vendredi 30 avril 2010

L'axe du moindre mal - Le plan Obama/McChrystal pour l'Afghanistan

Le site internet de l'Institut de Recherche Stratégique de l'École Militaire (ou IRSEM) a (enfin) été mis en ligne. Les nombreux rendez-vous, conférences, colloques de ce centre de recherche du ministère de la Défense y sont répertoriés ainsi que les premières publications.

En particulier, je signale, de manière non complètement désintéressé puisque j'y ai à mon niveau participé, la parution du numéro 2 des Cahiers de l'IRSEM. Il traite du "plan Obama/McChrystal" en Afghanistan.

En voici la présentation:
Commandé par le président américain, nouvellement élu, afin de définir sa stratégie en Afghanistan, le rapport du général Mac Chrystal (commandant de la FIAS), rendu en août dernier, appelle à une meilleure compréhension du contexte local, à un changement de culture opérationnel mais aussi et surtout à un renforcement des forces en présence. C’est sur la base de cette évaluation que Barack Obama, héritier de cette guerre, qu’il a depuis faite sienne, s’est prononcé le 2 décembre dernier en annonçant l’envoi de 30 000 hommes supplémentaires sur le terrain et en esquissant un calendrier de retrait. L’IRSEM propose dans son Cahier n°2 une traduction de ce rapport, éclairant sur la situation actuelle et sur la stratégie américaine en Afghanistan ainsi qu’une analyse de la décision de Barack Obama déterminante pour l’évolution de la stratégie des Alliés.

A consulter pour lire une bonne analyse de la situation, écrite conjointement par le colonel Goya, que l'on ne présente plus, et Benoist Bihan (anciennement Stent et toujours allié sur l'Alliance géostratégique). De plus, marotte des uns et des autres, y est développée la nécessité d'une véritable réflexion de niveau opératif ainsi que quelques perspectives d'avenir à court terme.

jeudi 29 avril 2010

Note du rédacteur

Un court billet pour quelques nouvelles…

Comme vous avez pu vous en rendre compte (à part ces derniers jours pour cause de vacances), le rythme de publication a augmenté depuis le début du mois d’avril. Il devrait rester soutenu, en particulier sur un sujet comme l’Afghanistan, dans les 4 à 5 mois à venir.

Parallèlement à l’augmentation du nombre de billets, de plus en plus de visiteurs passent quotidiennement par Mars attaque. Cela compte dans la motivation du rédacteur… Merci à vous, en espérant vous voir encore plus nombreux à rédiger des commentaires ou proposer des billets.

De plus, j’ai eu l’honneur d’être cité (avec AGS et Pour convaincre) par le magazine mensuel de l’armée de Terre d’avril 2010 (page 69), dans une liste de « Huit adresses de référence » de la Défense sur la toile. Une petite fierté qui n’est ni une consécration ni l’obligation d’épouser « la ligne du parti ».

Enfin, je conseille la lecture de billets publiés sur des blogs traitant de l’Asie centrale : Registan et Ghosts of Alexander. Ils décrivent de manière humoristique les raccourcis, redondances et tics des « experts proclamés » écrivant sur l’Afghanistan… C’est très souvent juste. Je devrais me méfier…

samedi 17 avril 2010

Requiem pour la « Révolution des Tulipes » et chrysanthèmes pour la base aérienne de Manas ?

Suite des analyses d'Alexandre Guérin sur les évenements en Asie Centrale avec une mise en perspective à l'échelle régionale et les répercussions possibles sur l'Afghanistan.

L'éviction de Kourmanbek Bakyiev constitue un revers important pour Washington en Asie Centrale. Le dirigeant kirghize, parvenu au pouvoir lors d'une « Révolution de Couleur » et aujourd'hui réfugié dans le Sud du pays, semble se résigner à sa déchéance inéluctable. Avouant son impuissance, il a fini par démissionner et a depuis quitté le pays, échappant ainsi aux poursuites que pourrait entreprendre le gouvernement intérimaire[1].

De plus, alors que les États-Unis semblaient au début réticents à reconnaître le nouveau pouvoir [2], Moscou a déjà multiplié les signes positifs vis-à-vis de l'ex-opposition. Le Kremlin a ainsi rapidement reconnu le gouvernement intérimaire et étudierait favorablement une demande d'aide extraordinaire émanant de lui. Par ailleurs, la Russie a également attisé l'insatisfaction qui a permis le renversement de Bakiyev [3] et les services de sécurité russes auraient usé de leur influence pour dissuader certaines garnisons d'intervenir contre les manifestants. Enfin, la Moscou conserve plusieurs leviers à même de faire plier le Kirghizistan dans le cas où le gouvernement de transition tenterait de réitérer la ruse imaginée par Bakiyev (accepter de l'argent russe en échange d'une promesse de fermeture de Manas, puis revenir sur sa parole une fois les premiers versements parvenus).

Conscient de son retard, Washington multiplie depuis peu les signes de bonne volonté à l'égard du nouveau gouvernement [4]. Les États-Unis sont bien conscients qu'il leur sera sans doute impossible, à terme de maintenir une présence militaire dans ce pays. En effet, tandis que la Russie considère la présence de troupes américaines dans le pays comme une incursion dans son pré carré, Pékin voit d'un mauvais œil l'existence d'une base américaine si proche du Sin Kiang, à la fois foyer d'instabilité susceptible d'être utilisé par Washington et région abritant des sites de lancement de missiles.

Les incertitudes quant au sort de la base de Manas coïncident avec une augmentation de la tension sur la logistique otanienne à destination de l'Afghanistan. Les problèmes logistiques du Northern Distribution Network (NDN) sont en effet nombreux et laissent planer des doutes quant à la capacité des États-Unis à déployer et soutenir au « Royaume de l'Insolence » des effectifs suffisants pour assurer le succès de la stratégie du général Mc Crystal.

Cependant, il serait trompeur d'interpréter la volonté sino-russe d'éloigner les Américains de l'Asie Centrale ex-soviétique comme l'espérance d'un échec occidental en Afghanistan. Pékin, Moscou et les autres capitales de la région auraient en effet beaucoup à perdre si l'OTAN, contrainte à un aveu d'échec, était poussée à quitter un Afghanistan non stabilisé. Un tel « succès » des islamistes ne pourrait en effet qu'enhardir les jihadistes internationaux à propager le djihad dans le reste de l'Asie Centrale, dans le Sin Kiang et en Russie. Trop heureux de laisser les Occidentaux faire leur « sale boulot », Russes et Chinois ont intérêt à laisser transiter la logistique de l'OTAN par leurs zones d'influence, quitte à compliquer les approvisionnements pour obtenir des concessions diplomatiques.

Quoique ponctuellement liée aux relations chaotiques entre Occidentaux, russes et chinois, les problèmes logistiques de l'OTAN en Afghanistan sont avant tout d'origine matérielle. La configuration du terrain, l'importance des volumes transportés ainsi que les attaques insurgées croissantes contre les convois, autant de sujets déjà abordés par « Mars Attaque » (ici ou ), posent hier comme aujourd'hui des problèmes insolubles que commandants et logisticiens militaires vont cependant devoir résoudre.

[1] Si le président Bakiyev a bien quitté le pays, ce n'est en revanche pas le cas de plusieurs membres de l'ancienne administration qui pourraient être confrontés à la justice kirghize, en particulier son frère Janish, rendu responsable des morts occasionnés par la répression et visé par un mandat d'arrêt.
[2] Il s'est ainsi écoulé quatre jours entiers avant le premier contact téléphonique entre Rosa Otumbayeva, chef du gouvernement intérimaire, et la secrétaire d'État Hillary Clinton
[3] Le renchérissement du prix de l'énergie et la campagne de presse contre le président Bakiyev, s'ils ont joué un rôle catalyseur, n'expliquent cependant pas à eux seuls le soulèvement.
[4] Le Congrès américain a ainsi démarré une enquête portant sur les contrats d'approvisionnements de la base de Manas, qui pourraient indirectement avoir bénéficié à la famille Bakiyev sous la forme de commissions.

jeudi 15 avril 2010

Kandahar vaut une bien vallée… (+MAJ)

Voici la version actualisée de la formule attribuée habituellement à Henri IV (« Paris vaut bien une messe ») que pourrait prononcer aujourd’hui le général Mc Chrystal.

Décider, c'est choisir. Choisir, c'est renoncer...
Espérer ne pas se prendre ensuite un slip...


Les troupes de la coalition ont complètement évacué la vallée de Korengal dans la province de Kunar, proche de la frontière pakistanaise. Cette vallée de 10 kilomètres de profondeur, surnommée « la vallée de la Mort », a été le théâtre de violents affrontements qui ont fait 42 morts américains.

Elles y ont quitté des fortins difficilement ravitaillables et situés dans une vallée déserte donc d’un intérêt limité si l’on reprend la mission : « Le conflit sera gagné en protégeant et persuadant la population, non en détruisant l’ennemi ». Même s’ils participaient à une étanchéité relative de la frontière avec le Pakistan.

Les effectifs libérés par ces évacuations et les renforts promis par différentes capitales sont dirigés vers les zones les plus densément peuplées : la région de Kandahar, point d’effort, le Nord jusqu’alors assez calme mais qui se réveille, et toujours les districts du Helmand (Marjah, Sangin, etc.).

Dans le cadre de la campagne de 18 mois entamée à l’été 2009, les mouvements et les restructurations sont incessants. Par exemple, le commandement régional Sud va être divisé en deux : l’un à dominante britannique et l’autre confié aux Marines (« le Helmandshire » et « le Marine-istan »).

Cette évacuation élevée en symbole est une défaite tactique indéniable. Elle permet aux insurgés d’y établir une base sûre. Néanmoins, elle est nécessaire pour essayer d’arracher une victoire à terme grâce la réarticulation du dispositif, servie par une réflexion de niveau opératif (n’est-ce pas les pros de l’opératif ?).

Elle pourrait pourtant avoir d’autres répercussions. Comment convaincre les populations de s’engager du côté du gouvernement afghan plutôt que de l’insurrection (malgré les risques de représailles) quand la coalition et les forces afghanes ne font que passer, permettant le retour des insurgés ? Aussi, bel exemple de volontarisme donné au Pakistan, alors que ce dernier est pressé par la coalition d’agir.

Les messages assenés avec conviction par le gouverneur de la province de Kunar (« Les insurgés ne viennent ici qu’à cause des bases ») ou par le commandant de la Task Force Moutain Warrior (« Nous restons évidemment capable d’y mener des opérations, même sans les bases ») ne seront pas de trop.

De même, la communication de l'ISAF va avoir fort à faire pour contrecarrer la propagande insurgée qui se gargarise de ce retrait. En effet, il n’y a pas de plan B à la campagne pensée par Mc Chrystal et conduite au quotidien par Rodriguez. Il mérite néanmoins d’être tenté, mais encore faut-il le comprendre. Rendez-vous dans un an…

MAJ 1: Le toujours excellent Small Wars Journal publie une autre analyse sur le futur de la vallée de Korengal, autrefois érigée en modèle de réussite. Le délicat jeu tribal pourrait être la solution comme le cauchemar du futur...

mercredi 14 avril 2010

Perdre la guerre à cause des burgers ?

Mais non, la logistique n’est pas LA fonction opérationnelle oubliée de tous… Il est toujours indispensable que le combattant sur le terrain ait ce qu'il faut, quand il faut et là où il faut.

Après avoir édicté des directives pour l’appui-feu aérien, la conduite des convois, les raids de nuit des forces spéciales ou les tirs de sommation aux check-points, le général américain Mc Chrystal s’attaque aux Burger King et Pizza Hut présents en Afghanistan.

Ces chaînes de restauration rapide pullulent sur les bases de la coalition, en particulier sur les aéroports de Kaboul, Kandahar ou Bagram. Les militaires y retrouvant les services et le confort connus aux États-Unis, ces bases sont surnommées les « Little America ».

Les raisons de cette décision prise par l’ascétique général Mc Chrystal sont multiples.

Tout d’abord, ces restaurants sont gérés pas des entreprises qui recrutent uniquement des contractors américains et n’ont aucune plus value sur le marché local. Alors que le général Mc Chrystal exhorte à aller acheter au bazar pour faire tourner l’économie afghane.

De plus, comme le rappelle le Command Sergeant Major de l’ISAF (le sous-officier le plus ancien du théâtre qui a un rôle de conseiller), l’Afghanistan est « une zone de guerre non un parc d’attraction ». Il faut se concentrer sur la mission, le reste est accessoire.

Enfin et surtout, l’approvisionnement de ces enseignes pèse sur les lignes de ravitaillement déjà menacées par l’insurrection et les goulets d’étranglement entraînées par les quantités à acheminer (alimentation, munitions, matériels) sur des axes rares et encombrés.

D’ailleurs, alors que l’envoi de renforts promis par Obama est réalisé à moitié, il n’est pas sans influence sur la logistique de la coalition. Ainsi, il est fait écho de difficultés à acheminer le ravitaillement (alimentaire en particulier) dans certains postes isolés.

lundi 12 avril 2010

Les barbus ne sont pas toujours ceux que l’on imagine

Par sa nature humaine, la guerre est une activité qui perturbe les habitudes collectives même au sein des sociétés guerrières, rend caduque des imaginaires traditionnels. En Afghanistan, c’est aussi au niveau capillaire que l’image et la représentation de l’Autre sont perturbées.

Lancée en octobre 2001, Enduring Freedom (OEF) vise à mettre hors d’état de nuire Al-Qaeda et à lutter contre les régimes amis : les Taliban afghans en tête. Portant la barbe et lapidant les barbiers, ils incarnent l’ennemi. Un terroriste à une barbe et vice et versa !

Après neuf ans de combats en Afghanistan, les barbus les plus craints pas les populations locales ne sont plus les Taliban mais les forces spéciales occidentales. Pour se fondre dans le paysage local, SAS, SBS, Seal’s, Delta Force et autres FS se laissent en effet pousser la barbe.

En effet, plus qu’une coutume religieuse, la barbe est une pratique religieuse obligatoire pour chaque musulman. Ainsi dans les terres d’Islam, rares sont les hommes qui ne la portent pas. Ils sont alors des étrangers « infidèles » ou des déviants (souvent sur le plan sexuel…).

Les forces spéciales sont réputées pour agir à la marge des opérations conventionnelles, hors des directives, et sont réputées pour leur brutalité (leur mission étant d’éliminer physiquement les cadres insurgés). Conduisant à la reprise en main du général Mc Chrystal.

PS : du futur surge de geeks en Afghanistan…

Par les opérations qui s’y déroulent quotidiennement, l’Afghanistan sera sans conteste un sujet d’avenir pour les intrigues du cinéma, la littérature et d’autres arts. Beaucoup moins noble, l’Afghanistan est déjà le support du futur jeu vidéo de la série Medal of Honor (EA). Le héros principal n’est pas sans rappeler le FS de l’illustration plus haut. Jugez vous-même.

vendredi 9 avril 2010

Remue-ménage sur le toit du Monde


Déjà auteur de différents articles sur Mars attaque traitant de l'Asie Centrale et du Moyen-Orient, Alexandre Guérin éclaire pour nous, depuis Moscou où il se trouve, les événements confus qui se déroulent au Kirghizistan.

Au lendemain de ce qui semble être la prise du pouvoir par l'opposition à Bishkek, la situation demeure confuse au Kirghizistan. Contraint de fuir la capitale pour se réfugier à Osh, dans le sud du pays dont il est originaire, le président Kurmanbek Bakiyev ne semble pas disposé à céder. L'incapacité des forces de sécurité à tenir la capitale, livrée aux pillards, ainsi que le soutien russe qu'auraient reçu l'opposition, laissent peu de doute sur l'issue de la crise.

Genèse d'une crise

Arrivé au pouvoir en 2005 à la faveur de la Révolution des Tulipes[1], Kurmanbek Bakiev était porteur de promesses de démocratisation et de réduction de la corruption. Cependant, sa disgrâce ressemble aujourd'hui étrangement à celle de son prédécesseur et adversaire, Askar Akaiev. Cette crise politique est en effet le résultat d'une conjonction de facteurs à l'œuvre depuis un certain temps.

Natif du sud du Kirghizistan, Bakiev incarnait la fin de la mainmise du nord sur l'administration. Cependant, plutôt que d'associer les différentes régions du pays à ses réformes, il s'est constitué une garde rapprochée où des relations familiales et claniques se sont vues confier des postes haut-placés. En octobre 2009, sous prétexte de combattre la corruption, il a même initié une réforme visant à faire passer le ministère des Affaires étrangères et le Comité d'État à la Sécurité Nationale sous contrôle direct de la Présidence. De nombreuses voies s'étaient alors élevées contre une mesure qui renforçait son pouvoir personnel plus qu'elle ne luttait contre les dysfonctionnements. Accusé de dérive autoritaire, le président Bakiyev fini par perdre le soutien de la plupart de ses compagnons de route, à la manière d'un Saakhachvili aujourd'hui décrié par ses anciens alliés.

À cette exaspération s'ajoutent de nombreuses difficultés économiques. La crise économique mondiale frappe en effet le Kirghizistan, directement et indirectement, via la diminution des enveloppes envoyées au pays par les émigrés et les menaces d'expulsion pesant sur les Kirghizes travaillant en Russie. Par ailleurs, le pays doit faire face à une augmentation importante du prix de l'énergie (gaz et produits pétroliers) induite par l'élévation des droits de douane imposés par la Russie sur ces marchandises. La fermeture du point de passage de Kara-Suu par l'Ouzbékistan - en représailles de la construction par le Kirghizistan d'une centrale hydroélectrique susceptible d'affecter le débit du fleuve Syr-Daria - frappe également l'économie kirghize. Enfin, la Russie a récemment annoncé qu'elle interrompait les versements accordés à la construction de cette centrale au motif que les fonds transférés n'ont pas été utilisés dans le but prévu[2].


Le Président kirghize a donc réussi à s'attirer l'animosité de ses plus puissants voisins, l'Ouzbékisan et la Russie. Les tensions avec l'Ouzbékistan sont fréquentes autour des questions hydriques, du tracé des frontières et de la présence supposée de militants islamiques (Hizb-ut-Tahrir et Mouvement Islamique d'Ouzbékistan[3]) dans les zones ouzbékophones du Kirghizistan. En revanche, les tensions avec la Russie sont nouvelles. La décision du président Bakiyev d'autoriser la création à Bishkek d'un centre d'entraînement à l'antiterrorisme sous supervision américaine en plus de son refus de fermer la base de Manas semblent décidé Moscou à prendre des mesures. Le traitement réservé aux Russes du Kirghizistan ainsi que l'utilisation particulière par le président Kirghize des fonds destinés à la construction du barrage ont également pesé dans la balance. Preuve supplémentaire de cet agacement, de nombreux médias russes disposant d'une certaine audience au Kirghizistan ont récemment émis des critiques vis-à-vis du président. Certains commentaires portant sur le sort fait aux Russes présents dans le pays laissaient même entrevoir la possibilité d'une intervention militaire directe[4].

Perspectives

Alors que se constituent à Bishkek des milices dans le but de mettre fin aux pillages, la question de savoir comment peut évoluer la situation se pose. Chassé de la capitale et isolé sur le plan international, le Président Bakiyev semble à terme devoir renoncer à son poste. Il pourrait également tenter de défendre son poste et la ville d'Osh contre le nouveau gouvernement, entraînant le pays dans une guerre civile comme celle qu'a connu le Tadjikistan voisin[5].
Ce scénario est cependant peu probable pour plusieurs raisons. D'une part, les États-Unis ne laisseraient pas un pays indispensable à là logistique militaire en Afghanistan sombrer dans le chaos. D'autre part, l'opposition, si elle a bien reçu le soutien de Moscou (qui aurait envoyé 150 parachutistes renforcer la protection de la basse russe de Kant), pourrait compter en dernier ressort sur un appui militaire russe pour reprendre le contrôle de la ville d'Osh. Une perspective à même de décourager les partisans du président déchu de résister.

[1]Ce soulèvement, nommé d'après les « Révolutions de couleur » de Géorgie et d'Ukraine, a évincé le président en poste depuis l'indépendance, Askar Akaiev.
[2]Aujourd'hui, seuls 450 millions d'USD sur les 2,15 milliards prévus ont été effectivement versés.
[3]Ces deux mouvements recrutent leurs membres essentiellement au sein de la population ouzbèke de la région.
[4]Il était fait référence à la guerre de Géorgie en 2008. Étant donné que la doctrine militaire russe envisage la possibilité d'opérations extérieures visant à protéger ses ressortissants dans l'étranger proche, un tel scénario ne peut être écarté, même s'il demeure improbable.
[5]Point de comparaison intéressant, les camps adverses (ex-communistes et Opposition Tadjike Unie - OTU) dans ce conflit étaient grosso-modo organisés selon une ligne de clivage nord-sud (respectivement Gharm et Kulyab).

jeudi 8 avril 2010

Il parait que la musique apaise les mœurs…


Mais fait aussi fuir les insurgés !

La chevauchée des Walkyries au Vietnam est passée de mode, place à Metallica et Offspring !

Lors des nombreux contacts avec les insurgés dans le sud de l’Afghanistan, la dernière trouvaille des Forces spéciales américaines est de diffuser plein pot de la musique rock ou du heavy-métal. Les haut-parleurs sont montés directement sur des véhicules blindés.

C’est l’idée des personnels des opérations psychologiques. S’ils sont d’active, ils sont issus du 4th Psychological Operations Group de Fort Bragg en Caroline du Nord, ou alors appartiennent aux unités composées de réservistes faisant de la guerre psychologique.

Audible à plusieurs centaines de mètres à la ronde, ce déferlement de glapissements sonores aurait un double effet : faire fuir les insurgés qui haïssent cette « musique démoniaque des néo-croisés occidentaux » et redonner de l’allant aux Marines qui sont sous le feu.

Pourtant, si les insurgés généralement s’enfuient, le problème n’est pas là. Ainsi, un colonel des Marines souhaite faire cesser cette méthode particulièrement peu appréciée par les populations. Les enfants se bouchent les oreilles et préfèrent les distributions de bonbons aux concerts improvisés.

Mettalica, Offspring ou Thin Lizzy vont devoir quitter la scène afghane mais le Helmand restera pour quelques temps encore très rock and roll !

En complément, une présentation sur l'emploi de la musique dans les opérations psychologiques des trompettes de Jéricho à Iraqi Freedom.

jeudi 25 mars 2010

Irak, terre mercenaire

BRICET des VALLONS Georges-Henri, Irak, terre mercenaire. Les armées privées remplacent les troupes américaines, Favre, Paris, 2010.


Cet ouvrage a pour premier mérite, et ce n’est pas le moindre, de dépasser les caricatures et les problématiques juridiques ou éthiques souvent employées pour étudier les sociétés militaires privées (SMP). Devenus incontournables, ces acteurs non-étatiques sont généralement connus du public par les bavures qui émaillent fréquemment leurs actions. Pourtant depuis 2003 et pour plusieurs années, l’Irak est le champ expérimental de nouvelles pratiques lourdes de conséquences, dépassant les seules retombées politiques des scandales de certains de leurs employés.

Inscrite dans un long processus, « la civilianisation » des campagnes militaires américaines atteint depuis une vingtaine d’années un niveau jamais égalé. Engagée fortement sous Clinton, elle est décuplée sous Bush fils et poursuivie par Obama. Tout ce qui peut l’être est externalisé et même plus : de l’ingénierie au combat en passant par le renseignement, le transport, etc. Et aujourd’hui, il y a plus de civils sous contrat que de soldats réguliers en Irak. Faisant un effort salutaire de définition, l’auteur rappelle que si les effectifs des civils sous contrat atteignent les chiffres pléthoriques et approximatifs de 200 000 début 2009, seuls 20% d’entre eux assurent des missions de sécurité, comblant les lacunes de « la sous-occupation » d’un Irak non-sécurisé et en pleine reconstruction.

Voulue à ses débuts, l’action du privé dépasse ensuite les donneurs d’ordres dont les décisions maladroites, ou l’absence de décisions, facilitent cette perte de contrôle. Les incidents se multiplient et l’anarchie se développe, rien ne semblant l’arrêter : ni le système d’enregistrement et de recensement, ni les tentatives de contrôle sur le terrain, ni la contrainte des textes législatifs. La situation devient même kafkaïenne, une société privée gérant le projet Matrix chargée de suivre ses consœurs. N’évoluant plus à la marge l’une de l’autre, l’auteur met en avant l’hybridation des forces entre le privé et le public. Leurs liens dépassent la coopération pour atteindre l’interopérabilité et même la sur-dépendance du public vis-à-vis du privé. Les forces américaines ne seraient-elles par devenues les auxiliaires des SMP ?

Enfin, les connaissances en économie et en sociologie politique de l’auteur sont particulièrement appréciables pour saisir les problématiques inhérentes à ce marché de la sécurité, inscrit plus globalement dans celui de l’externalisation et de l’idéologie libérale. Ainsi, les SMP ne sont pas, contrairement à ce qui est généralement expliqué, la solution permettant de réaliser les économies d’échelle idoines à l’heure d’une réduction des ressources des États. Surtout, l’impact des SMP est à chercher ailleurs : « soldier drain » des militaires professionnels rejoignant le privé, sous-traitance en cascades obscurcissant les liens entre l’État contractant et celui qui agit, etc.

L’explosion de ce néo-mercenariat est un sujet lourd de conséquences autant pour le modèle occidental de la guerre, celui des rapports économiques débridés ou de la gouvernance des États. Le possible passage du modèle d’État-nation à celui d’État-stratège n’en est qu’un pan. Pour résumer l’état de la Défense américaine, l’auteur note que « le squelette et l’armature restent aux forces armées, leur chaire et leurs muscles sont constituées d’entités privées ». Alors que la France accuse du retard dans la prise en compte d’un phénomène qui ne semble pas s’essouffler, cet ouvrage de référence, qui plus est en français, explicite des pistes de réflexion applicables à de nombreuses situations. Plus proche de nous, on pense évidemment tous à l’Afghanistan…

dimanche 14 mars 2010

Un nouveau site : War-evolution


Encore un petit nouveau (pas si nouveau que cela puisqu'il apparaît en décembre 2009) dans la blogosphère géostratégique française.

Il s'agit du site War-evolution consacré à la guerre économique, à la stabilisation et à la reconstruction post-conflit.

Un peu de mystère entoure ce site tenu par "des professionnels provenant de différents horizons, des opérationnels ayant travaillés longuement dans les zones géographiques étudiées, des étudiants ainsi que des chercheurs".

Axé sur les régions chaudes du globe (Afghanistan, Yémen, Corne de l'Afrique, Irak, etc.), il est orienté vers le recueil et l'analyse de l'information, décodée autour des problématiques économiques des phases post-intervention des conflits.

De plus, il est particulièrement riche sur les questions traitant des sociétés militaires privées (ou SMP) et autres acteurs de l'externalisation de certaines fonctions auparavant réservées aux forces armées étatiques.

A suivre donc, et longue vie à lui !

dimanche 7 mars 2010

Soutien santé : le défi afghan


Le dernier numéro des Focus stratégique de l'Institut français de relations internationales (IFRI) est sorti. Il est rédigé par Aline LEBOEUF, chercheur au Laboratoire de recherche sur la Défense (LRD) et responsable du programme Santé et environnement.

Il traite du Service de santé des armées face au défi afghan, service souvent oublié et qui pourtant n'en est pas moins indispensable pour les unités déployées comme pour les populations civiles secourues permettant de sauver des vies et de traiter les blessures.

Comme pour beaucoup de fonctions opérationnelles, le soutien médico-chirurgical a évolué et s'est adapté au cours du conflit afghan. Ce dernier étant un véritable "battle lab" pour des forces armées françaises ayant relativement peu connues d'engagements durs depuis des années.

Résumé:

"Contrairement aux progrès continus réalisés par la médecine civile, les améliorations en matière de traitement et d'évacuation des blessés de guerre dépendent d'abord de la capacité des services de santé des armées à s'adapter aux environnements conflictuels dans lesquels ils sont engagés. Le conflit actuel en Afghanistan en est l'illustration, comme le montre l'embuscade d'Uzbin".

A lire! C'est cours et instructif. Comme souvent avec l'IFRI...

lundi 15 février 2010

Une opération peu surprenante

Une des quatre lignes d’opérations (lignes de cohérence permettant d’atteindre directement ou indirectement les centres de gravité adverse) de la FIAS en Afghanistan est la communication stratégique. Elle est apparue en août 2009 en plus des précédentes : sécurité (ligne principale), développement et gouvernance (lignes secondaires). Pour l’opération Moshtarak, on peut dire qu’elle a fonctionné de manière particulièrement intense en amont et pendant la prise d’un des villages tenus par les Taliban dans le sud de l’Afghanistan. Pour reprendre un anglicisme « savant », un véritable buzz (sur Facebook, Twitter, les sites institutionnels, par les prises de parole de grands dirigeants, etc.) s’est construit de manière délibérée autour de cette opération.

Comme le note Olivier Kempf, la surprise aurait été réduite (c'est un choix du commandement) au profit d’autres considérations. Alors même que l’Histoire semble indiquer que c’est un des éléments constitutifs de la réussite ou non d’une opération : le Débarquement en Normandie et non dans le Nord-Pas de Calais, Pearl Harbour, l’offensive des Ardennes, les chars dans la Somme, etc. Il est possible d’aller plus loin tout en relativisant un peu.

La surprise, déclinable en plusieurs pans, est un des éléments permettant au chef de conserver sa liberté d’action. De même, en négatif, il est important de se préserver de la surprise adverse par des mesures de sûreté. Pour l’opération Moshtarak,
  • il est évident que le lieu est connu de tous. Les Taliban peuvent donc se retrancher en fortifiant leurs postes de tir, piégeant en pagaille les accès et les habitations, etc.
  • la date n’était pas tellement plus difficile à définir : entre les déclarations d’intention, les fuites et les préparatifs peu discrètes d’une opération à 15 000.
  • la doctrine n’est pas nouvelle et doit mener à une intégration civilo-militaire, un partenariat avec les Afghans, et une conduite sensée du développement et de la gouvernance.
  • la méthode employée était elle par contre beaucoup moins connue.
L’assaut par une soixante d’hélicoptères (et malgré les craintes d’en perdre sous les tirs de possibles armes anti-aériennes) au cœur du dispositif de défense ennemi est osé. Cela permet d’éviter de tout miser sur la lente et dangereuse progression terrestre en contournant les axes et les canaux d’irrigation entourant Marjah.

Concernant les civils, la gestion de la surprise (ou plutôt son absence) a des conséquences plus ambiguës. Ils sont au courant de l’imminence de l’opération et inquiets pour leur sécurité, beaucoup (environ 10 000 sur 80 000) préfèrent fuir vers la capitale régionale, Lashkar Gar. Tout le monde note alors (complètement à tort selon moi tant c’est incomparable) les similitudes avec la prise Fallujah en novembre 2004, vidée de ses habitants. L’absence de civils dans la zone de combats permet un emploi maximal et quasiment sans restriction de la puissance de feu. Or, les tracts largués, les appels à la radio et les déclarations officielles exhortent les habitants à rester chez eux. En effet, plus que la prise de Marjah, la phase la plus importante de l’opération doit se dérouler dans la foulée, au profit et surtout avec la population par la mise en place d’une shura, la réouverture du marché, les projets de développement de la culture du froment, etc.

Une autre finalité est de préparer les nations contributrices à des pertes inévitables. Ainsi, Gordon Brown en personne exhortait les Britanniques à "être forts", Robert Gates faisait de même, etc. Il faut se préparer au pire avec les IED et autres pièges : surtout que les Taliban ont refusé la Paix des Braves proposée par Hamid Karzaï et ne déposant pas les armes, indiquent qu’ils résisteront. Et si cela se passe bien ou moins mal prévu, tant mieux.

Cette stratégie de communication et l'absence relative de surprise sont donc pleinement dans la logique du général Mc Crysthal : limiter les pertes chez l’adversaire (déclarations sur la réconciliation, la réintégration, pas de body count, etc.), protéger la population en allant à son contact (1 500 policiers et militaires afghans devraient rester à Marjah), et proposer une alternative crédible et viable au projet insurgé pour un choix libre de la population en faveur du gouvernement afghan qui doit prendre en main la phase après.

samedi 6 février 2010

De l'emploi des forces armées au XXIème siécle

On ne présente plus le colonel Michel GOYA (carrière opérationnelle notamment dans des unités TDM, officier rédacteur au CDEF, docteur en Histoire, plume du CEMA, chercheur à l'IRSEM et obtention d'une chaire "Action terrestre" aux écoles de Saint-Cyr). Un CV largement plus complet est disponible ici.

Son dernier ouvrage intitulé : Res Militaris - De l'emploi des forces armées au XXIe siècle vient tout juste de sortir. Il se compose d'un ensemble de fiches traitant de sujets variés en quelques pages : les Britanniques en Malaisie, l'armée française à Alger, les armées face aux réformes, l'adaptation durant la Première guerre mondiale, etc. Dans chaque fiche, une problématique, un concept ou une idée maîtresse est magistralement développée autour des thèmes largement maîtrisés par l'auteur : campagne en Irak, Première guerre mondiale, conflits de décolonisation, etc.

Le style bien connu des nombreux ouvrages et études précédents se retrouve et l'intérêt est toujours aussi présent. Sans aucun doute à lire!

vendredi 5 février 2010

Surge militaire, surge civil et maintenant surge canin

Par analogie simpliste avec la situation irakienne, chacun emploie aujourd’hui à tort et à travers le terme de « surge » pour qualifier chaque envoi plus ou moins important de personnels de tout statut en Afghanistan. Or, le surge en Irak ne se limitait pas à l’envoi de renforts mais aussi à leur emploi raisonné au sein d’un plan opératif défini, dont le général US Odierno était le principal maître d’œuvre. Qu’importe, aujourd’hui en Afghanistan, le surge serait même canin !

L’envoi à partir de décembre 2009 de 30 000 militaires américains et d’un peu moins de 10 000 militaires européens serait UN surge (et non LE surge comme en Irak). Ce serait donc au moins le troisième surge depuis janvier 2008 : 20 000 militaires (dont 800 Français en Kapisa) au cours de l’année 2008 et 21 000 soldats américains (dont 4 000 formateurs) en février 2009 rien que sous les généraux Mc Niel et Mc Kiernan.

Le doublement du nombre d’employés civils des départements d’État américains sur l’année 2009 est le prémice d’un autre surge, civil lui : 570 fin 2008, 1 000 en août 2009 et Washington en espère 500 à 600 de plus pour août 2010. Ce chiffre qui peut paraître relativement bas n’est d’ailleurs pas dû uniquement au manque de volontaires, mais surtout à l’absence de personnes compétentes : il manque des administrateurs (chers à Lyautey ou Gallieni) sachant tout faire. Cela explique d’ailleurs le fait que les 2/3 sont stationnés à Kaboul (là où les administrations sont très spécialisées) et seulement 1/3 dans les provinces (là où il faut plus de polyvalence). Malheureusement, le pouvoir afghan n’a rien d’un pouvoir jacobin centralisateur…

Récemment, plusieurs articles parlent donc d’un « surge canin » (ici ou là) alors que, parallèlement au déploiement de troupes, les États-Unis s’apprêtent à déployer 219 chiens supplémentaires en Afghanistan pour juillet 2010 (ce qui représente un peu moins de 10% de leur capacité globale estimée à 2 800 chiens). À titre d’exemple, ils sont déjà 70 au sein d’équipes opérationnelles rien que dans le Sud. L’immense majorité des chiens est spécialisée dans la recherche d’explosifs que cela soit pour des fouilles à l’entrée des bases aériennes et des FOB ou lors des patrouilles sur le terrain pour découvrir des IED et des caches d’armes. Les chiens suivent un entraînement poussé pour être capables de détecter des types d’explosifs différents : du C4 à la cordite en passant par l’engrais agricole composant explosif de nombre d’IED. La probabilité qu’un chien les découvre est proche de 98% : mieux que certaines machines surtout quand ces dernières ne « bipent » que lorsque les IED comportent des éléments métalliques… D’autres chiens sont utilisés pour la surveillance des infrastructures contre les intrusions, en particulier sur les bases aériennes.

Alors que les Américains préfèrent des chiens ultra-spécialisés (certains sont capables de reconnaître jusqu’à une quinzaine de substances), les autres contingents, en particulier les Français, préfèrent des chiens polyvalents : à la fois robuste et dissuasif tout en ayant un flair développé. Un « détachement cynotechnique appui combat débarqué » à 5 personnels et autant de chiens opère au profit de chaque S/GTIA dans chacune des FOB françaises. Quelques chiens gardent en plus les entrées du camp de Warehouse à Kaboul, de la base de Kandahar dans le Sud ou encore de celles de Douchambé au Tadjikistan. Un ou deux chiens sont insères en plus dans les équipes de fouille opérationnelle spécialisée.

L’emploi du binôme homme-chien est au cœur de problématiques bien connues. Ainsi, un chien coûte 40 000 $ par an, ce qui est largement plus rentable que le déploiement de couteux systèmes de détection et de leur équipage. Un chien est employable 5 à 6 ans après deux ans d’éducation et seulement deux chiens ont été perdus en 5 ans d’opérations dans le Sud afghan. Aussi le besoin en nourriture protéinée est indispensable sur un théâtre exigeant pour les chiens, tant le tempo des opérations est élevé. Le soutien de l’homme étant évidemment prioritaire, la logistique pour ces incontournables compagnons n’est que secondaire et n’est pas sans poser des inquiétudes pour les responsables de ce contingent particulier. Le chien n’étant pas un animal respectable au sein de la société afghane (et musulmane plus généralement), des règles très strictes sont édictées quant à leur non-pénétration dans les habitations. Dans ce domaine aussi, l’afghanisation est à l’œuvre avec l’entraînement d’unités cynophiles afghanes (armée, police et anti-narcotique). Après plusieurs mandats en Afghanistan (des chiens en sont à leur troisièmes passage) et plusieurs dizaines d’IED découverts (certains en sont à plus de 35), ils quittent les forces armées et trouvent chez les vétérans des maitres attentifs tant ces derniers savent que les chiens de combat peuvent sauver des vies.

Ainsi, ce bref tour d’horizon permet de toucher du doigt différentes problématiques inhérentes aux opérations en Afghanistan sous un angle bien inhabituel. On attend tous maintenant que fleurisse l’expression de surge muletier, de surge de taliban modérés, de surge de formateurs “non combattants”, de surge etc.

Article publié simultanément sur Alliance Géostratégique.

Afghanistan: les victoires oubliées de l'Armée rouge

En décembre 1979, l’entrée des troupes soviétiques en Afghanistan marque le début d’une guerre de dix ans. Le 15 février 1989, la dernière colonne de l’Armée rouge traverse le "Pont de l’Amitié" à Termez. La 40e armée soviétique se retire et quitte définitivement l'Afghanistan.

Très rapidement après son entrée sur le théâtre, l’Armée Rouge doit s’adapter pour faire face à une guerre de contre-guérilla, qui plus est en montagne, à laquelle elle n’est pas préparée. L’état-major opère donc une série de mutations en profondeur, qui permettront des victoires longtemps occultées.

S’appuyant sur des témoignages inédits d'acteurs, le capitaine Mériadec Raffray, réserviste au Centre de Doctrine et d'Emploi des Forces (CDEF) analyse dans son nouvel ouvrage les procédés et tactiques utilisés sur ce théâtre difficile, théâtre sur lequel se trouvent trente ans plus tard les forces armées françaises.

RAFFRAY Mériadec, Afghanistan: les victoires oubliées de l'Armée rouge, Economica, Paris, 2010.