mardi 13 mai 2025

Comand AI - Les assistants digitaux pensés en France des officiers d’état-major

Une création en septembre 2023. Déjà 12M€ levés en plusieurs levées. 3 produits en pleine montée en maturité. Un peu plus de 20 employés, avec des anciens de Palantir ou d’Andurill de retour en France, ou d’Open AI. 2 bureaux (en France et en Grande-Bretagne). Des 1ers contrats fermes signés en France et à l’étranger (comme en Allemagne), et d’autres pistes sérieuses à l’export (Grande-Bretagne, Ukraine, Pologne, Émirats Arabes Unis, Organisation du Traité de l'Atlantique Nord…). En moins de deux ans, la trajectoire du développement de la société française Comand AI est rapide, pour ne pas dire exponentielle, en bascule avant permanente pour tenir le rythme de l’évolution technologique et celui de la concurrence.

A l’origine, une intuition sur l’apport que pourrait apporter de manière raisonnée et rapide les algorithmes d’intelligence artificielle sur les taches les plus chronophages pour les structures de commandement, en offrant des briques utiles dans la boucle de déçision : « Plus qu’une simple automatisation pour gagner du temps, il s’agit d’une augmentation », explique la société. Ces structures de commandement sont composées de militaires, rares, dont la formation est longue et couteuse. Il y a dans les armées françaises un pool de 2.000 officiers environ en mesure de tenir des postes dans des structures hautes de commandement (brigade, division, corps d’armée…). Avec un peu plus de 100 à 200 nouveaux officiers formés par an. Sans même prendre en compte des taux forcément élevés d’attrition pour tenir correctement dans la durée ces structures en cas mise en œuvre des contrats opérationnels les plus exigeants, il en faudrait environ 10 fois plus.

Il s’agit donc pour Comand AI de fournir des « assistants digitaux » aux officiers d’états-majors pour accélérer et améliorer la préparation et la conduite de la manœuvre. Le temps de préparation nécessaire à la sortie d’un ordre de niveau brigade est réduit par un facteur de 3 à 4, tout en apportant une importante capacité de check list de toutes les composantes (réserves, plan de feux, logistique…). Ainsi, les premières expérimentations menées au niveau du poste de commandement d’une brigade de l’armée de Terre (la 7ème brigade blindée) permettent de faire passer le temps de préparation d’un ordre d’une opération sur les 96 prochaines heures de 12H à 4H. Tout en compensant en partie un éventuel manque d’expérience des officiers d’état-major via l’utilisation d’un important lac de données, déconnecté si besoin d'Internet. La possibilité de jouer en quelques minutes plusieurs modes d’action permet aussi de garantir un 'battle rythm' adéquat, tout en anticipant mieux les cas les plus dangereux ou les plus probables.Il s’agit donc de se concentrer sur la planification et l’élaboration augmentée, et tout ce qui n’est pas orientation ou décision en tant que telle, laissées à l’appréciation du commandement. Les champs d’application sont, du fait des premiers contrats, plutôt le secteur terrestre pour le moment, avec des premiers développements menés dans le secteur aéronautique et des réflexions lancées dans le secteur naval.


 Sur les aspects hardware, il s’agit de faire rentrer en 1 à 2 mallettes de type ‘Peli Case’ un ordinateur durci relié à un serveur avec un data center équipé de puces NVIDIA. Le Tactical Hub pèse donc moins de 20 kg pour faire tourner la suite logicielle maison appelée Prevail. Elle est composée de plusieurs produits. Battlefield Command aide à planifier et tester les différents scénarios possible d’une opération. En s'inscrivant dans la méthode d'élaboration d'une décision opérationnelle tactique (MEDOT) ou de niveaux supérieurs, elle peut aider à préparer les 'Operationnal Orders' (OPORD), mais surtout à les digérer, pour répartir les tâches et le 'battle rythme' dans un état major. Elle s’adapte aussi aux nouveaux ordres qui viendraient (comme les Fragmentary orders ou Frago ou les Warning orders). Operational Readiness est une encyclopédie évolutive et interrogeable pour le retour d’expérience en boucle courte, en permettant de diffuser les leçons apprises à d’autres unités qui planifient ou conduisent des opérations similaires à un cas reconnu par l’IA (que cela soit en entrainement ou en opérations). Via l’utilisation d’algorithmes entrainés par renforcement et une IA générative, l’outil est ainsi capable de fournir une analyse allant des observations, sourcées, jusqu’aux recommandations.


D’autres applications sont en cours de développement, notamment sur les aspects cartographiques par une approche combinant des grands modèles de langage et une approche multimodale, afin de lire une carte, à la fois dans l’espace et dans le temps, d’un point de vue bleu (ami) comme rouge (ennemi). Cela doit permettre de proposer des plans en s’appuyant sur les taches prévues… et les taches induites sous-jacentes (en lien avec la doctrine ou les retours d’expérience passés. Tout en générant au final des documents, explicables, sous forme de slides ou autres.

Ayant fait leurs preuves au cours de démonstrations et d’expérimentations en exercices, les marques d’intérêt ne manquent pas. Pour des contrats en direct avec des utilisateurs finaux, mais aussi pour des partenariats avec des acteurs de premier rang de la BITD française, européenne et au-delà, avec des acteurs à la fois du hardware et du software.

Pour tenir la cadence, notamment le rythme de l’attractivité et de la fidélisation des ressources humaines, une  nouvelle levée de fonds est à mener d’ici quelques mois, en lien avec la confirmation des actuelles perspectives commerciales. Elle intéresse du monde en France et à l’étranger. Des fonds d’investissement de premier ordre sont déjà présents (Eurazeo, Frst…), d’autres se sont montrés intéressés au tour précédent et regardent celui à venir. Qu’ils soient français, européens (avec déjà un acteur polonais, Expeditions Fund, présent au capital), ou d’ailleurs (avec le choix affirmé de ne pas avoir de fonds d’origine américaine à plus de 25% de l’actionnariat, malgré les appels du pied d’acteurs importants). Il s’agit d’acteurs proches du secteur de la défense mais aussi d’acteurs plus éloignés, issus du monde de la tech plus civile.

Les prochains mois s’avèrent donc cruciaux pour le développement de ces assistants digitaux pensés en France, en parallèle de tout le processus d’adoption mené auprès des utilisateurs. Au-delà des aspects de vitesse et de précision des outils, le passage à l’échelle passe bien par une forte acculturation, accompagnant cet effort de conquête et de maintien de la souveraineté sur ces aspects software.

Crédits : Comand AI.

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