensité, les militaires agissant aujourd’hui en Afghanistan font face à des situations très diverses : des tirs d’harcèlement à plus de 300 mètres par un adversaire tenant les crêtes et invisibles derrière les rochers, des embuscades où l’ennemi tente de s’imbriquer dans les dispositifs amis pour empêcher l’appui aérien lors des désengagements afin de ne pas risquer les tirs fratricides, etc. La ligne de front n’est plus face à soi, mais la menace est multi-directionnelle, pouvant venir des 360°, au près comme au loin.
Les fondamentaux tactiques enseignés aux combattants intègrent ces caractéristiques. Ainsi, les Britanniques font un effort particulier sur les transmissions lors des mises en condition avant une projection dans le Helmand. À la maxime « chaque soldat est un capteur » montrant l’importance de la collecte de renseignements en contre-insurrection, ils ajoutent que « chaque soldat est aussi un transmetteur ». Ils multiplient donc les compétences de base afin qu’un maximum de soldats puisse guider un tir d’artillerie ou une frappe aérienne en cas de contact avec l’ennemi. Agissant dans une zone en partie couverte par une végétation dense (surtout dans la « Green zone » humide le long du fleuve), les Britanniques prennent des mesures adaptées pour des opérations où la visibilité est réduite, les champs de tirs non dégagés et les possibilités de sa cacher nombreuses. Ainsi, l’ensemble des patrouilles à pieds se font avec la sélection « rafale » est enclenchée sur les fusils d’assaut. Ceci est nécessaire pour pouvoir répliquer par réflexe avec un tir saturant la zone de départs de coups et qui fait immédiatement baisser la tête à l’adversaire.
De plus, si les combats au corps à corps ne sont pas fréquents, ils ne sont pas non plus inexistants. « La bataille des derniers centimètres » (pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu cf. l’étude du colonel Goya) est une réalité vécue. Ainsi, il n’est pas rare que les patrouilles se fassent la baïonnette au canon comme en témoigne les nombreuses photos des correspondants de guerre. Un lieutenant du Royal Regiment of Scotland a récemment reçu la Military Cross pour avoir tué à la baïonnette en juillet 2008 un insurgé qui fonçait sur lui avec sa mitrailleuse. Il explique lucidement sa réaction et son geste, montrant l’impact du drill et des « forces morales » du combattant.
Depuis la bataille des Faklands en 1982, les forces terrestres britanniques ont plusieurs fois eu recours à la baïonnette lors de combats au corps-à-corps. Le centre d’analyse américain sur la guerre urbaine (UWAC) revient sur un épisode se déroulant en mai 2004 en Irak. Une patrouille d’une vingtaine de Britanniques est prise en embuscade par une centaine de miliciens chiites de l’armée du Mahdi. Quand les munitions commencent à manquer et que les secours tardent, ils décident de charger pour se désengager, tuant 20 à 35 insurgés sans aucune perte du côté britannique. L’UWAC relève que cette démonstration de force fut couronnée de succès malgré le déséquilibre des forces car la surprise fut totale chez l’adversaire peu habitué à ces méthodes non-conventionnelles de combat et croyant les Occidentaux lâches et incapables de mener un combat au corps-à-corps.
Si les Français cherchent dans leur doctrine plutôt à se protéger d’une mauvaise surprise adverse qu’à la créer, la culture militaire britannique consacre la surprise comme un élément de l’art de la guerre qui permet de gêner l’adversaire et de contourner ses attentes. Contournement, règle éternelle de la guerre…
PS : pour alimenter l’actuel débat créé par l’article du Times (n’apportant rien de nouveau pour ceux qui se sont penchés sur cette tragique embuscade…), je conseille la lecture de l’étude et du manuel du Center of Army for Lessons Learned sur « l’argent comme une arme en COIN ».
La contre-rébellion étant composée de phases de haute ou de basse intensité, les militaires agissant aujourd’hui en Afghanistan font face à des situations très diverses : des tirs d’harcèlement à plus de 300 mètres par un adversaire tenant les crêtes et invisibles derrière les rochers, des embuscades où l’ennemi tente de s’imbriquer dans les dispositifs amis pour empêcher l’appui aérien lors des désengagements afin de ne pas risquer les tirs fratricides, etc. La ligne de front n’est plus face à soi, mais la menace est multi-directionnelle, pouvant venir des 360°, au près comme au loin.
Les fondamentaux tactiques enseignés aux combattants intègrent ces caractéristiques. Ainsi, les Britanniques font un effort particulier sur les transmissions lors des mises en condition avant une projection dans le Helmand. À la maxime « chaque soldat est un capteur » montrant l’importance de la collecte de renseignements en contre-insurrection, ils ajoutent que « chaque soldat est aussi un transmetteur ». Ils multiplient donc les compétences de base afin qu’un maximum de soldats puisse guider un tir d’artillerie ou une frappe aérienne en cas de contact avec l’ennemi. Agissant dans une zone en partie couverte par une végétation dense (surtout dans la « Green zone » humide le long du fleuve), les Britanniques prennent des mesures adaptées pour des opérations où la visibilité est réduite, les champs de tirs non dégagés et les possibilités de sa cacher nombreuses. Ainsi, l’ensemble des patrouilles à pieds se font avec la sélection « rafale » est enclenchée sur les fusils d’assaut. Ceci est nécessaire pour pouvoir répliquer par réflexe avec un tir saturant la zone de départs de coups et qui fait immédiatement baisser la tête à l’adversaire.
De plus, si les combats au corps à corps ne sont pas fréquents, ils ne sont pas non plus inexistants. « La bataille des derniers centimètres » (pour ceux qui ne l’auraient pas encore lu cf. l’étude du colonel Goya) est une réalité vécue. Ainsi, il n’est pas rare que les patrouilles se fassent la baïonnette au canon comme en témoigne les nombreuses photos des correspondants de guerre. Un lieutenant du Royal Regiment of Scotland a récemment reçu la Military Cross pour avoir tué à la baïonnette en juillet 2008 un insurgé qui fonçait sur lui avec sa mitrailleuse. Il explique lucidement sa réaction et son geste, montrant l’impact du drill et des « forces morales » du combattant.
Depuis la bataille des Faklands en 1982, les forces terrestres britanniques ont plusieurs fois eu recours à la baïonnette lors de combats au corps-à-corps. Le centre d’analyse américain sur la guerre urbaine (UWAC) revient sur un épisode se déroulant en mai 2004 en Irak. Une patrouille d’une vingtaine de Britanniques est prise en embuscade par une centaine de miliciens chiites de l’armée du Mahdi. Quand les munitions commencent à manquer et que les secours tardent, ils décident de charger pour se désengager, tuant 20 à 35 insurgés sans aucune perte du côté britannique. L’UWAC relève que cette démonstration de force fut couronnée de succès malgré le déséquilibre des forces car la surprise fut totale chez l’adversaire peu habitué à ces méthodes non-conventionnelles de combat et croyant les Occidentaux lâches et incapables de mener un combat au corps-à-corps.
Si les Français cherchent dans leur doctrine plutôt à se protéger d’une mauvaise surprise adverse qu’à la créer, la culture militaire britannique consacre la surprise comme un élément de l’art de la guerre qui permet de gêner l’adversaire et de contourner ses attentes. Contournement, règle éternelle de la guerre…
PS : pour alimenter l’actuel débat créé par l’article du Times (n’apportant rien de nouveau pour ceux qui se sont penchés sur cette tragique embuscade…), je conseille la lecture de l’étude et du manuel du Center of Army for Lessons Learned sur « l’argent comme une arme en COIN ».
4 commentaires:
Vous avez raison de mettre l'accent sur les fondamentaux en terme de renseignement et de transmissions (oubliés un temps en France), pour la formation des plus bas niveaux. Les actes réflexes du combattant, jadis, comprenaient "observer" (renseignement) et "communiquer", "garder la liaison", "rendre compte" (transmissions).
Cordialement
SD
@ SD: Intéressant comme rappel historique sur les actes réflexes (je cherchais l'expression en rédigeant ces quelques lignes...). Alors que les transmissions étaient réservés pour les spécialistes ou alors au niveau des chefs d'unités élémentaires!
Comme toujours et pour de nombreux contingents, l'A-Stan agit comme révélateur des forces, des faiblesses, des oublis... Et théâtre où chaque erreur se paye cash!
Merci pour les liens vers le manuel et l'étude concernant l'emploi de l'argent en COIN.
J'ajouterai que cet emploi ne peut être valable au niveau tactique (Cf les sous-titres "tactics, Techniques and Procedures") que s'il participe à un but stratégique clairement défini dans le cadre d'une (fameuse) approche globale (comprehensive approach). Cela comprend également, à mon sens, une indispensable action coordonnée avec les alliés présents sur le théâtre.
Au final, les derniers centimètres n'ont de valeur que rapportés à leur efficacité pour remplir un objectif intéressant l'ensemble du théâtre donc mesuré en milliers de KM² !
Le cm qui est utile et déterminant que rapporté au km², voilà une bonne conclusion que j'aurais bien aimée trouver de moi même!
L'effet macro jusqu'à l'effet pano: voici toute la difficulté de bine tout organiser du tactique au stratégique et inversement!
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